La chambre sociale de la Cour de cassation donne, dans un arrêt de principe du 13 novembre 1996, dit « arrêt Société Générale », une définition unique du lien de subordination, en se référant expressément à la fois au Code du travail et au Code de la sécurité sociale (
CSS, art. L. 242-1 ;
Cass. soc., 13 nov. 1996, no 94-13.187, Bull. civ. V, no 386) : le lien de subordination se caractérise par
l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
La caractérisation de la subordination se fait selon la méthode de la preuve par indice ou par «
faisceau d’indices » : pour confirmer ou, le cas échéant, infirmer l’état de subordination, le juge du fond doit rechercher, selon la formule de la Cour de cassation, les «
conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs » (
Cass. soc., 19 déc. 2000, no 98-40.572, Bull. civ. V, no 437 ;
Cass. 2e civ., 20 mars 2008, no 06-20.533), telles que :
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le pouvoir de direction et de contrôle de l’employeur (l’autorité de l’employeur) ;
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le travail au sein d’un service organisé lorsque l’employeur « détermine unilatéralement les conditions d’exécution du travail » (Cass. 2e civ., 14 juin 2006, no 04-30.711) ;
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l’exercice d’une activité accomplie pour le compte et au profit de l’entreprise qui assume le risque économique.
Ces critères sont souvent associés pour déterminer en justice l’existence de la subordination.
La méthode du «
faisceau d’indices » peut être illustrée par un arrêt de la Cour de cassation approuvant une cour d’appel qui « appréciant souverainement l’ensemble des pièces qui lui étaient soumises et analysant les conditions dans lesquelles l’activité des médecins remplaçants était exercée au sein de l’unité de soins et de réanimation, a relevé que ces praticiens effectuaient leurs gardes de nuit dans les locaux de ce service, avec le concours de son secrétariat et selon un planning et un horaire déterminés à l’avance ; que leurs patients étaient ceux traités dans le même service dont ils ne supportaient pas les risques financiers et qu’ils ne signaient aucune feuille de soins, ordonnance ou courrier concernant ces malades ; que leur activité n’avait pas donné lieu à un contrat de remplacement destiné au Conseil de l’ordre et que, d’un montant forfaitaire, leur rémunération était fixée unilatéralement par les médecins de l’unité de soins et de réanimation ; que répondant ainsi aux conclusions, elle a pu en déduire, sans dénaturation, l’existence d’un lien de subordination, de sorte que l’activité litigieuse justifiait l’affiliation des intéressés au régime général de la Sécurité sociale » (
Cass. 2e civ., 21 sept. 2004, no 03-30.144).
Il a de même été jugé que des titulaires de contrats qualifiés de « commande de texte et de cession de droits d’auteurs » « devaient, pour l’exécution du travail qui leur était confié, se conformer aux indications et aux délais fixés par la société et s’engageaient à réaliser toutes les modifications demandées par elle et, d’autre part, que la société pouvait à tout moment mettre fin à l’exécution des conventions qui les unissaient et exiger la remise des œuvres en cours de conception, ce dont il résultait que l’intéressée avait le pouvoir de donner des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements éventuels des intéressés, la cour d’appel en a exactement déduit que les auteurs des textes se trouvaient dans un lien de subordination à l’égard de la société » (
Cass. 2e civ., 6 déc. 2006, no 05-13.307).
Autre illustration de la méthode prônée par la Cour de cassation :
« […] les juges du fond ont relevé que sous réserve des directives du médecin prescripteur, Mme X… organisait son travail sous sa propre responsabilité, que l’association ne lui imposait ni son planning ni le choix des patients qu’elle assistait en fonction de leurs possibilités horaires ; qu’elle disposait d’un cabinet d’exercice libéral distinct dont elle supportait les charges et que, résultant des contraintes médicales de la dialyse, ses sujétions à l’égard de l’association étaient limitées à un devoir d’information et à sa participation à des réunions de coordination organisées d’un commun accord, pour l’utilisation du matériel ; que ses honoraires étaient calculés par acte et par patient sur la base du barème des infirmiers libéraux : AMI 13, sans qu’aucun revenu ne lui soit garanti par l’association ; qu’en l’état de ces constatations, la cour d’appel a pu décider que cette infirmière n’avait pas exercé l’activité litigieuse dans un lien de subordination avec l’association, de sorte qu’elle ne relevait pas du régime général de la Sécurité sociale »
(Cass. 2e civ., 14 sept. 2006, no 04-30.647).
