1.
Autorité de l’employeur
Les éléments de fait les plus divers peuvent être utilisés pour caractériser l’autorité de l’employeur : obligation de se conformer à des consignes de travail détaillées ; détermination par le donneur d’ordres des tâches à effectuer, des horaires, du lieu de travail ; obligation de rendre des comptes régulièrement ; possibilité pour le donneur d’ordres de demander des comptes, d’effectuer des contrôles, de prendre des sanctions… Ces éléments correspondant aux cas les plus couramment rencontrés caractérisent, la plupart du temps, l’existence d’un contrat de travail.
Il a, par exemple, été jugé que :
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un agent mandataire, chargé du recouvrement des créances d’une société, travaillant habituellement dans un secteur géographique déterminé, selon un mode opératoire précis et impératif, ayant l’obligation de respecter les directives de la société, de rendre compte des affaires traitées et de respecter les délais qui lui sont imposés, se trouve, en dépit de la marge de liberté inhérente à la nature de ses fonctions, dans un lien de subordination vis-à-vis de la société (Cass. soc., 31 oct. 2000, no 99-13.949) ;
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un agent mandataire, au sens de l’article R. 511-2, 4o du Code des assurances, qui accomplit son activité selon un planning établi par la société, dont la présence est obligatoire à certaines réunions, dont l’emploi du temps peut être modifié en fonction du recrutement de nouveaux agents, qui ne peut réaliser certaines missions qu’après un contrôle préalable de l’inspecteur départemental, qui encourt une perte du droit à commission si certaines opérations ne sont pas exécutées selon les conditions imposées, et qui a été dessaisi de la gestion de dossiers de clients communs avec un agent principal à la suite d’un conflit avec ce dernier, se trouve lié au donneur d’ordres par un contrat de travail (Cass. soc., 16 janv. 2002, no 99-45.718).
A l’inverse, n’accomplit pas son travail dans un lien de subordination le conseil d’entreprise chargé d’une mission de diagnostic, de contrôle et de réorganisation, même si l’intéressé a obtenu toute facilité pour travailler au sein des locaux de la société, ainsi que les moyens matériels nécessaires à la réalisation de sa mission (mise à disposition d’un bureau et d’un ordinateur portable). En effet, l’intéressé n’a reçu aucune directive particulière, aucune observation et aucune critique sur l’organisation de son travail et de ses horaires, et le fait de rendre compte de sa mission au seul directoire ne saurait s’apparenter à une quelconque subordination d’un salarié vis-à-vis d’un employeur. Par ailleurs, l’intéressé était immatriculé au répertoire national des entreprises en qualité de conseil et conservait la possibilité de travailler pour le compte d’autres entreprises ou administrations (CA Versailles, 2 mai 2002, 17e ch. soc., no 01-1234).
2.
Intégration à un service organisé
On entend par service organisé des contraintes liées à l’organisation du travail : horaires imposés ; mise à disposition de locaux, d’un matériel et de personnel ; détermination d’un secteur d’activité ou d’un périmètre d’intervention…
Critère longtemps retenu pour assujettir au régime général un certain nombre de professions qui se prêtaient mal au contrôle d’un tiers (médecins, enseignants, religieux…),
le travail au sein d’un service organisé ne constitue plus désormais qu’un simple indice du lien de subordination (Cass. soc., 13 nov. 1996, précité)
, lorsque l’employeur détermine unilatéralement les conditions d’exécution du travail (
Cass. 2e civ., 25 mai 2004, no 02-31.203, Bull. civ. II, no 233).
Ainsi, ne caractérise pas l’existence d’un
lien de subordination, la cour d’appel qui se borne à énoncer que les travaux étaient commandés par la société et effectués dans l’intérêt de celle-ci, et que les deux ingénieurs conseils étaient tenus par une clause d’exclusivité et avaient travaillé dans un service organisé par la société. Elle aurait dû notamment rechercher si les conditions de fonctionnement du service organisé étaient décidées unilatéralement par la société (
Cass. soc., 4 déc. 1997, no 96-16.442, Bull. civ. V, no 419). Pour que l’indice de l’intégration dans un service organisé soit un élément déterminant de l’existence d’un lien de subordination, il faut donc apporter la preuve que les conditions de fonctionnement de ce service sont décidées unilatéralement par l’employeur. Tel est le cas s’agissant de médecins exerçant au sein d’un centre de thalassothérapie, dès lors qu’ils sont soumis au règlement intérieur de l’établissement, qu’ils s’engagent, pendant les horaires de consultation, à n’examiner que les curistes à l’intérieur du centre, que leur rémunération est prélevée sur les honoraires perçus des curistes et qu’ils s’exposent, en cas de faute grave, à une rupture des relations contractuelles avec un préavis réduit à 10 jours (
Cass. soc., 13 janv. 2000, no 97-17.766, Bull. civ. V, no 20).
