En quoi consiste la récupération ?
Un certain nombre d’événements, généralement indépendants de la volonté de l’employeur (accidents survenus au matériel, intempéries, sinistres…) peuvent entraîner un abaissement temporaire de l’horaire hebdomadaire de travail.
Afin d’éviter la perte définitive de ces heures, l’employeur a la possibilité de les faire récupérer par les salariés en en différant l’exécution.
Les heures de travail effectuées au-delà de la durée légale en compensation d’heures de travail perdues du fait de circonstances exceptionnelles sont ainsi considérées comme des heures déplacées et non comme des heures supplémentaires (Circ. DRT no 94–4, 21 avr. 1994). En conséquence, elles n’ouvrent droit ni à paiement majoré, ni à repos compensateur et elles ne s’imputent pas sur le contingent d’heures supplémentaires.
La récupération constitue donc une dérogation à la durée légale hebdomadaire du travail.
Quels sont les cas autorisant la récupération ?
Quelles sont les heures récupérables ?
Selon l’article L. 3122-27 du Code du travail, pour pouvoir ouvrir droit à récupération des heures perdues, les interruptions de travail doivent :
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être collectives.
L’article L. 3122-27 ne s’applique donc pas aux hypothèses des heures individuellement perdues (absences, retard…).
La notion d’interruption collective de travail n’implique pas la fermeture totale de l’entreprise ou de l’établissement, ni la cessation de l’activité pour l’ensemble du personnel (Rép. min., JO AN Q 5 déc. 1956, p. 5531).
Toutefois, en cas de fermeture partielle de l’établissement ou de cessation partielle d’activité limitée à un atelier, à un service, la récupération des heures ainsi perdues ne peut affecter les salariés des autres parties de l’établissement ou de l’entreprise (Cass. soc., 12 févr. 1970, no 69-40.214) ;
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correspondre à des heures perdues en dessous de la durée légale du travail.
Exemple : dans une entreprise travaillant 38 heures par semaine, 9 heures sont perdues au cours d’une semaine suite à un sinistre (soit un horaire réel de 38 h – 9 h = 29 heures). Mais seules les heures perdues en-deçà de la durée légale sont récupérables, soit 35 h – 29 h = 6 heures ;
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être justifiées par l’un des motifs suivants visés à l’article L. 3122-27 :
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causes accidentelles, intempéries ou cas de force majeure.
Ces hypothèses correspondent à des évènements imprévisibles. On peut citer à titre d’exemples les accidents survenant aux installations suite à une grève d’EDF, la pénurie de matières premières, la carence des moyens de transport, les sinistres (incendie, inondation). Dans le bâtiment, il pourra s’agir d’interruption de travail due aux intempéries,
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inventaire,
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chômage d’un jour ouvrable ou de deux jours ouvrables compris entre un jour férié et un jour de repos hebdomadaire ou d’un jour précédant le congé annuel (jour de pont). C’est seulement depuis la loi no 87-423 du 19 juin 1987 qu’est possible la récupération d’un pont composé de deux jours, ainsi que celle d’un jour précédant le congé annuel.
Un arrêt du 18 mai 1999 répond à deux questions jusque-là restées en suspens : d’abord, la rédaction de la loi permet-elle de récupérer un pont placé avant le jour férié ? Ensuite, et si la réponse est positive, peut-on aller jusqu’à faire récupérer quatre jours de pont, deux placés avant le jour férié, deux placés après ?
Si la Cour de cassation estime que la récupération peut avoir pour effet de rattraper les heures perdues à l’occasion d’un pont placé avant ou après un jour férié, elle précise que l’entreprise doit faire un choix et ne récupérer qu’un seul des deux ponts quand le jour férié est situé en milieu de semaine (Cass. soc., 18 mai 1999, no 97-13.131, JSL 17 juin 1999, no 38-3).
Quelles sont les heures non récupérables ?
Le caractère exhaustif de l’énumération figurant à l’
article L. 3122-27 du Code du travail conduit à exclure de la récupération trois situations :
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les heures perdues du fait de variations saisonnières et cycliques d’activité.
