Partie 2 –
Attributions et moyens d’action des représentants du personnel
Titre 3 –
Attributions et moyens d’action des délégués syndicaux
Thème 185 –
Attributions des délégués syndicaux
Section 2 –
Négociation collective d’entreprise ou d’établissement
185-15 –
Qui participe à la négociation des accords collectifs d’entreprise ?
Les accords d’entreprise sont négociés entre l’employeur et les syndicats représentatifs dans l’entreprise. Autrement dit, sauf rares exceptions, les délégués syndicaux détiennent le monopole de la négociation des accords collectifs.
Textes :
C. trav., art. L. 2143-23 ; C. trav., art. L. 2232-16 ; C. trav., art. L. 2232-17 ; C. trav., art. L. 2232-21 ; C. trav., art. L. 2232-31 ; C. trav., art. L. 2261-7 ; C. trav., art. D. 2232-2 à C. trav., art. D. 2232-9 ; Circ. DGT no 20, 13 nov. 2008.
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Qui peut négocier, côté patronal ?
En pratique, la représentation de l’employeur est assurée par le propriétaire de l’entreprise, personne physique, ou le mandataire social s’il s’agit d’une société (gérant, président du conseil d’administration, etc.).
Toutefois, l’employeur peut être représenté par une personne à qui il aura spécialement délégué ce pouvoir (le directeur des ressources humaines par exemple), ou toute autre personne appartenant à l’entreprise et ayant compétence et autorité.
Bien que la loi ne l’envisage pas, il semble que l’employeur puisse se faire assister de collaborateurs, en veillant toutefois à ce que la délégation patronale ne soit pas plus importante que la délégation syndicale.
Remarque :
s’il s’agit d’un accord de groupe, il est négocié soit avec l’employeur de l’entreprise dominante, soit avec un ou plusieurs représentants mandatés à cet effet par l’employeur de l’entreprise dominante ou par l’ensemble des employeurs des entreprises concernées par l’accord (C. trav., art. L. 2232-31). Quel que soit le périmètre de l’accord, l’employeur de l’entreprise dominante a vocation à représenter l’ensemble des employeurs concernés sans qu’il ait nécessairement à justifier d’un mandat.
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Quels syndicats faut-il inviter à la négociation ?
Qu’il s’agisse de la conclusion d’un accord d’entreprise ou de sa révision, l’employeur doit inviter tous les syndicats représentatifs dans l’entreprise
(voir no 120-5) à participer à la négociation y compris, en cas de révision, s’ils n’ont pas signé l’accord initial. A défaut, l’accord signé n’est pas valable (
Cass. soc., 17 sept. 2003, no 01-10.706 ;
Cass. soc., 12 sept. 2007, no 06-41.841) et l’employeur se rend coupable du délit d’entrave (
Cass. crim., 28 oct. 2008, no 07-82.799).
ATTENTION :
pour pouvoir négocier un accord d’entreprise, un syndicat doit avoir été reconnu représentatif dans l’entreprise. Pour pouvoir négocier un accord d’établissement, il doit avoir été reconnu représentatif dans l’établissement. Enfin, la négociation d’un accord de groupe est ouverte aux syndicats reconnus représentatifs au niveau du groupe.
Si l’employeur veut, par exemple, négocier un accord d’établissement, il doit inviter tous les syndicats représentatifs dans l’établissement concerné, y compris ceux qui n’ont pas de délégué syndical dans cet établissement (
Cass. soc., 8 juill. 2009, no 08-41.507).
S’agissant des syndicats catégoriels affiliés à une confédération syndicale catégorielle (CFE-CGC), dès lors qu’ils ont été reconnus représentatifs au titre des salariés qu’ils ont vocation à représenter (voir no 120-15), ils sont en droit de participer à la négociation des accords applicables, en tout ou partie, à cette catégorie de salariés (C. trav., art. L. 2232-13).
Sur la notion de syndicat représentatif, voir no 120-10 et s.
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Comment se compose chacune des délégations syndicales ?