Pareillement, des particuliers chargés de l’organisation d’un transport scolaire «
participaient à un service de transport organisé dont la communauté de communes déterminait unilatéralement les règles de fonctionnement, d’autre part, ils étaient rémunérés sur des bases tarifaires imposées et exposés à des sanctions en cas de défaillances dans l’exécution du transport, ce dont il résultait qu’ils travaillaient dans un lien de subordination » (
Cass. 2e civ., 5 avr. 2006, no 04-30.720).
Il résulte de cette méthode jurisprudentielle que les critères de la subordination sont susceptibles de nuances selon l’activité professionnelle exercée, voire les conditions de son exercice.
La plupart des situations de fait répondant à ces exigences, l’embauchage par contrat de travail sur le territoire français conduit à l’assujettissement au régime général. Toutefois, certaines situations de fait ou certaines conditions d’exercice du travail peuvent poser problème.
L’opération de qualification ou de requalification par le juge s’effectue sous le contrôle de la Cour de cassation.
La Cour de cassation a ainsi assujetti au régime général en application de l’
article L. 311-2 du Code de la sécurité sociale :
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des négociateurs immobiliers qualifiés à tort « d’agents commerciaux » exerçant manifestement leur activité dans le cadre d’un service organisé par l’agence (Cass. soc., 21 juill. 1986, no 84-15.405, Bull. civ. V, p. 323 ; Cass. soc., 30 nov. 1989, no 86-19.277 ; dans le même sens, s’agissant de négociateurs travaillant pour une agence immobilière en vertu d’un contrat de mandat : Cass. soc., 19 janv. 1983, no 81-10.483, Bull. civ. V, p. 15 ; Cass. soc., 18 juill. 2001, no 97-42.784) ;
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un professeur qui, ayant accepté de substituer à son contrat de travail avec une école privée un contrat de « conférencier extérieur », devait donner des cours aux élèves suivant les programmes officiels et dans le cadre d’un service organisé par l’établissement (Cass. ass. plén., 4 mars 1983, no 81-15.290, Bull. civ. ass. plén., p. 5 ; pour des professeurs de danse, voir Cass. soc., 18 juin 2008, no 07-41.888) ;
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—
un joueur de football qui, lié par un contrat excluant par nature toute subordination, recevait une indemnité mensuelle et était soumis au règlement et à la discipline du club (Cass. soc., 14 juin 1979, no 77-41.305, Bull. civ. V).
Les fonctionnaires, magistrats ou universitaires dispensant, sous certaines contraintes, un enseignement au centre régional de formation professionnelle des avocats doivent être assujettis au régime général de la Sécurité sociale pour cette activité (
Cass. 2e civ., 9 mars 2006, no 04-30.550, Bull. civ. II, no 72).
— Pour d’autres illustrations plus détaillées, voir no 88 et s.
a)
L’autorité de l’employeur : élément de la subordination juridique
Le travail subordonné se trouve normalement accompli au lieu et suivant l’horaire prescrits, par un salarié travaillant sans auxiliaire rémunéré par lui, avec un matériel et des matières premières ou produits fournis par l’employeur et sous son contrôle.
L’existence de l’autorité de l’employeur suppose que celui-ci émette des directives et contrôle effectivement le travail accompli. Celle-ci résulte le cas échéant des conditions matérielles d’exécution du travail.
1.