Dans ce cas de figure, la récupération étant interdite depuis la loi no 86-280 du 28 février 1986 (JO 1er mars), seule la modulation (ancien dispositif) ou une répartition du temps de travail sur une durée supérieure à la semaine en application de l’article L. 3122-2 du Code de travail permet d’apporter une solution à ce type de situation ;
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les heures perdues par suite de chômage des jours fériés.
Cette interdiction résulte de l’ordonnance no 82-41 du 16 janvier 1982 sur la durée du travail. Elle figure à l’article L. 3133-2 du Code du travail ;
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les heures perdues par suite de grève ou de lock-out.
Toutefois, rien n’interdit à un employeur de conclure une transaction de fin de conflit prévoyant la récupération des heures perdues (Cass. soc., 9 déc. 1970, no 69-40.554) ou même de négocier un accord sur l’accomplissement d’heures supplémentaires, rémunérées comme telles, afin de compenser les heures perdues (Cass. soc., 25 avr. 1979, no 78-40.058).
Par ailleurs, les heures perdues suite à une fermeture d’entreprise, décidée en prévision d’une grève extérieure touchant notamment les services publics (EDF…), sont récupérables (Cass. soc., 8 mars 1978, no 76-41.286), à moins bien entendu que les salariés ne se soient associés à ce mouvement et que l’employeur entende, par la récupération, battre en brèche leur droit de grève (Cass. soc, 30 mars 1971, no 69-40.333 ; Cass. soc., 21 juill. 1981, no 79-42.429).
Peu importe que la grève extérieure n’ait pas eu lieu ou qu’elle n’ait pas entraîné de perturbations, dès lors que l’employeur pouvait légitimement craindre la paralysie de l’entreprise ou des dysfonctionnements (Cass. soc., 27 mars 1968, no 67-40.143) ;
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les heures de travail perdues pour cause de maladie ou d’absences rémunérées ou indemnisées ou autorisées, lorsque le travail s’effectue dans le cadre d’une modulation (ancien C. trav., art. L. 3122-22, abrogé par L. no 2008-789, 20 août 2008).
Remarques.— L’ancien article L. 3122-22 l’interdisait expressément dans le cadre de l’ancienne modulation. Bien qu’il n’y fasse plus référence dans le cadre des aménagements pluri-hebdomadaires du temps de travail, il s’agit selon nous d’une interdiction générale, car l’inverse reviendrait à reprendre d’une main ce qui a été donné de l’autre. Cela n’interdit pas de faire travailler, pendant les périodes hautes, le salarié qui a été malade en période basse, mais les heures ainsi effectuées doivent être rémunérées, ce qui n’est pas le cas d’une vraie récupération.
Quelles sont les conséquences du recours illicite à la récupération ?
Dès lors que l’interruption de travail ne correspond à aucun cas limitativement énuméré par l’
article L. 3122-27 du Code du travail, l’employeur ne peut en imposer la récupération au salarié (
Circ. DRT no 94-4, 21 avr. 1994 ;
Cass. soc., 13 oct. 1993, no 89-42.056 : fermeture le jour d’ouverture de la chasse ;
Cass. soc., 28 janv. 1997, no 92-44.976). Ce qui signifie concrètement que l’employeur ne peut pas sanctionner un salarié qui refuserait d’effectuer ces heures. Le salarié qui accepterait néanmoins de travailler pourrait, selon nous, demander à ce que ces heures soient traitées, le cas échéant, comme des heures supplémentaires.
Comment fonctionne la récupération ?
La récupération des heures perdues ne constitue pas une obligation pour l’employeur mais une simple faculté laissée à son appréciation dans le cadre de l’exercice de son pouvoir d’organisation.
Les modalités de la récupération sont déterminées par décret (C. trav., art. R. 3122-4 à R. 3122-7). Toutefois, l’article L. 3122-47 du Code du travail envisage la possibilité de déroger, par accord de branche étendu ou par accord d’entreprise ou d’établissement, aux dispositions réglementaires (sous certaines réserves cependant ; voir infra).
