Les effectifs vous obligeant à mettre en place des représentants du personnel correspondent au nombre de salariés qui travaillent pour le compte de votre entreprise. Autrement dit, sauf exception prévue par la loi, doivent être pris en compte non seulement les salariés titulaires d’un contrat de travail, mais également ceux mis à votre disposition par une entreprise extérieure.
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Les jeunes récemment embauchés sont-ils immédiatement pris en compte dans l’effectif ?
Oui. Les jeunes salariés, quel que soit leur âge, doivent être inclus dans les effectifs, sauf s’ils sont titulaires de l’un des contrats précités.
En revanche, vous n’avez pas à inclure dans les effectifs de votre entreprise les jeunes qui ne sont pas titulaires d’un contrat de travail, mais effectuent un stage conventionné.
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Le chef d’entreprise et les cadres supérieurs doivent-ils être inclus dans les effectifs ?
Le chef d’entreprise ne fait pas partie des effectifs. Il en est de même des mandataires sociaux tels les gérants de SARL, les membres du conseil d’administration d’une SA, ou les membres du directoire.
En revanche, tous les cadres – du seul fait qu’ils ont la qualité de salarié – doivent être comptabilisés dans les effectifs, quels que soient les pouvoirs dont ils disposent, y compris s’ils détiennent une délégation d’autorité sur un service ou un établissement permettant de les assimiler au chef d’entreprise (
Cass. soc., 26 sept. 2002, no 01-60.670).
Remarque :
si, compte tenu de l’importance de votre entreprise, vous êtes doté de votre propre service de santé au travail, le médecin du travail qui y est affecté est titulaire d’un contrat de travail (C. trav., art. R. 4623-4). Il doit par conséquent être intégré dans vos effectifs.
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Qu’en est-il des intérimaires ?
Ils sont pris en compte dans l’effectif de l’entreprise utilisatrice, au prorata de leur temps de présence au cours des 12 derniers mois. Toutefois, vous n’avez pas à les prendre en compte lorsqu’ils remplacent un salarié absent ou dont le contrat de travail est suspendu (en raison par exemple d’un congé maternité, d’un congé d’adoption ou d’un congé parental d’éducation ;
C. trav., art. L. 1111-2, 2o ; voir
no 105-40).
Ils sont également pris en compte dans l’effectif de l’entreprise de travail temporaire lorsqu’ils sont liés à elle par des contrats de travail temporaire pendant une durée totale d’au moins trois mois au cours de la dernière année civile (C. trav., art. L. 1251-54).
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Qu’en est-il des salariés mis à disposition par une entreprise extérieure (sous-traitants, prestataires de services) ?
Il s’agit par exemple du personnel d’un prestataire de services auquel il est fait appel pour assurer l’accueil, la maintenance informatique, l’entretien des locaux, le gardiennage, etc. Sont également visés les salariés d’un sous-traitant auquel l’entreprise fait appel pour la réalisation de certains travaux.
Depuis la loi du 20 août 2008, doivent être pris en compte dans les effectifs de l’entreprise utilisatrice les salariés mis à disposition qui sont présents dans les locaux de cette entreprise et y travaillent depuis au moins un an (
C. trav., art. L. 1111-2, 2o ;
L. no 2008-789, 20 août 2008, art. 3, JO 21 août).
Vous devez donc compter dans vos effectifs, les salariés qui sont mis à votre disposition par un sous-traitant ou un prestataire de services, dès lors qu’ils remplissent ces deux conditions :
La Cour de cassation a précisé ces deux conditions : les salariés mis à disposition doivent être pris en compte dans le calcul des effectifs de l’entreprise d’accueil uniquement s’ils sont «
intégrés de façon étroite et permanente à la communauté de travail » (
Cass. soc., 13 nov. 2008, no 08-60.331). Cette exigence implique qu’ils soient présents de manière régulière (mais pas nécessairement continue) dans vos locaux, partageant ainsi avec vos salariés des conditions de travail au moins en partie communes susceptibles de générer des intérêts communs.
Exemple :
Il a été jugé que les salariés d’une entreprise de transport, qui étaient mis à disposition d’une entreprise commissionnaire de transport, ne devaient pas être pris en compte dans les effectifs de cette dernière, dès lors qu’ils n’était pas mis à sa disposition exclusive mais travaillaient indifféremment pour plusieurs transporteurs et qu’ils n’étaient présents que de manière ponctuelle dans ses locaux (
Cass. soc., 14 avr. 2010, no 09-60.367).
Attention, c’est à l’entreprise utilisatrice qu’il appartient de dresser la liste précise des salariés d’entreprises extérieures qui interviennent dans ses locaux et qui remplissent les conditions de présence et d’ancienneté requises pour leur prise en compte dans l’effectif (
Cass. soc., 26 mai 2010, no 09-60.400).