Directives de l’employeur et sanction du travail
La subordination réside notamment dans le fait que les salariés exécutent leur travail en se conformant aux directives et au contrôle de l’employeur et qu’ils soient soumis à son pouvoir disciplinaire.
Ces éléments correspondant aux cas les plus couramment rencontrés caractérisent, la plupart du temps, l’existence d’un contrat de travail.
Le pouvoir de directives et de contrôle de l’employeur sera apprécié par les juges de façon plus ou moins appuyée selon la nature de la profession exercée par l’intéressé. Ainsi, l’autorité s’exercera-t-elle différemment pour un cadre soumis à des objectifs annuels et un manutentionnaire astreint à des tâches spécifiques ordonnées et déterminées d’avance.
Sont qualifiés de salariés en application de ce critère :
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le conseil en publicité tenu de consulter son employeur pour toutes les décisions importantes (Cass. soc., 9 nov. 1965, no 64-40.592, Bull. civ. V, p. 650) ;
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l’enseignant donnant des cours selon les programmes officiels (Cass. soc., 23 janv. 1980, no 78-41.425, Bull. civ. V, p. 46) ;
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les collaborateurs d’un cabinet d’expertise en automobile qui n’ont pas le choix de leurs clients, ni de leurs expertises et exercent leurs missions sous l’autorité, le contrôle et selon les instructions du responsable du cabinet (Cass. soc., 20 déc. 1983, no 82-14.502, Bull. civ. V, p. 454) ;
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les personnes qualifiées « d’agents commerciaux » chargées d’un travail de prospection pour un employeur qui leur impose de nombreuses contraintes : fourniture hebdomadaire des ordres de reçus accompagnés des effets de paiement, obligation de réaliser un chiffre d’affaires minimal, etc. (Cass. soc., 3 juill. 1985, no 84-10.110) ;
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la négociatrice en immobilier, dès lors qu’elle recevait du marchand de biens pour lequel elle travaillait des instructions précises et impératives, n’agissait que sur ses directives, faisait l’objet de critiques sur sa façon d’agir et ne disposait que des moyens de travail mis à sa disposition par la société. Le lien de subordination indispensable à l’existence du contrat de travail est ainsi caractérisé et l’intéressée, malgré l’acceptation d’un contrat d’agent commercial, ne peut se voir interdire d’en demander la requalification (Cass. soc., 18 juill. 2001, no 97-42.784 ; Cass. soc., 26 sept. 2002, no 01-43.212 ; Cass. soc., 29 avr. 2003, no 00-45.685) ;
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des poseurs d’affiches occasionnels pour une société, qui déterminait unilatéralement les conditions du travail qu’elle confiait aux poseurs d’affiches, dont la rémunération était fixée par celle-ci et qui travaillaient selon les directives générales imposées par cette dernière, en ce qui concernait tant le nombre d’affiches à poser que la périodicité et l’objet même des distributions (Cass. soc., 22 mai 1997, no 99-15.455, Bull. civ. V, no 188).
Certains arrêts de la Cour de cassation invoquent la
soumission ou non au pouvoir disciplinaire de l’employeur comme indice de l’existence ou non du lien de subordination (
Cass. 2e civ., 4 déc. 2008, no 08-12.680).
Ainsi sont assujettis au régime général des «
mandataires » qui intervenaient à partir d’un dossier technique constitué par la société : leur activité était contrôlée selon un échéancier de surveillance et la société disposait à leur égard d’un pouvoir de sanction «
consistant à décider de ne plus confier de mission » (
Cass. 2e civ., 13 déc. 2005, no 04-18.104) ou des
experts contrôleurs employés saisonnièrement, qui accomplissaient leurs missions selon des directives et documents émanant de l’employeur. Ce dernier avait le pouvoir d’en contrôler l’exécution au vu d’un rapport, d’un état de frais et d’une «
feuille de route » mentionnant les lieux de visite, les motifs de déplacement, le nombre de parcelles contrôlées, les distances parcourues et les horaires de travail, toutes justifications auxquelles était subordonné le versement d’une rémunération tarifée et fixée unilatéralement par cet employeur (
Cass. soc., 31 oct. 2000, no 97-22.549).
