Quelle est la durée maximale hebdomadaire ?
Sauf dérogations (voir infra), la durée maximale hebdomadaire de travail effectif est fixée à 48 heures (C. trav., art. L. 3121-35).
Elle ne doit pas non plus dépasser, en moyenne, 44 heures sur une période quelconque de 12 semaines consécutives (C. trav., art. L. 3121-36).
Une entreprise peut donc, sur une période de 12 semaines consécutives, faire travailler ses salariés jusqu’à 48 heures certaines semaines, à condition que la moyenne de 44 heures soit respectée.
Un décret pris après conclusion d’une convention ou d’un accord collectif de branche peut porter la durée hebdomadaire moyenne maximale calculée sur 12 semaines jusqu’à 46 heures (
C. trav., art. L. 3121-36 ; sur les dérogations possibles, voir
infra). Il en va par exemple ainsi pour le personnel des entreprises de transport ferroviaire de marchandises et pour le personnel roulant effectuant des services d’inter-opérabilité transfrontalière (
D. no 2010-404, 27 avr. 2010, JO 28 avr.).
Attention, il ne faut pas confondre la durée maximale moyenne (44 heures) et la durée maximale hebdomadaire de 48 heures. Cette dernière s’apprécie dans le cadre strict de la semaine civile. Il y a donc violation de cette durée maximale lorsque, dans le cadre d’une organisation par cycles de 15 jours, des salariés effectuent une semaine sur deux 62 heures 50 ou 55 heures selon qu’ils travaillent en équipe de jour ou de nuit. Peu important que la durée moyenne du cycle s’établisse à 43 heures 45 (
Cass. soc., 5 nov. 2003, no 01-42.174).
Il y a lieu, pour l’appréciation de la durée maximale du travail, de comptabiliser, le cas échéant, les heures d’équivalences (voir no 220-40).
La durée maximale de travail est déterminée sur la base du temps de travail effectif. Il en est ainsi dans le transport pour l’application du décret du 26 janvier 1983 qui subordonne le décompte des heures supplémentaires par quatorzaine au respect de la durée maximale de 48 heures. Cette dernière ne doit être appréciée qu’à partir du temps de travail effectif et non sur la durée de l’amplitude dont doit être déduite la part de l’activité qui ne correspond pas à du travail effectif (
Cass. soc., 12 mars 2014, no 12-28.483 à no 12-28.487).
Les conventions collectives peuvent imposer des maxima inférieurs à ceux fixés par la loi.
En cas de travail en équipes successives en cycle continu, la durée hebdomadaire moyenne sur l’année ne doit pas excéder 35 heures (voir no 330-30).
Il en va de même pour les jeunes de moins de 18 ans, sauf dérogations (voir no 140-20).
— Sur la durée maximale hebdomadaire en cas de travail de nuit, voir no 335-30.
Dans quel cadre s’apprécie la durée maximale hebdomadaire ?
Bien que la loi ne le précise pas, la durée maximale hebdomadaire semble s’apprécier, à défaut de dispositions conventionnelles contraires, dans le cadre de la semaine civile, c’est-à-dire du lundi 0 heure au dimanche 24 heures, et cela par analogie aux dispositions concernant le décompte des heures supplémentaires (C. trav., art. L. 3121-20) et la répartition des horaires (C. trav., art. L. 3122-1).
Si un accord collectif donne une autre définition de la semaine, il semble logique de s’y référer pour apprécier la durée maximale hebdomadaire.
Peut-on dépasser la durée maximale hebdomadaire ?
Des dérogations administratives sont possibles. Leurs modalités sont fixées par les articles R. 3121-21 et suivants du Code du travail.
Quelles sont les règles applicables aux demandes de dérogation ?
Les dérogations ne peuvent être accordées que pour une durée qui doit être expressément fixée, dans chaque cas, par l’autorité compétente (voir infra). Elles doivent avoir un caractère exceptionnel.
À l’expiration de la durée d’effet d’une dérogation, toute nouvelle dérogation ne peut résulter que d’une décision expresse faisant suite à une nouvelle demande. Celle-ci est instruite dans les mêmes conditions que la demande initiale.
Les dérogations sont révocables à tout moment par l’autorité qui les a accordées si les raisons qui en ont motivé l’octroi viennent à disparaître, notamment en cas de licenciements collectifs affectant les secteurs, régions ou entreprises ayant fait l’objet d’une dérogation (C. trav., art. R. 3121-21).
La consultation du comité d’entreprise préalable à l’instruction des demandes de dérogation doit impérativement porter tant sur l’opportunité de celles-ci que sur les mesures compensatoires auxquelles leur octroi serait subordonné, le cas échéant (Circ. min. no 94-4, 21 avr. 1994, BO Trav. 1994, no 9).