Toutefois, vous n’avez pas à prendre en compte les salariés mis à disposition qui remplacent un salarié absent ou dont le contrat de travail est suspendu en raison par exemple d’un congé maternité, d’un congé d’adoption ou d’un congé parental d’éducation (voir no 105-40).
Remarque :
les salariés mis à disposition de votre entreprise et qui doivent être pris en compte dans le calcul des effectifs de votre entreprise, ont également la qualité d’électeurs aux élections des délégués du personnel et du comité d’entreprise (à la condition d’avoir travaillé depuis au moins 12 mois continus dans vos locaux). Ils sont également éligibles aux élections des délégués du personnel, à condition de justifier d’une condition de présence dans vos locaux d’au moins 24 mois continus. Toutefois, ils ont la possibilité de choisir d’exercer leurs droits de vote et de candidature dans leur entreprise d’origine
(voir nos 115-26 et 115-35). Mais, même dans ce cas, vous devez les prendre en compte dans vos effectifs, dès lors qu’ils remplissent la condition de présence dans les locaux de votre entreprise depuis au moins un an (
Cass. soc., 19 janv. 2011, no 10-60.296).
Si un syndicat a été débouté, avant les élections, d’une contestation portant sur le calcul de l’effectif et l’absence de prise en compte de salariés mis à disposition, il peut, une fois les élections passées, agir de nouveau en annulation de celles-ci en invoquant les mêmes faits. Il ne sera pas automatiquement débouté par le juge d’instance qui devra examiner les éléments de fait et de droit qui lui sont soumis par le syndicat. En effet, l’instance tendant à l’annulation des opérations électorales, une fois celles-ci intervenues, n’a pas le même objet que l’instance préventive relative au calcul de l’effectif (
Cass. soc., 1er avr. 2008, no 07-60.317).
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Les salariés absents doivent-ils être décomptés dans les effectifs ?
Vous devez comptabiliser dans vos effectifs les salariés absents ou dont le contrat est suspendu (
Circ. DRT no 83-13, 25 oct. 1983 ;
Cass. soc., 6 oct. 2004, no 03-60.268). Il en est notamment ainsi des salariés absents pour maladie, maternité ou accident du travail, des bénéficiaires d’un congé parental, d’un congé sabbatique, d’un congé pour création d’entreprise, d’une formation, etc.
Cette règle de comptabilisation dans les effectifs s’applique sans restriction, ni condition. Il n’y a donc pas lieu de distinguer selon la durée de l’absence et selon que les salariés continuent ou non de percevoir une rémunération.
S’agissant des
salariés dispensés d’activité, une jurisprudence ancienne avait établi la distinction suivante :
Cette jurisprudence permettant d’écarter des salariés en dispense d’activité et non rémunérés doit cependant être nuancée au vu des arrêts plus récents dans lesquels elle a été abandonnée en matière d’éligibilité (voir no 115-35).
Mise à jour par bulletin 44, Mars 2014
Le décompte des effectifs au regard du droit de l’Union Européenne
L’article L. 1111-3 du Code du travail, qui exclut de l’effectif des entreprises les apprentis et les salariés sous contrats aidés, s’oppose au droit communautaire. Cependant, une directive et la Charte des droits fondamentaux de l’UE qu’elle précise n’étant pas directement invocables dans un litige où les deux parties sont des particuliers, cette disposition demeure applicable dans notre droit national et le juge ne peut l’écarter. Telles sont les leçons à tirer d’un arrêt de la CJUE du 15 janvier 2014. Retour sur cette affaire toute en nuances (CJUE, grande chambre, 15 janvier 2014, aff. C-176/12).
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Une question préjudicielle
Par cette décision du 15 janvier 2014, la Cour de justice de l’Union européenne a répondu à la question préjudicielle soulevée par la Cour de cassation, relative à la conformité au droit européen de l’article L. 1111-3 du Code du travail qui exclut du décompte de l’effectif les apprentis et les salariés sous contrats aidés (Cass. soc., 11 avr. 2012, n° 11-21.609).
Dans cette affaire, à la suite de la désignation d’un représentant de section syndicale (RSS) par un syndicat au sein d’une association comptant une centaine de contrats aidés mais seulement huit salariés sous CDI, celle-ci conteste devant le tribunal d’instance cette initiative. Elle soutient en effet que, compte tenu des exclusions prévues par l’article L. 1111-3 du Code du travail, les effectifs sont inférieurs au seuil minimal de 50 salariés prévu par l’article L. 2142-1-1 du même code pour la désignation des RSS. Ainsi, conformément au droit français, cette entité n’incluait pas ses contrats aidés dans son effectif, ce qui excluait de facto toute représentation du personnel.
Par ailleurs, l’association demande la confirmation qu’elle n’a pas besoin d’organiser d’élection professionnelle puisque ses effectifs sont inférieurs à 11 salariés, en application de l’article L. 1111-3 du Code du travail. Selon cet article, l’effectif de 11 salariés est le premier seuil pour la désignation des délégués du personnel (C. trav., art. L. 2312-1).