En outre et par un raisonnement similaire, la Cour de cassation a appliqué cette même solution à des agents commerciaux d’une société qui travaillaient exclusivement pour cette dernière, devaient fournir des rapports d’activités hebdomadaires, apporter leur concours à toutes les enquêtes, visites et prospections que la société décidait d’organiser, et respecter les tarifs fixés par celle-ci qui, en outre, déterminait le barème permettant de calculer leurs commissions mensuelles (
Cass. soc., 23 nov. 2000, no 99-10.722).
En revanche, l’assujettissement au régime général n’est pas retenu pour un médecin d’un institut de thalassothérapie qui «
exerçait dans les locaux et avec le matériel et les équipements fournis et entretenus par celui-ci, selon un emploi du temps fixé par le secrétariat commercial de l’institut » et qui percevait en sus des honoraires versés par les curistes «
un fixe mensuel ». Mais ces critères sont insuffisants
du fait de « l’exclusion de toute référence à un pouvoir disciplinaire de la société à l’encontre de celui-ci » (
Cass. 2e civ., 21 juin 2005, no 04-12.105).
Même solution en ce qui concerne les joueurs de l’équipe de France de football et les arbitres, le pouvoir disciplinaire exercé sur eux ne caractérisant pas le pouvoir de direction, de contrôle et de sanction de la FFF à leur égard (
Cass. 2e civ., 22 janv. 2009, no 07-19.039).
De même est censurée une cour d’appel qui «
relevait que ces médecins, affiliés au régime d’assurance sociale des travailleurs indépendants, participaient aux frais de gestion de la clinique, celle-ci n’ayant pas recherché comment avait été fixée la rémunération de ces médecins ni si la société avait le pouvoir de leur donner des ordres et des directives dans l’organisation de leur travail, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner leurs manquements » (
Cass. 2e civ., 16 nov. 2004, no 03-30.412).
Enfin, l’agent comptable du groupement d’intérêt public en charge du livre foncier à Colmar demeure sous la seule autorité du trésorier-payeur général, ce qui exclut tout lien de subordination de l’intéressé à l’égard du Gilfam (
Cass. 2e civ., 12 mars 2009, no 07-16.935, Bull. civ. V, no 460).
2.
Les conditions matérielles d’exécution du travail : indices de la subordination juridique
Le lien de subordination se définit également par les contraintes imposées par l’employeur notamment quant au lieu de travail, aux horaires, à la fourniture du matériel voire à la mise à disposition du personnel.
Ces conditions se conjuguent à d’autres indices venant conforter l’état de dépendance.
Il a ainsi été jugé à propos d’enseignants vacataires, fonctionnaires, magistrats et universitaires qui dispensaient leur enseignement aux étudiants du CRFPA dans les locaux dépendant de celui-ci, que dès lors qu’ils étaient contraints de respecter un programme défini par matière, de se conformer à un emploi du temps déterminé à l’avance et d’assurer un contrôle de la formation prodiguée par la tenue d’un cahier et d’une feuille de présence, les intéressés travaillaient dans un lien de subordination avec le centre, qui avait le pouvoir de leur donner des directives et d’en vérifier l’exécution (
Cass. 2e civ., 9 mars 2006, no 04-30.550, Bull. civ. II, no 72).
1o
La fixation du lieu de travail
À la disposition de l’employeur, le travailleur effectue généralement son activité dans les locaux de l’entreprise.
La fixation par l’employeur du lieu de travail est un indice parmi d’autres de la subordination juridique.