3.
Activité profitable à l’entreprise et risque économique
Lorsqu’elle se prononce dans le sens de l’assujettissement au régime général des salariés, la jurisprudence relève fréquemment que l’activité litigieuse exercée par le collaborateur d’une entreprise est accomplie « pour le compte » de celle-ci, ou qu’elle lui est « profitable ».
En d’autres termes,
l’activité doit être exercée dans l’intérêt d’un tiers, Ainsi, les participants à une émission de téléréalité exercent une prestation de travail, dès lors que leur conduite est dirigée et a pour objet la réalisation d’une émission télévisée à des fins lucratives, peu important la motivation des intéressés (
Cass. soc., 3 juin 2009, no 08-40.981 ;
Cass. soc., 4 avr. 2012 no 10-28.818).
Ce critère est généralement associé à celui de « risque économique » : « Le non-salarié est celui qui supporte les risques de son activité et en recueille les profits alors que le salarié ne saurait prétendre aux profits et par voie de conséquence ne court pas les risques. Profits et risques sont étroitement liés à la notion d’entreprise : le salarié n’est pas un entrepreneur, il participe à l’entreprise d’autrui, alors que le non-salarié est un entrepreneur, un chef d’entreprise, même si celle-ci est individuelle ; on dit qu’il est « à son compte » (G. Lyon-Caen, Le droit du travail non salarié, Ed. Sirey 1990).
Le critère du risque économique est très souvent utilisé dans le domaine des professions médicales ou paramédicales.
Ainsi relèvent du régime général :
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les médecins remplaçants exerçant leur activité dans le cadre de l’unité de réanimation selon des horaires imposés et moyennant une rémunération forfaitaire mensuelle, en sorte qu’ils ne supportent pas le risque de l’exploitation temporaire (Cass. soc., 28 nov. 1991, no 89-18.898) ;
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le chirurgien-dentiste effectuant un remplacement d’un confrère moyennant une rémunération non proportionnelle aux honoraires perçus de sorte qu’il ne supporte pas le risque économique de l’exploitation (Cass. soc., 4 nov. 1987, no 85-18.421, Bull. civ. V, p. 388) ;
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le collaborateur d’un dentiste rétrocédant 60 % de ses honoraires au propriétaire du cabinet (pourcentage assimilé à un salaire car trop élevé pour être considéré comme la contrepartie de l’usage du local), ne supportant aucun risque né de l’exploitation et ne participant pas aux pertes, quelle que soit son indépendance technique (Cass. soc., 22 févr. 1990, no 87-17.709) ;
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le pharmacien remplaçant un confrère qui, percevant une rémunération forfaitaire, n’assure pas les risques d’exploitation (Cass. soc., 5 oct. 1989, no 86-15.574).
A l’inverse, ne sont pas assujettis au régime général le masseur-kinésithérapeute, remplaçant un confrère, rémunéré directement par les patients dont il conserve les honoraires dans les proportions convenues tout en supportant les aléas de l’exploitation temporaire (
Cass. soc., 18 mars 1987, no 85-11.167) ou des étudiantes en chirurgie dentaire effectuant un remplacement dès lors que les contrats prévoient l’absence de contrôle du titulaire du cabinet sur leur activité et la rétrocession de la moitié des honoraires perçus, ce dont il résulte qu’elles participent aux résultats de la marche du cabinet, peu important en l’espèce la garantie d’un forfait minimum (
Cass. soc., 13 mars 1997, no 95-11.112).
Remarques
Il découle de l’ensemble des critères jurisprudentiels qu’une même profession peut, en raison de ses modalités d’exercice, être classée comme activité dépendante ou indépendante. Ainsi, un médecin qui, le plus souvent, exerce une activité libérale peut, eu égard aux circonstances de fait, être qualifié de travailleur salarié.
4.
Responsabilité
Un travailleur salarié n’assume pas la responsabilité de ses actes, notamment vis-à-vis de la clientèle. Ainsi, la souscription par le donneur d’ordres d’une police d’assurance au profit de l’auteur de la prestation de travail est de nature à caractériser une relation de travail salariée (
Cass. soc., 17 févr. 1971, no 69-12.980).
A l’inverse, le fait, pour un travailleur, de supporter la responsabilité civile de son activité constitue un indice de travail indépendant.
Par exemple, ne relèvent pas du régime général :