Par un arrêt du 4 mars 2020, la Chambre sociale de la Cour de cassation a tranché la question du statut des travailleurs de la plateforme Uber.
Elle avait le choix entre :
Par un arrêt de principe – traduit en anglais et en espagnol – la Chambre sociale de la Cour de cassation a fait le choix du lien de subordination. En d’autres termes, les chauffeurs Uber sont des salariés.
Comment la Chambre sociale de la Cour de cassation a-t-elle procédé ?
Elle a fait ce qu’elle fait systématiquement.Elle a plongé dans la relation de travail, concrète et matérielle qui unit les chauffeurs Uber à la plateforme. Sur ce point, et elle a décelé un certain nombre d’indices de subordination.
Lesquels ?
Tout d’abord, les chauffeurs ne connaissent pas la destination du client au moment où ils acceptent la course.
Ensuite, les chauffeurs n’ont aucune prise sur les tarifs qui sont exclusivement définis par Uber.
De plus, il y a des phénomènes de déconnexion de 10 minutes lorsqu’un chauffeur refuse par trois fois, une course.
De même, il y a également des déconnexions totales, voire une clôture définitive du compte, lorsque les notes des chauffeurs sont trop basses ou lorsqu’ils refusent trop systématiquement les courses.
Ce qui démontre que nous sommes effectivement dans un pouvoir de sanction qui relève du lien de subordination.
Enfin, la Cour de cassation considère que le chauffeur Uber ne peut en aucun cas se constituer sa propre clientèle.
Par conséquent, ça ne peut pas être un travailleur indépendant.Et c’est un travailleur qui est subordonné donc titulaire d’un contrat de travail.
Ce lien de subordination ne vaut que lorsque les chauffeurs sont connectés à la plateforme.
La Chambre sociale de la Cour de cassation n’a pas fait évoluer les critères du contrat de travail. En effet, l’arrêt est d’une facture extrêmement classique.
La Chambre sociale renouvelle ce qu’elle dit depuis 1931 et depuis 1996.
En 1931, la Cour de cassation, dans l’arrêt Bardou, rejette le critère de la dépendance économique. Ce qu’elle dit de nouveau dans l’arrêt Uber.
En 1996, dans un arrêt Société Générale, la Cour de cassation considère que la subordination relève d’un triple pouvoir :
Il n’y a donc rien de nouveau dans le cas Uber : en réalité, l’Ancien Monde régit le Nouveau Monde.
Jean-Guy Huglo, doyen de la Chambre sociale de la Cour de cassation, dans l’interview qu’il a accordé à Semaine Social Lamy a indiqué que ce concept de subordination juridique relevait, en tout point, de la notion de droit de l’Union européenne c’est-à-dire de la notion de travailleur.
Qu’est-ce que ça signifie concrètement ? Cela veut dire que les plateformes doivent appliquer la directive de 2003 sur le temps de travail. Par conséquent, elles doivent respecter les durées maximales de travail et les temps de repos.
Finalement, la Cour de cassation a jeté un pavé dans la mare. Désormais, il faut savoir comment on sort de cette situation.
D’une part, il y a une première solution qui s’offre à la plateforme Uber : revoir le modèle de sa plateforme qui a été sérieusement écornée par l’arrêt de la Cour de cassation. En somme, supprimer systématiquement les indices de subordination que je viens de mentionner – ce qu’a fait la plateforme Uber en Californie donc qu’elle peut peut-être également faire en France.
D’autre part, il y a une deuxième solution, qui est politique. C’est que le gouvernement reprenne la main et esquisse un troisième statut. En effet, en droit français, on ne peut être que salarié ou travailleur indépendant.
Par conséquent, le gouvernement pourrait réfléchir à un troisième statut et essayer de voir quelles sont les dispositions du code du travail qui s’appliqueraient aux travailleurs des plateformes. Je crois que le gouvernement a parfaitement entendu le message de la Cour de cassation, car la ministre du travail Muriel Pénicaud a annoncé son intention d’installer une mission qui va réfléchir au statut des travailleurs des plateformes. L’histoire continue.
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