Tel est le cas :
-
—
pour le médecin d’une entreprise travaillant dans les locaux de cette dernière (Cass. soc., 11 mai 1967, no 65-13.607) ;
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—
pour le professeur dispensant ses cours au sein d’une école privée (Cass. ass. plén., 4 mars 1983, nos 81-15.290 et 81-41.647, Bull. civ. ass. plén., p. 5) ;
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pour le métreur exécutant ses fonctions en partie dans les locaux de l’entreprise (Cass. soc., 12 juin 1974, no 73-40.652, Bull. civ. V) ;
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pour des médecins remplaçants au sein d’une unité de soins et de réanimation, qui effectuaient leurs gardes de nuit dans les locaux de ce service (Cass. 2e civ., 21 sept. 2004, no 03-30.144).
Pour le travailleur mobile, la Cour de cassation tient compte :
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d’un lieu fixé par l’employeur : étudiants chargés de procéder à des enquêtes dans des lieux imposés par une société d’études de marché (Cass. soc., 11 févr. 1981, no 79-14.202, Bull. civ. V, p. 90) ;
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ou de l’obligation d’établir un compte rendu précis de l’activité : démarcheur chargé par une société de conseiller des placements en valeurs mobilières ou en argent et de lui fournir des comptes rendus d’activité avec des précisions dépassant l’obligation de rendre compte d’un simple mandataire (Cass. soc., 19 déc. 1978, no 77-10.933, Bull. civ. V, p. 670).
2o
La fixation de l’horaire de travail
L’horaire de travail constitue également un indice du lien de subordination.
La qualité de salarié est reconnue notamment :
Par ailleurs, certaines professions, par leur nature même, ne peuvent s’exercer selon un horaire régulier s’inscrivant dans la durée.
Dans ce cas, la jurisprudence peut retenir comme indice justifiant l’état de dépendance le fait que l’intéressé soit tenu :
Toutefois, la seule contrainte d’horaire ou de lieu ne suffit pas à elle seule pour établir le lien de subordination ; des nuances sont, en effet, apportées par la jurisprudence eu égard à la nature des fonctions occupées.
3o
La fourniture par l’entreprise du matériel ou des outils
La fourniture par l’entreprise du matériel et/ou des outils nécessaires à l’accomplissement du travail est l’une des caractéristiques du lien de subordination. L’état de dépendance n’est cependant pas écarté lorsque le travailleur, certes propriétaire de son matériel, est soumis aux directives d’un employeur. Tel est le cas d’un chauffeur transporteur qui, bien que propriétaire de son camion, est astreint à respecter le règlement édicté par la société avec laquelle il a passé contrat, règlement conférant à celle-ci des pouvoirs étendus sur l’accomplissement du travail de l’intéressé (
Cass. soc., 3 déc. 1986, no 84-12.546, D. 1987, somm., p. 159).
b)
Le travail au sein d’un service organisé
La notion de travail au sein d’un service organisé est fréquemment utilisée en jurisprudence comme indice de la subordination juridique et dès lors de l’assujettissement au régime général de Sécurité sociale.
Toutefois, la Cour de cassation considère que le travail au sein d’un service organisé ne peut à lui seul déterminer l’assujettissement au régime général de la Sécurité sociale.
La Cour de cassation a ainsi approuvé une cour d’appel qui «
après avoir justement fait ressortir que le statut social des collaborateurs de la société découlait des conditions d’exercice de leur activité, relève que ces derniers travaillaient sur la base d’un fichier clients préétabli par les salariés téléprospecteurs de l’entreprise qui prenaient également les rendez-vous avec les clients, mais que ce service organisé ne faisait pas obstacle à ce qu’ils organisent librement leur temps de travail et assument la charge de leurs frais professionnels et de leur protection sociale conformément aux clauses de leurs contrats d’agents commerciaux, et, décide que les intéressés n’étaient pas placés dans un lien de subordination à l’égard de la société, de sorte que leurs rémunérations n’étaient pas soumises aux cotisations du régime général de la Sécurité sociale » (
Cass. 2e civ., 9 déc. 2003, no 02-30.671 ; voir également
Cass. 2e civ., 14 sept. 2006, no 04-30.649).