En outre, l’article L. 1111-3 du Code du travail énonce que sont exclus du calcul de l’effectif les contrats d’apprentissage, les contrats initiative-emploi (CUI-CIE), les contrats d’accompagnement dans l’emploi (CUI-CAE) et les contrats de professionnalisation.
Le tribunal d’instance transmet dans un premier temps à la Cour de cassation une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) portant sur l’article L. 1111-3 du Code du travail. Le Conseil constitutionnel, saisi par la Haute juridiction de cette question (Cass. soc., 16 février 2011, n° 10-40.062), énonce que les dispositions de l’article L. 1111-3 du Code du travail ne sont pas anticonstitutionnelles (Cons. Const. QPC, 29 avr. 2011, n° 2011-122).
Le tribunal d’instance valide alors la désignation du RSS en avançant que l’article L. 1111-3 du Code du travail s’oppose au droit de l’Union. Saisie par l’association d’un pourvoi, la Cour de cassation sursoit à statuer et pose à la CJUE une question préjudicielle, pour déterminer si l’article 27 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, tel que précisé par les dispositions de la Directive 2002/14/ CE du 11 mars 2002 établissant un cadre général relatif à l’information et à la consultation des travailleurs dans la communauté européenne, peut être invoqué dans un litige entre particuliers afin d’évincer cette mesure nationale de transposition contraire au droit communautaire.
L’article 27 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne afférent au droit à l’information et à la consultation des travailleurs est déterminé par la Directive 2002/14/CE qui précise ce droit en fixant des exigences minimales de représentativité en fonction des effectifs. Cette Directive a été transposée dans notre droit national à l’article L. 1111-3 du Code du travail.
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La réponse apportée par la CJUE
La CJUE confirme que les dispositions de la Directive 2002/14/CE précitée interdisent d’exclure certaines catégories de travailleurs du calcul des effectifs de l’entreprise. Une telle pratique a pour effet de neutraliser l’utilité de ce texte et de priver les travailleurs des droits qui y sont reconnus.
Cependant, un salarié ou un syndicat ne peut se prévaloir, devant une juridiction nationale, de la non-conformité de l’article L. 1111-3 du Code du travail au regard du droit de l’Union européenne en raison de l’absence d’effet direct horizontal des directives. En effet, celles-ci ne sont pas directement invocables lorsque les deux parties sont des particuliers. Il en aurait été autrement si une des parties au litige avait été l’État ou un organisme ayant reçu une délégation de service public.
Par ailleurs, « l’interprétation conforme », méthode qui consiste en l’espèce à rejeter l’application de l’article L. 1111-3 du Code du travail en interprétant ce texte à lumière de la Directive est proscrite, car elle ne peut mener à une interprétation contra legem du droit français.
La CJUE ajoute que l’article 27 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne n’a pas non plus d’effet direct horizontal et ne se suffit donc pas à lui-même pour conférer aux particuliers un droit invocable en tant que tel. Il ne peut donc être appelé dans un litige pour arguer du fait que l’article L. 1111-3 du Code du travail, non conforme à la Directive est à écarter.
Enfin, la Cour rappelle que des dommages-intérêts peuvent être réclamés à l’État par la partie lésée (ici les salariés ou les syndicats) en raison de la non-conformité du droit national au droit européen (CJUE, 19 nov. 1991, aff. C-6/90 et C-9/90).
Sur le fond, seul le législateur peut intervenir pour rendre les dispositions du droit national conforme au droit communautaire.
Mise à jour par bulletin 47, Septembre 2014
Exclusion des contrats aidés du calcul de l’effectif
L’application de l’article L. 1111-3 du Code du travail, qui exclut du calcul de l’effectif des entreprises les contrats d’apprentissage, les contrats initiative-emploi (CUI-CIE), les contrats d’accompagnement dans l’emploi (CUI-CAE) et les contrats de professionnalisation, est, certes, incompatible avec le droit de l’Union européenne. Mais elle ne peut être écartée par le juge judiciaire dans un litige entre particuliers (Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, art. 27 ; Directive 2002/14/CE du Parlement Européen et du Conseil du 11 mars 2002, art. 2 et 3 § 1). L’article L. 1111-3 du Code du travail demeure donc applicable dans notre droit national, car les dispositions communautaires susvisées n’ont pas d’effet direct horizontal et ne sont donc pas directement invocables lorsque les deux parties sont des particuliers. Ainsi, dans cette affaire, il appartenait au juge judiciaire de vérifier si l’effectif de l’entreprise permettait la désignation d’un représentant de la section syndicale (RSS) en tenant compte des exclusions prévues par l’article L. 1111-3 du Code du travail (Cass. soc., 9 juill. 2014, n° 11-21.609 ; voir DSQA n° 44).