La délégation de chaque syndicat représentatif comprend obligatoirement :
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son délégué syndical lorsqu’il n’en a désigné qu’un, et au moins deux délégués syndicaux librement choisis lorsqu’il en a plusieurs. Du seul fait de leur désignation, les délégués syndicaux sont investis de plein droit du pouvoir de négocier et conclure un accord d’entreprise sans avoir pour cela à présenter une délibération ou un mandat spécial (Cass. soc., 19 févr. 1992, no 90-10.896) ;
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chaque syndicat peut, s’il le souhaite, compléter sa délégation par des salariés de l’entreprise (représentants du personnel ou non) dont le nombre est fixé par accord entre l’employeur et l’ensemble des syndicats représentatifs parties aux négociations. A défaut d’accord, ce nombre est au plus égal, par délégation, à celui des délégués syndicaux de la délégation. Toutefois, dans les entreprises n’ayant qu’un seul délégué syndical, ce nombre peut être porté à deux (C. trav., art. L. 2232-17).
ATTENTION :
les participants salariés ne bénéficient pas, en cette seule qualité, de la protection spéciale des représentants du personnel.
Remarque :
s’il s’agit d’un accord de groupe, les syndicats représentatifs dans le groupe peuvent désigner un ou plusieurs coordinateurs syndicaux choisis parmi les délégués syndicaux et habilités à négocier. Ce coordinateur n’est désigné que pour la négociation en cause, il ne constitue donc pas une institution pérenne de négociation au sein du groupe (C. trav., art. L. 2232-32).
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Des personnes extérieures à l’entreprise peuvent-elles participer à la négociation ?
La présence de personnes n’appartenant pas à l’entreprise (notamment des permanents syndicaux) n’est pas prévue par les textes. Une telle participation n’est possible que si elle résulte d’un accord ou d’un usage (
Cass. soc., 19 oct. 1994, no 91-20.292).
Remarque :
si l’employeur emploi, dans ses locaux ou dans des chantiers dont il assume la direction, des travailleurs appartenant à une ou plusieurs entreprises extérieures, les délégués syndicaux des organisations représentatives dans ces entreprises peuvent, sur demande, être entendus lors des négociations (C. trav., art. L. 2232-19). Ce cas semble viser les salariés détachés et ceux des entreprises temporaires.
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Peut-on négocier en l’absence de délégués syndicaux dans l’entreprise ?
Les entreprises dépourvues de délégués syndicaux ne sont pas pour autant privées de la faculté de négocier et conclure un accord collectif. Le législateur a en effet autorisé, à titre dérogatoire, la conclusion d’accords collectifs avec les représentants élus du personnel, des salariés mandatés ou les représentants de sections syndicales.
Les conditions de conclusion d’un accord collectif en l’absence de délégués syndicaux ont été modifiées par la loi du 20 août 2008 (
L. no 2008-789, 20 août 2008, JO 21 août).
Remarque :
les règles issues de cette loi ne sont entrées en vigueur qu’à compter du 1
er janvier 2010. Depuis cette date, il n’est plus nécessaire qu’une convention ou un accord de branche étendu autorise ce mode de négociation dérogatoire, comme c’était le cas auparavant. Toutefois, les entreprises qui relèvent d’une branche dans laquelle un accord étendu conclu avant le 31 décembre 2009 a autorisé et réglementé la négociation avec les représentants élus du personnel (ou des salariés mandatés) restent tenues d’appliquer les dispositions de cet accord (
L. no 2008-789, 20 août 2008, JO 21 août, art. 14). Ces entreprises ne peuvent donc se prévaloir des règles légales de négociation avec d’autres interlocuteurs que les délégués syndicaux si l’accord de branche dont elles relèvent comporte des dispositions différentes.
Sauf dispositions conventionnelles contraires négociées au niveau de la branche avant le 31 décembre 2009, un accord collectif d’entreprise peut désormais être conclu :
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dans les entreprises de moins de 200 salariés, avec les élus titulaires du comité d’entreprise ou de la délégation unique du personnel (voir no 160-125) ou, à défaut, avec les délégués du personnel titulaires (voir no 180-30). Pour être valable, cet accord doit, d’une part, être signé par des élus titulaires représentant la majorité des suffrages exprimés aux dernières élections professionnelles et, d’autre part, être approuvé par la commission paritaire de branche (C. trav., art. L. 2232-21 à C. trav., art. L. 2232-23) ;
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dans les entreprises dépourvues de représentants élus du personnel (ce qui doit être établi par un procès-verbal de carence), quel que soit leur effectif, avec un ou plusieurs salariés mandatés par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives dans la branche. Cet accord doit être approuvé par les salariés à la majorité des suffrages exprimés (C. trav., art. L. 2232-24 à C. trav., art. L. 2232-27). Pour la représentativité des organisations syndicales au niveau de la branche, voir no 120-5.