Quelles sont les formalités préalables à effectuer ?
La récupération, qui implique une modification de l’horaire collectif, obéit à des conditions de mise en œuvre.
Trois étapes doivent être respectées :
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l’information de l’inspecteur du travail.
Selon l’article R. 3122-4 du Code du travail, l’inspecteur du travail est préalablement informé des interruptions collectives de travail et des modalités de récupération. Toutefois, si le travail est interrompu par un événement imprévu, l’avis est donné immédiatement.
Il s’agit d’une information préalable et non d’une autorisation préalable. Son non-respect ne peut donner lieu qu’à des dommages-intérêts pour autant qu’il ait causé un préjudice aux salariés et non pas au paiement des heures supplémentaires (Cass. soc., 22 oct. 1985, no 83-40.162 ; Cass. soc., 15 avr. 1992, no 88-43.057). L’absence d’information n’affecte en revanche pas la régularité de la décision de récupération prise par l’employeur (Cass. soc., 16 déc. 2005, no 04-40.905). Les salariés ne peuvent donc pas la refuser. Ils s’exposent dans le cas contraire à une sanction ;
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la consultation préalable du comité d’entreprise.
Sauf à commettre un délit d’entrave, cette consultation s’impose dans la mesure où la récupération est de nature à affecter la durée du travail et les conditions d’emploi du personnel (Cass. crim., 21 nov. 1978, no 77-92.617).
Toutefois, s’il s’agit d’une initiative limitée dans le temps et immédiatement assortie du principe de la récupération des heures perdues, la jurisprudence considère que la consultation préalable ne s’impose pas (Cass. soc., 9 juill. 1986, no 85-41.861) ;
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l’affichage de l’horaire modifié (C. trav., art. D. 3171-3).
Dans quel délai doivent être effectuées les heures de récupération ?
L’article R. 3122-4 du Code du travail prévoit expressément que la récupération des heures perdues dans les cas visés à l’article L. 3122-27 du Code du travail doit s’effectuer dans les douze mois précédant ou suivant leur perte.
Les dérogations conventionnelles peuvent envisager une période de récupération plus longue ou plus courte. Dans l’hypothèse où une convention réduit le délai à 30 jours, les heures de « récupération » effectuées plus d’un mois après la période de chômage perdent leur caractère et doivent être payées en heures supplémentaires (
Cass. soc., 3 déc. 1987, no 86-41.249).
En pratique, la récupération anticipée n’est possible qu’en cas d’inventaire, de pont, de chômage d’un jour précédant le départ en congé, dans la mesure où tous ces événements sont prévisibles. Il est vraisemblable qu’alors la question sera examinée dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire.
A défaut d’être effectuées dans les délais imposés, les heures de récupération pourraient, selon nous, être refusées par le salarié ou celui-ci pourrait demander à être payé en heures supplémentaires.
Quels sont les modalités de récupération envisageables ?
La récupération uniforme sur toute l’année des heures perdues est impossible, selon les termes de l’article R. 3122-5 du Code du travail, sauf dispositions conventionnelles contraires.
Il est néanmoins préconisé d’étaler ces heures, surtout en cas de récupération importante, afin d’assurer une rémunération plus équitable des salariés.
Les heures de récupération ne peuvent augmenter la durée du travail de l’entreprise ou de l’établissement ou d’une partie de ceux-ci de plus d’une heure par jour ni de plus de huit heures par semaine conformément à l’article R. 3122-5 du Code du travail.
Par voie conventionnelle, une augmentation de plus d’une heure de la journée de travail est licite, sous réserve de respecter la limite maximale journalière autorisée (dix heures ou douze heures en vertu d’un accord collectif conclu en application de l’article D. 3121-19 du Code du travail).