Si la notion de service organisé ne suffit pas à elle seule, elle fait l’objet de nombreuses applications jurisprudentielles.
Ainsi relevaient du régime général, et ce quelle que soit l’indépendance technique, ou la liberté d’action et de mouvement laissée dans l’exercice de leur art :
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les salariés détachés par une société américaine pour exercer des fonctions « d’experts », dont les conditions d’exécution du travail effectué dans le cadre d’un service organisé étaient déterminées unilatéralement par l’employeur, les intéressés ne supportant pas les risques de leur activité et leur rémunération étant fixée par la société (Cass. 2e civ., 8 mars 2005, no 03-30.324) ;
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des particuliers qui « participaient à un service de transport organisé dont le conseil général déterminait unilatéralement les règles de fonctionnement, rémunérés sur des bases forfaitaires imposées et exposés à des sanctions en cas de défaillance dans l’exécution du transport » (Cass. 2e civ., 31 mai 2005, Bull. civ. II, no 135, p. 121) ;
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les hôtesses relevant d’un secrétariat organisé sous la forme d’une entreprise individuelle doivent être assujetties au régime général de la Sécurité sociale, dès lors que ce secrétariat constitue un service permanent qui organise le travail des hôtesses, veille notamment à l’observation du règlement intérieur mis au point, fournit l’uniforme distinctif que chaque hôtesse doit revêtir à la demande du client, que, pour chaque vacation, l’hôtesse doit mentionner les « honoraires » dus sur un feuillet extrait d’un carnet marqué du timbre de l’entreprise, le secrétariat rémunérant l’hôtesse (Cass. soc., 31 mars 1981, no 80-11.331, Bull. civ. V, p. 215).
À l’inverse, la Cour de cassation a considéré que ne caractérise pas le lien de subordination la cour d’appel qui, pour confirmer l’assujettissement de professeurs intervenants, d’un informaticien et de l’organisatrice d’une soirée à thème dans un centre d’éducation permanente, se borne à énoncer qu’ils étaient intégrés dans un service organisé et que leur lien de subordination avec le centre résultait, pour les premiers, de ce que leurs cours étaient préparés en fonction du thème du stage et leur rémunération calculée sur la durée de la session, en tenant compte du temps consacré à la préparation, pour le second, de ce qu’il était chargé d’assister un professeur lors d’un cours nécessitant l’utilisation de matériel informatique et pour la troisième de ce que sa prestation d’organisatrice avait été exécutée dans les locaux et selon les directives du centre. Cette argumentation est rejetée par la Cour de cassation : l’intégration à un service organisé n’est qu’un indice de l’existence du lien de subordination (
Cass. 2e civ., 25 mai 2004, no 02-31.203, Bull. civ. II, no 233).
Pour que l’existence d’un lien de subordination soit admise, l’intégration dans un service organisé, ajoutée à d’autres indices, doit donc être réalisée dans des conditions que l’intéressé n’a pas à négocier ou à aménager.
c)
Une activité au profit de l’entreprise
Lorsqu’elle se prononce en faveur de l’assujettissement au régime général de la Sécurité sociale, la jurisprudence relève fréquemment que l’activité litigieuse exercée par le collaborateur d’une entreprise est accomplie pour le « compte » de celle-ci, ou qu’elle lui est « profitable ».
La Cour de cassation assujettit au régime général en qualité de salariés :
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—
les collaborateurs d’un cabinet juridique accomplissant des recherches et un travail de rédaction juridiques pour le compte et au profit dudit cabinet (Cass. soc., 5 mars 1986, no 84-12.403, Bull. civ. V, p. 54) ;
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les postiers effectuant, en dehors de leur service normal, des travaux d’expédition de courrier pour le compte d’une entreprise de presse, laquelle les rémunère directement et détermine le volume et la nature des tâches qui leur incombent, ainsi que les modalités de leur exécution (Cass. soc., 26 mai 1983, no 82-11.739, Bull. civ. V, p. 202) ;
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—
les animateurs de vente intervenant dans les grandes surfaces pour des opérations ponctuelles au profit d’une société de produits de la mer (Cass. soc., 10 oct. 2002, no 01-20.094).
