Si le salarié a droit à une surveillance médicale régulière, il a aussi des obligations en la matière. En effet, les visites organisées par l’employeur sont obligatoires pour le salarié qui doit s’y rendre. Autrement dit, le salarié commet une faute lorsqu’il refuse de se soumettre à ces visites. Cependant, il a aussi le droit de réclamer d’autres examens médicaux, de même que le médecin du travail peut prescrire des examens complémentaires.
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Quels sont les différentes visites médicales auxquels les salariés ont droit ?
Le Code du travail a organisé le suivi médical des salariés. Cette surveillance médicale des salariés est réalisée au moyen de différents examens médicaux : à l’embauche, périodiquement, lors de la reprise du travail dans certaines circonstances, à la demande du salarié ou de l’employeur auxquels peuvent s’ajouter des examens complémentaires décidés par le médecin du travail (C. trav., art. R. 4624-10 et s. ; voir no 110-25 et s.).
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Le salarié peut-il refuser de subir une visite médicale obligatoire ?
S’il revient à l’employeur d’organiser les visites médicales obligatoires, le refus du salarié de s’y soumettre constitue une faute pouvant justifier une sanction, d’autant plus que ce refus laisse planer un doute sur son aptitude médicale.
Un refus systématique et prolongé du salarié peut justifier son licenciement. Ainsi, il a été jugé que le refus de se rendre aux convocations du médecin du travail justifie un licenciement pour faute grave (
Cass. soc., 18 oct. 1989, no 87-42.280). Toutefois, la faute grave n’est pas systématiquement retenue et il a été jugé que le refus d’un salarié de se soumettre à une visite médicale obligatoire pour des motifs religieux ne constitue pas une faute grave. Il s’agit néanmoins d’une cause réelle et sérieuse autorisant le licenciement (
Cass. soc., 29 mai 1986, no 83-45.409 ;
Cass. soc., 20 mai 1980, no 78-41.741).
Toutefois, le licenciement doit faire suite à des injonctions répétées de l’employeur incitant le salarié à se rendre à la visite médicale obligatoire, faute de quoi il n’est pas certain que le licenciement soit considéré comme pleinement justifié : l’employeur doit se garder de toute précipitation en la matière (
Cass. soc., 17 oct. 2000, no 97-45.286).
Remarque :
l’employeur doit sanctionner le refus du salarié de se soumettre à une visite médicale obligatoire et ne peut se contenter d’interdire à ce dernier de reprendre son travail (
Cass. soc., 12 mars 1987, no 84-43.003). Néanmoins, dans l’attente d’une sanction disciplinaire, en cas de refus persistant d’un salarié de se soumettre à la visite médicale obligatoire de reprise, l’employeur peut interdire au salarié de reprendre son travail et, par voie de conséquence, refuser de lui payer les salaires correspondants (
Cass. soc., 26 mai 1983, no 81-40.764).
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Le salarié ou l’employeur peuvent-ils demander d’autres visites médicales ?
Tout salarié peut bénéficier d’un examen médical à sa demande (C. trav., art. R. 4624-17). Cette demande peut intervenir quelles que soient les circonstances et l’antériorité de la précédente visite.
De même, l’employeur peut demander à ce que le salarié soit soumis à un examen médical supplémentaire (C. trav., art. R. 4624-17). Les visites médicales rendues obligatoires par le Code du travail ne constituent qu’un minimum. Il peut donc décider d’organiser une surveillance médicale renforcée en organisant avec le service médical des visites plus fréquentes ou plus approfondies pour certains salariés. En outre, le médecin du travail est le seul conseil médical dont dispose l’employeur, ce qui doit inciter ce dernier à le saisir spontanément en cas de doute sur la santé du salarié et la compatibilité de son état de santé avec son travail. En effet, il entre dans les devoirs de prévention de chacun (employeur, salarié, médecin du travail) de veiller à ce que l’état de santé des salariés ne mette pas en danger leur sécurité ; or, seul un examen médical le permet.
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Le médecin du travail peut-il prescrire des examens complémentaires ?
Le médecin du travail est juge de la nature des examens auxquels il semble nécessaire de soumettre un salarié afin de préserver sa santé.
Dès lors, il peut prescrire les examens complémentaires qu’il estime nécessaires (
C. trav., art. R. 4624-25) :
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à la détermination de l’aptitude médicale au poste de travail et notamment au dépistage des affections comportant une contre-indication à ce poste de travail ;
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au dépistage d’une maladie professionnelle ou à caractère professionnel susceptibles de résulter de l’activité professionnelle du salarié ;
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au dépistage des « maladies dangereuses pour l’entourage ».
Il revient à l’employeur d’assurer l’effectivité de ces examens complémentaires recommandés par le médecin du travail. A défaut, l’employeur ne respecte pas son obligation de sécurité de résultat (
Cass. soc., 26 sept. 2012, no 11-14.742 ; voir
no 156).
Ces examens sont à la charge (
C. trav., art. R. 4624-26) :
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de l’employeur, dans un service de santé au travail d’entreprise ou d’établissement ;
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du service interentreprises, dans le cas inverse. Toutefois, lorsque ces examens sont imposés pour certains risques propres à l’activité de l’entreprise, tels que ceux imposés par la surveillance médicale renforcée, ils sont facturés à l’employeur. A noter qu’il n’y a pas de facturation individualisée pour chaque salarié et ce, pour respecter l’anonymat (Rép. min. no 3242, JOANQ 27 mars 1989, p. 1489).