ATTENTION :
la négociation avec un représentant du personnel élu ou avec un salarié mandaté ne peut porter que sur des mesures dont la mise en œuvre est subordonnée par la loi à un accord collectif. Elle ne peut pas porter sur les modalités d’information et de consultation du comité d’entreprise en cas de procédure de licenciement collectif (c’est-à-dire sur un accord de méthode).
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A quelles conditions peut-on négocier un accord collectif d’entreprise avec le représentant d’une section syndicale ?
En principe, le représentant d’une section syndicale n’a pas le pouvoir de négocier des accords collectifs (
C. trav., art. L. 2142-1-1). Mais, à titre dérogatoire, il peut disposer, sur mandatement de son organisation syndicale, du pouvoir de négocier et conclure un tel accord. Plusieurs conditions sont requises :
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le représentant d’une section syndicale ne peut être mandaté pour négocier un accord collectif que dans les entreprises ou les établissements dépourvus de délégués syndicaux, notamment en raison d’une carence de candidature au premier tour des élections professionnelles ;
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ce représentant doit être désigné par un syndicat affilié à une organisation syndicale représentative au niveau national et interprofessionnel (C. trav., art. L. 2143-23) ;
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la négociation avec le représentant d’une section syndicale n’est admise qu’en cas d’impossibilité de négocier avec les élus du personnel (CE ou DP) ou avec un salarié mandaté.
Remarque :
la négociation avec un représentant de section syndicale n’est donc pas possible dans les entreprises qui relèvent d’une convention de branche ou d’un accord professionnel autorisant la négociation avec les élus du personnel ou un salarié mandaté, ni dans celles qui ne relèvent pas d’une telle convention ou d’un tel accord, mais qui, depuis le 1er janvier 2010, peuvent négocier avec les élus ou un salarié mandaté (voir ci-dessus).
En pratique, la faculté de négocier avec le représentant d’une section syndicale est donc désormais réservée aux entreprises dépourvues de délégués syndicaux qui :
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d’une part, ne relèvent pas d’une convention de branche ou d’un accord professionnel étendu autorisant une négociation avec les élus du personnel ou un salarié mandaté ;
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et, d’autre part, occupent au moins 200 salariés et ont un comité d’entreprise, une délégation unique du personnel ou des délégués du personnel.
Lorsque ces conditions sont satisfaites, l’accord d’entreprise ou d’établissement négocié et conclu par le représentant d’une section syndicale (RSS) doit être approuvé par les salariés, à la majorité des suffrages exprimés, dans des conditions déterminées par décret (C. trav., art. L. 2232-14). A défaut d’une telle approbation, l’accord est réputé non écrit.
Remarque :
aucun décret n’est venu réglementer les modalités d’organisation de la consultation des salariés nécessaire à l’approbation de l’accord conclu par un RSS. Ni les règles applicables lorsqu’un accord collectif conclu par un délégué syndical doit être soumis à l’approbation des salariés (C. trav., art. D. 2232-6 et C. trav., art. D. 2232-7), ni celles applicables lorsqu’un accord collectif est conclu par un salarié mandaté (C. trav., art. D. 2232-8 et C. trav., art. D. 2232-9), ne sont a priori applicables en cas de consultation des salariés sur un accord collectif conclu par un RSS.
Toutefois, la consultation des salariés sur l’accord collectif conclu par un RSS est soumise à certains principaux généraux (
C. trav., art. D. 2232-2 à
C. trav., art. D. 2232-4). Elle doit notamment avoir lieu pendant le temps de travail, au scrutin secret et sous enveloppe, ce qui exclut qu’elle soit réalisée via un vote électronique (
Cass. soc., 27 janv. 2010, no 09-60.240).
Si, à l’issue des élections professionnelles suivant le mandatement du RSS, le syndicat auquel il est adhérent n’est pas reconnu représentatif et nomme un autre représentant de la section syndicale, celui-ci ne peut pas être mandaté pour la négociation d’un accord jusqu’aux six mois précédant la date des prochaines élections professionnelles dans l’entreprise (C. trav., art. L. 2143-23).
Sachez-le :
par exception, certains accords ne relèvent pas du monopole syndical. C’est le cas des accords de participation et d’intéressement ainsi que des accords de retraite et de prévoyance qui peuvent être négociés notamment avec les membres élus du comité d’entreprise (voir nos 160-80 et 160-85).