Dans cette vidéo, nous évoquerons les conséquences de la loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne. Cette loi n° 2024-364 a été publiée le 22 avril 2024.
Cette loi est une réponse législative aux arrêts de la Cour de cassation du 13 septembre 2023. Ces arrêts ont reconnu aux salariés le droit d’acquérir des congés payés durant les arrêts maladie. Ces décisions ont provoqué l’ire des milieux patronaux qui ont donc forcé le législateur à intervenir.
Pour en parler, nous avons le plaisir d’accueillir Alexandra Stocki, avocate associée au sein du cabinet AStocki Avocats.
La nouveauté introduite par la loi DDUE publiée le 22 avril 2024, porte sur les absences pour cause de maladie ou d’accident. Et, ce, quelle qu’en soit la cause, professionnelle ou non, et quelle qu’en soit la durée. Désormais, en cas d’absence pour maladie professionnelle ou accident du travail, les salariés acquièrent 2,5 jours ouvrables de congés payés par mois. Tandis que les salariés en arrêt pour maladie simple acquerront 2 jours ouvrables de congés payés par mois. Cette nouvelle règle parait simple et, a priori, soulève un certain nombre de questions. En particulier concernant l’articulation entre les dispositions légales et les conventions collectives de branches ou d’entreprises. Notamment, celles prévoyant, avant la loi, l’acquisition de jours de congés payés pour les salariés en absence pour maladie simple.
Théoriquement, nous pouvons nous demander si le ode de travail permet à un accord de branche ou d’entreprise de prévoir un tel alignement. Cet alignement concerne le nombre de jours de congés payés acquis par les salariés en maladie simple. Il s’agit de les aligner sur celui des salariés en maladie professionnelle. L’articulation entre deux articles est délicate. L’article L3141-9 est dans les dispositions d’ordre public. Il dit que les dispositions du code sur le nombre de jours de congés payés ne portent pas atteinte aux accords de branche. Cela peine à s’articuler avec l’article L3141-10 qui fixe le champ de la négociation collective. Le champ de cette négociation collective est limité. Il ne prévoit pas d’augmentation de nombre de jours de congés payés en raison de la nature de l’absence. Ainsi, nous avons d’ores et déjà un problème d’articulation de ces deux articles dans le Code du travail.
Par exemple, la métallurgie prévoyait déjà l’acquisition, pendant la période de maintien de salaire, deux jours de congés payés pour les salariés en maladie simple ou professionnelle. C’est l’article 84 de la métallurgie qui pose ce principe. Cet article ne prévoit pas le quantum du nombre de jours de congé payés acquis. Il faut se reporter à l’article 83. Ce dernier est rédigé de manière spécifique. Il pose d’abord le principe général pour les salariés. Lorsque les salariés ont droit à des congés payés, ils acquièrent 2,5 jours ouvrables de congés payés. Et, ensuite, il se réfère aux dispositions du Code du travail L3141-3 et suivant du Code du travail.
Ainsi, la question qui se pose est la suivante. Est-ce que demain, nous devons continuer d’appliquer cet article 84 de la métallurgie ? Et si la réponse est oui, est-ce que les salariés pourraient, sur le fondement de l’article 83, dire que pendant la période de maintien de salaire, ce n’est pas 2, mais 2,5 jours ouvrables, car l’article 83 de la métallurgie prévoit expressément que c’est 2,5 jours de congés payés par mois.
Je pense qu’il va falloir que les conventions de branches regardent leurs dispositions. Puisqu’elles se posent la question de savoir si elles peuvent continuer de s’appliquer en l’état ou pas. Et, surtout, si elles risquent de soulever des difficultés d’application comme celles que je viens d’évoquer.
La période de report est effectivement la grande nouveauté introduite par la loi. Elle concerne les salariés qui sont absents pour cause de maladie ou d’accident pendant la période de prise de congés.
De manière générale, les salariés bénéficieront, lors de leur reprise du travail, d’une période de report de 15 mois. Cette période pourra être augmentée par la convention collective. Elle démarrera à compter du jour où l’employeur aura informé le salarié. Cela peut être fait par tout moyen. Cela inclut le bulletin de paye. L’employeur doit informer le salarié de ces droits à congés payés acquis non pris. Et, ce, quelle que soit leur origine ou leur cause. Et, également sur la date limite de prise de ces congés payés. Ainsi, la règle est relativement simple. Cependant, elle pose la question suivante. En cas de nouvelle absence du salarié pendant la période de report, l’employeur doit de nouveau la suspendre ? Au regard de la jurisprudence européenne, oui.
Le législateur ne l’a pas prévu, mais je ne doute pas que le ministère du Travail sera amené à prendre position sur ce point.