Néanmoins, ces critères traditionnels (direction et contrôle, intégration à un service organisé profitable à l’entreprise) se révèlent inopérants dans certaines situations. Aussi, la jurisprudence a-t-elle eu recours au critère du risque économique.
d)
L’absence de risque économique
La notion de risque économique constitue, au regard de la jurisprudence, un des critères permettant dans certains cas de figure de distinguer le travailleur dépendant et indépendant même lorsque les tâches accomplies sont proches ou similaires.
Assumer le risque économique consiste à faire siens les pertes et les profits c’est-à-dire : assumer les déficits, assumer les frais en cas de non-exécution de la prestation, assumer les différents frais et charges relatifs à l’exercice de l’activité (primes d’assurance, prises de garanties et de cautions, concours bancaires, frais de personnel, etc.), récolter les profits de l’activité en fonction des résultats de sa propre entreprise.
Ce critère, qui est l’antithèse de la notion de lien de subordination juridique, est utilisé de longue date comme indice caractéristique de la situation de l’indépendant (voir dans ce sens :
Cass. soc., 2 déc. 1970, no 69-12.014, Bull. civ. V, no 683 ;
Cass. soc., 24 mars 1971, no 69-13.740, Bull. civ. V, no 243 ;
Cass. soc., 3 déc. 1981, no 80-14.678 ;
Cass. soc., 18 mars 1987, no 85-11.167 ;
Cass. soc., 27 sept. 1989, no 86-18.467, Bull. civ. V, no 548).
La Cour de cassation a très souvent recours à la notion d’« absence de risque économique » venant ainsi renforcer le critère du « service organisé » en cas de remplacement de praticiens médicaux et paramédicaux exerçant à titre libéral.
Ainsi relèvent du régime général :
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le chirurgien-dentiste effectuant un remplacement d’un confrère moyennant une rémunération non proportionnelle aux honoraires perçus, de sorte qu’il ne supporte pas le risque économique de l’exploitation (Cass. soc., 4 nov. 1987, no 85-18.421, Bull. civ. V, p. 388) ;
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le pharmacien remplaçant un confrère qui, percevant une rémunération forfaitaire, n’assume pas les risques d’exploitation (Cass. soc., 5 oct. 1989, no 86-15.574) ;
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—
des mandataires qui « n’assumaient aucun risque économique, leur activité était contrôlée selon un échéancier de surveillance, les titres de paiement étaient encaissés par la société » (Cass. 2e civ., 13 déc. 2005, no 04-18.104) ;
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—
des médecins qui n’assumaient aucun risque économique dans la clinique où ils exerçaient (Cass. 2e civ., 23 mai 2007, no 06-15.011).
À l’inverse, ne sont pas assujettis au régime général :
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le masseur-kinésithérapeute, remplaçant d’un confrère, rémunéré directement par les patients dont il conserve les honoraires dans les proportions convenues, tout en supportant les aléas de l’exploitation temporaire (Cass. soc., 18 mars 1987, no 85-11.167) ;
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des médecins remplaçants dans une SCP de radiologie et rémunérés selon un forfait, qui reversent 89 % de leur chiffre d’affaires en radiologie et 66 % en échographie au titre de la location de matériel et de frais de personnel et de fonctionnement divers, qui ont supporté les risques de leur exploitation personnelle mais qui « ne pouvaient participer aux pertes éventuelles de la société » ne sont pas considérés comme subordonnés (Cass. 2e civ., 2 mars 2004, no 02-31.153, Bull. civ. II, no 78).
e)
La dépendance économique