Nous sommes le 8 septembre 2020.C’est une journée particulière pour le tribunal judiciaire de Paris, car pour la première fois en France, se tiendra une audience sur la première action de groupe en discrimination syndicale.
En cause, le groupe Safran Aircraft Engine, anciennement SNECMA, spécialisé dans la fabrication des moteurs d’avion. Il est accusé par la fédération de la métallurgie CGT de discrimination syndicale collective et systémique.
Cette phase judiciaire, qui s’ouvre, est en réalité la seconde phase de l’action de groupe qui signe l’échec des négociations entre les parties.
Depuis des années, au sein de Safran Aircraft Engine, nous avons constaté un écart avec les autres salariés. En effet, nous avons constitué des panels (échantillon de salariés) de salariés embauchés à la même période et avec les mêmes qualifications. En temps normal, nous devrions suivre une courbe à peu près similaire. Cependant plusieurs élus nous alertaient systématiquement sur le fait que, selon eux, ils sentaient un décrochage dans leur évolution.
Malgré les accords, nous avons tenté à maintes reprises, sur les sites, d’alerter nos directions qui nous ont fermé la porte au nez en niant les faits.
Fin 2016, la loi Justice du XXIe siècle sort. Par conséquent, nous nous sommes réunis, avec nos conseils également et nous nous sommes posé une question. Pourquoi ne pas utiliser cette nouvelle loi, pour discuter pendant 6 mois avec notre direction ?
En d’autres termes, faire ce que nous n’avons pu faire pendant des années et obtenir un échange constructif. Malheureusement, la direction, qui se dit victime d’une machination de la CGT, a complétement fermé la porte. Au bout de 9 mois, nous avons été obligés de continuer l’action et nous sommes aujourd’hui devant la juridiction.
Nous sommes quatre cabinets à défendre la CGT soit la fédération de la métallurgie et la confédération générale du travail.
Cela fait 20 ans que la CGT essaie de négocier, en interne, pour mettre fin à une situation de discrimination syndicale qui perdure. La discrimination est un phénomène continue et massif, qui touche tous les élus. Nous, nous avons 36 salariés dans cette action. C’est un phénomène qui se renouvelle chaque année, car chaque année la discrimination continue. Aussi bien en termes de blocage de carrière que de rémunération. Par conséquent, nous sommes sur une situation où la loi L’action de groupe s’applique. Sinon, cela signifierait que la loi ne s’applique qu’à des situations qui sont postérieures. Par conséquent, que faisons-nous de tous les salariés qui subissent des discriminations depuis leurs 20 ans de carrière ?
Safran est une entreprise qui a mis en place un outil de suivi de ses salariés. C’est un suivi de leur évolution salariale, mais c’est un outil qui est vicié de bout en bout, de sa méthode jusqu’à sa mise en œuvre. Il ne permet pas de déceler des discriminations, mais il vise à les dissimuler et aboutit à perpétuer la discrimination.
Cette discrimination s’exprime par :
Tout cela aboutit à une situation de discrimination systémique et que nous voulons résorber par l’attaque de causes également systémiques. En effet, ces causes sont systémiques, car elles résultent de la politique de l’entreprise.
De fait, nous avons deux volets dans l’action de groupe, c’est là le principal intérêt de cette nouvelle voie judiciaire.
D’une part, nous avons la réparation des préjudices pour l’ensemble des salariés qui peuvent y prétendre. C’est-à-dire tous les élus CGT, bien que là ils ne soient que 36, qui pourront rentrer dans le groupe une fois que ce dernier aura été défini par le juge.
D’autre part, nous avons un deuxième volet très important. C’est celui de la cessation, dès maintenant. Nous allons demander au juge de mettre en place des mesures qui vont permettre de mettre véritablement fin à la discrimination en luttant contre les discriminations à chaque étape du processus RH.
La parole est à Pierre Safar, avocat du groupe Safran, qui nie toute discrimination syndicale.
L’entreprise va invoquer trois arguments.
Le premier d’entre eux tient à l’application de la loi dans le temps. Il faut comprendre que la CGT fait état de discriminations dans la carrière. Encore faut-il que l’on puisse identifier des carrières susceptibles d’être analysées. Or, l’analyse du tribunal va se faire, entre la date de promulgation de la loi, novembre 2016, et la date d’assignation, mars 2018. Par conséquent, nous avons une période entre novembre 2016 et mars 2018 qui est de moins de deux ans. Ça ne peut pas être une carrière que nous pouvons analyser et dans laquelle nous pouvons détecter une discrimination.
Le deuxième point, la CGT concentre la majorité de ses attaques contre un accord-groupe qui date du 19 juillet 2006. Cet accord a été signé, à l’époque par la CGT elle-même, et elle n’a jamais demandé son annulation. Il prévoit des mesures supra légales au bénéfice des représentants du personnel et, de surcroît, était en avance sur la loi Rebsamen qui interviendra 9 années plus tard.
Troisième point, la CGT invoque 36 situations individuelles qui, selon elle, permettraient de distinguer des discriminations. Cependant, pour chacune d’entre elle, l’entreprise a versé au débat un panel permettant de visualiser les comparaisons pertinentes prévues par la jurisprudence. Au vu de ces situations, il n’y a aucune anomalie. Finalement rien qui ne puisse laisser présumer l’existence d’une discrimination à l’égard des représentants de la CGT.
Pour ces raisons, l’entreprise va fermement demander le débouté de l’intégralité des demandes qui ont été faites.
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