Après ce cas général, nous avons l’exception. C’est le cas du salarié qui a été absent pendant toute la période d’acquisition. Soit, comme le texte le dit, « pendant au moins un an ». De fait, lors de la période de prise des congés payés, il aura acquis des jours. Mais uniquement au titre de la maladie ou de l’accident. Prenons l’hypothèse selon laquelle ce salarié serait de nouveau absent pendant la période de la prise des congés. Le mécanisme de report est différent et s’inspire de la jurisprudence de la CGUE. Elle a permis que les salariés, au bout de la période de report, puissent perdre leur droit à congés payés. Cela évite aux salariés absents trop longtemps, trop souvent, puissent bénéficier d’un cumul de jours de congés payés trop importants. Notons que les absences et les retours désorganisent, in fine, l’entreprise.
Cependant, la mécanique retenue par la loi pose une question illustrée simplement. La condition posée pour cette perte des droits est le fait d’avoir été absent pendant au moins un an à la fin de la période d’acquisition.
Exemple, période d’acquisition : 01/06/2022 – 31/05/2023. Un salarié est absent du 31/05/2022 jusqu’au 31/05/2023. Puis, entre le 01/05/2024 et le 31/10/2024 (période de référence de prise de congés) est de nouveau absent. Le mécanisme conduit à ce que le point de départ de la période de report de ces droits pour la période 2022-2023, soit le 31/05/2023. Les droits sont donc perdus à l’expiration d’un délai de 15 mois à compter de cette date. C’est-à-dire au 31/08/2024. Si le salarié est absent jusqu’au 31/08/2024, il perd intégralement ses droits. Et, s’il revient le 01/09/2024, il n’a plus de droit acquis au titre de la période de référence 2022/2023.
Cette mécanique répond, en plus, d’être cohérente avec la règle posée par la CGUE. Elle définit que le salarié, dans certaines circonstances, peut perdre ses droits. Cependant, je m’interroge sur les marqueurs retenus. Puisque cette perte de droit, en droit européen, est conditionnée à une absence pendant plusieurs périodes de références successives. Et, je ne suis pas certaine que la durée, d’au moins un an, soit en cohérence avec cette exigence.
Le législateur n’a pas prévu de règle particulière pour les salariés dont le contrat de travail a été rompu. Par conséquent, en application des règles classiques du Code du travail, les salariés disposent d’un délai de trois ans. Ce dernier court à compter de la date à laquelle ils avaient connaissance des faits leur permettant d’exercer leur action pour solliciter le paiement d’indemnités compensatrices de congés payés. Code du travail, pour las salariés dont le contrat de travail a été rompu, précise que les demandes ne peuvent porter que sur les trois dernières années précédant la rupture.
Demeure une interrogation autour du point de savoir si les salariés ne pourraient pas remonter jusqu’au 1ᵉʳ décembre 2009. En effet, la loi précise un élément dans les dispositions non codifiées. Elle indique que point de départ de l’application de la nouvelle législation est rétroactif. Il remonte au 1ᵉʳ décembre 2009, date de l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne.
Pour les salariés qui sont toujours en poste, les dispositions non codifiées prévoient un délai de forclusion. C’est-à-dire une date limite pour que les salariés agissent. Elle dure deux ans à compter de l’entrée en vigueur de la loi. Ainsi, à priori, jusqu’au 24 avril 2026. Les demandes des salariés, dans ce cadre, ne peuvent pas porter sur des demandes indemnitaires. Elles ne peuvent pas porter non plus sur des demandes d’indemnités de congés payés. En effet, il y a un principe, en droit européen et français. Principe selon lequel tant que l’on est en poste, on ne peut demander que l’attribution de congés payés. On ne peut pas demander le paiement des congés payés.
Comme énoncé auparavant, la loi est rétroactive au 1ᵉʳ décembre 2009. Autrement dit, les salariés dont le contrat est toujours en cours, peuvent agir. Et, ce, en demandant à leur employeur des compléments de congés payés pour les périodes remontant au 1ᵉʳ décembre 2009. Bien sûr s’ils ont été malades durant cette période. Alors, une limite a été introduite au montant de droits. Ces derniers peuvent être demandés par les salariés, car les dispositions non codifiées précisent le point ci-après. Il faut tenir compte des jours de congés payés qui ont déjà été accordés pour chaque période de références. Et, si complément il y a, le nombre total de jours sur la période de référence ne peut pas dépasser 24 jours ouvrables.
En somme, la nouvelle loi, bien qu’il reste des zones d’ombres, doit être saluée. Elle permet de tenir compte de la jurisprudence de l’Union européenne. Par ailleurs, le dispositif offre aux employeurs sécurisation et confort quant aux demandes de passifs en matière de congés payés.
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