En ce qui concerne les industries métallurgiques et le secteur du bâtiment, il faut reprendre respectivement le décret du 27 octobre 1936 (art. 3) et le décret du 17 novembre 1936 (art. 3). Ceux-ci déterminent en effet avec précision les modalités de récupération des heures perdues à la suite d’une interruption collective de travail résultant de causes accidentelles ou de la force majeure.
D’une manière générale et conformément à l’article R. 3122-6 du Code du travail, il est interdit de licencier pour insuffisance de travail, dans le délai d’un mois suivant la récupération, le personnel habituellement attaché aux établissements ou entreprises ou partie de ceux-ci dans lesquels ont été effectuées des heures de récupération.
Quelles sont les incidences des absences sur la récupération ?
Absence pendant l’interruption collective de travail
Décidée par l’employeur, la récupération des heures perdues, s’inscrivant dans le cadre des dispositions légales et réglementaires, s’impose à l’ensemble du personnel et
même aux salariés absents lors de l’interruption collective (
Rép. min., JO AN Q 5 déc. 1956, p. 5531 ;
Cass. soc., 25 mai 1994, no 91-40.927).
Cela vaut pour les salariés absents pour cause de maladie (
Cass. soc., 5 juill. 1982, no 80-40.029 ;
Cass. soc., 24 avr. 1980, no 78-40.572 ;
Cass. soc., 25 mai 1994, no 91-40.927), ainsi que pour les salariés embauchés ultérieurement à l’interruption collective de travail (
Cass. soc., 19 févr. 1959, no 57-40.062, Bull. civ. IV, no 250 ; Rép. min. précitée).
Les salariés ne peuvent donc prétendre à une indemnité représentative des salaires non perçus à la suite de l’interruption collective, ni à des dommages-intérêts lorsqu’ils ont refusé la récupération des heures, décidée dans des conditions régulières, ou dans le cas où l’employeur n’a pas proposé la récupération (
Cass. soc., 6 févr. 1980, no 78-41.263).
Il en est de même tant que l’employeur se trouve encore dans les délais de récupération.
Seule l’hypothèse où l’employeur reviendrait sur son engagement de faire exécuter la récupération peut ouvrir droit à indemnité au titre du paiement des heures non récupérées (
Cass. soc., 25 juin 1981, no 79-42.240).
Absence au moment de la récupération
Le salarié malade lors de la récupération a droit aux mêmes indemnités compensatrices habituelles de salaire que s’il avait été absent au cours d’une autre période normale de travail (
Cass. soc., 14 mars 1984, no 82-40.124).
Le salarié absent lors de la récupération pour un motif n’ouvrant pas droit à maintien de rémunération ou à indemnisation peut faire l’objet d’une retenue équivalente de salaire (voir no 650-30).
Comment s’articulent heures supplémentaires et heures de récupération ?
Le recours aux heures supplémentaires n’interdit pas la récupération des heures perdues. Mais les heures de récupération doivent s’effectuer en premier lieu, les majorations pour heures supplémentaires ne devenant effectives qu’après l’accomplissement des heures de récupération. Ainsi, les heures de récupération viennent après les heures normales mais avant les heures supplémentaires (Circ. DRT no 41/53, 24 avr. 1953, BO Trav. 1953, no 2450).
Les heures supplémentaires font l’objet d’une rémunération selon les règles de droit commun fixées à l’article L. 3121-22 du Code du travail.
Afin de pallier l’inconvénient résultant de l’obligation d’épuiser les heures de récupération avant d’effectuer des heures supplémentaires et du désavantage ainsi procuré aux salariés, le ministère du Travail (Circ. DRT no 91/56, 26 juill. 1956) incite les employeurs à étaler les heures de récupération sur une période aussi longue que possible.
Quelles sont les incidences des heures de récupération sur le droit à repos compensateur ?
En principe, seules les heures supplémentaires correspondant à du travail effectif au sens de l’
article L. 3121-1 du Code du travail ouvrent droit, le cas échéant, à repos compensateur. N’étant que des heures normales différées, les heures de récupération ne doivent pas être retenues pour déterminer le droit à repos compensateur (
Circ. DRT no 8/76, 4 oct. 1976).