Quelle que soit la forme du service de santé au travail (voir no 158-35 et s. ; no 158-50 et s.), celle-ci doit assurer le respect de l’anonymat des examens. Le médecin choisit l’organisme chargé de pratiquer les examens (C. trav., art. R. 4624-26).
En cas de désaccord entre l’employeur et le médecin sur la nature et la fréquence de ces examens, le différend est soumis et tranché par le médecin-inspecteur du travail (C. trav., art. R. 4624-27).
La nature et la fréquence de certains examens complémentaires sont fixées par arrêté du ministre chargé du travail après avis du ministre chargé de la santé (voir no 110-10).
Sachez-le :
le temps nécessaire pour les examens médicaux, y compris les examens complémentaires, est soit pris sur les heures de travail des salariés sans qu’aucune retenue de salaire ne puisse être effectuée, soit rémunéré comme temps de travail effectif dans le cas où ces examens ne pourraient avoir lieu pendant les heures de travail. Le temps et les frais de transport engagés sont pris en charge par l’employeur (C. trav., art. R. 4624-28).
Mise à jour par bulletin 43, Janvier 2014
L’employeur peut-il se retourner contre un SST défaillant lors de visites médicales ?
(Cass. 1re civ., 19 déc. 2013, n° 12-25.056).
Oui. L’employeur peut obtenir réparation du préjudice qu’il a subi du fait d’un mauvais fonctionnement du service de santé au travail interentreprises auquel il avait adhéré
Un employeur ayant adhéré à un service de santé au travail interentreprises conformément à l’article L. 4121-1 du Code du travail cesse de payer ses cotisations en invoquant des dysfonctionnements récurrents du service dans la mise en œuvre des examens médicaux obligatoires et un défaut de suivi des salariés soumis à une surveillance médicale renforcée. Contrant l’injonction à payer délivrée sur requête du SST, l’employeur saisit le tribunal d’une demande reconventionnelle de dommages-intérêts d’un montant égal à la cotisation réclamée.
En matière de surveillance médicale des salariés, la responsabilité de l’employeur est régulièrement engagée, la chambre sociale de la Cour de cassation considérant qu’au nom de son obligation de sécurité de résultat, l’employeur est responsable de l’effectivité du suivi médical de ses salariés (voir pour une illustration récente, Cass. soc., 18 déc. 2013, n° 12-15.454, commentée en brève p. 22). La responsabilité éventuelle du service de santé au travail est donc le plus souvent ignorée par la chambre sociale de la Cour de cassation.
Prenant le contrepied de cette position, la première chambre civile de la Cour de cassation a accueilli la demande de l’employeur et a admis la responsabilité contractuelle du service de santé au travail. Pour les Hauts magistrats, la défaillance du service de santé au travail dans l’exécution de sa mission conduisait l’employeur, qui n’était pas en mesure de satisfaire aux exigences du Code du travail en matière de santé au travail, à commettre une infraction pénale visée par l’article L. 4741-1 du Code du travail.
En outre, l’employeur se trouvait « également confronté à un déficit d’informations déterminantes pour l’accomplissement des actions de prévention et le respect des obligations qui lui incombent dans le domaine de la sécurité et de la santé au travail » puisque, comme l’avaient relevé les juges du fond, « le suivi des salariés dans le cadre des visites d’embauche, de reprise ou des examens périodiques, ont justement pour finalité de transmettre des informations essentielles à l’employeur sur l’aptitude médicale de ses salariés ou sur la nécessité d’adapter certains postes, que ces examens sont également importants afin de permettre une meilleure appréhension et analyse des conditions de travail, des risques professionnels et notamment des risques psychosociaux ». Dès lors, la défaillance du SST mettait l’employeur dans une situation où il lui était impossible de remplir correctement son obligation de sécurité, ce qui aurait pu entraîner une mise en cause de sa responsabilité en cas d’inaptitude ou d’aptitude avec réserves. En conséquence, les juges du fond ont pu légitimement estimer que l’employeur avait subi un préjudice d’un montant égal à la somme de la cotisation annuelle due par celui-ci.
Voici donc un arrêt important, à ranger aux côtés de celui rendu par la chambre sociale le 31 mai 2012 (Cass. soc., 31 mai 2012, n° 11-10.958, voir DSQA n° 33). Ce dernier, ouvrant une première brèche, avait admis le préjudice subi par l’employeur, lequel avait été condamné pour non-respect de la procédure d’inaptitude alors même que le fait générateur de ce non-respect avait été le manquement du service de santé au travail dans l’organisation des deux examens médicaux.
Est-ce à dire que la brèche se transforme en ouverture ? Ou plus encore, que l’impunité des services de santé au travail pourra bientôt devenir une histoire ancienne ? Il est encore trop tôt pour l’affirmer. En effet, si la question de la responsabilité des SST et des médecins du travail fait de plus en plus débat, le chemin vers une reconnaissance de principe de cette responsabilité semble encore bien long à parcourir.