Quelles sont les dérogations à la durée maximale moyenne (46 heures) ?
La loi ne prévoit de dérogation administrative à la durée maximale moyenne hebdomadaire que dans les cas où celle-ci a été portée par accord collectif à 46 heures.
Les dérogations ont par ailleurs un caractère exceptionnel. Elles peuvent être accordées à certains secteurs, certaines régions ou certaines entreprises (C. trav., art. L. 3121-36).
Quelles sont les dérogations possibles ?
Ces dérogations peuvent autoriser (
C. trav., art. R. 3121-24) :
-
–
un dépassement de la moyenne hebdomadaire de 46 heures sur une période de douze semaines consécutives ;
-
–
une répartition de cette même moyenne sur une période de plus de douze semaines ;
-
–
une combinaison de ces deux modalités.
Les décisions de dérogation précisent les modalités, l’ampleur et, le cas échéant, les autres conditions du dépassement autorisé.
Quelles sont les compensations imposées ?
Les dérogations peuvent être assorties de mesures compensatoires, fixées par la décision emportant dérogation (C. trav., art. R. 3121-22).
Celles-ci peuvent imposer :
-
–
soit de ramener la durée hebdomadaire moyenne de travail à moins de 46 heures pendant une période déterminée postérieure à la date d’expiration de la dérogation ;
-
–
soit de prévoir, en faveur des travailleurs, des périodes de repos complémentaires ;
-
–
soit encore d’abaisser, pendant une période limitée, la durée maximale du travail.
Quelle est la procédure applicable en cas de dérogation demandée pour tout un secteur d’activité ?
Lorsqu’une dérogation concerne tout un secteur d’activité, la demande est adressée, par l’organisation patronale intéressée :
-
–
au ministre du Travail, s’il s’agit d’une dérogation de portée nationale (C. trav., art. R. 3121-25) ;
-
–
au Direccte, s’il s’agit d’une dérogation concernant une localité, un ou plusieurs départements ou une région (C. trav., art. R. 3121-26).
Dans l’un et l’autre cas, chaque entreprise concernée ne peut appliquer la dérogation qu’après décision de l’inspecteur du travail statuant sur le principe et les modalités de l’application de celle-ci, et après avis du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel (C. trav., art. R. 3121-27).
— Sur l’inspecteur du travail territorialement compétent, voir no 110-30.
Quelle est la procédure applicable aux demandes de dérogations individuelles ?
Les employeurs peuvent, pour faire face à des situations exceptionnelles propres à leur entreprise, demander l’octroi d’une dérogation particulière.
Cette demande, qui doit être motivée, est adressée, accompagnée de l’avis du comité d’entreprise ou, à défaut, de celui des délégués du personnel, à l’inspecteur du travail qui la transmet au Direccte. Celui-ci prend sa décision au vu d’un rapport établi par l’inspecteur et indiquant, notamment, si la situation de l’entreprise est de nature à justifier l’octroi de la dérogation (C. trav., art. R. 3121-28).
— Sur l’autorité administrative territorialement compétente, voir no 110-30.
Quelles sont les dérogations à la durée maximale absolue (48 heures) ?
En cas de circonstances exceptionnelles entraînant temporairement un surcroît extraordinaire de travail (C. trav., art. R. 3121-23), l’entreprise peut être autorisée à dépasser, pendant une période limitée, le plafond de 48 heures par semaine (C. trav., art. L. 3121-35).
Quelles sont les dérogations possibles ?
Les dérogations peuvent être accordées dans la limite de 60 heures par semaine (C. trav., art. L. 3121-35).
À quel niveau peut être accordée la dérogation ?
La dérogation ne peut être envisagée qu’au niveau de l’entreprise (Circ. min. no 94-4, 21 avr. 1994).
Elle ne peut pas être accordée à un secteur entier ou à l’ensemble des entreprises implantées sur le même territoire.
Elle semble a contrario pouvoir être accordée au niveau d’un établissement.
Quelle est la procédure applicable ?
Les demandes de dérogation doivent être adressées par les employeurs à l’inspecteur du travail. Elles doivent être assorties des justifications concernant les circonstances exceptionnelles et préciser la durée pour laquelle la dérogation est sollicitée.
Elles doivent être accompagnées de l’avis du comité d’entreprise ou, à défaut, de celui des délégués du personnel.
L’inspecteur du travail transmet la demande au Direccte qui prend sa décision au vu d’un rapport établi par l’inspecteur (C. trav., art. R. 3121-23).
— Sur l’autorité administrative territorialement compétente, voir no 110-30.
Quelles sont les compensations imposées ?
Les dérogations peuvent être assorties de mesures compensatoires telles que :
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l’abaissement de la durée hebdomadaire moyenne de travail à moins de 46 heures postérieurement à la période de dérogation ;
-
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l’abaissement de la durée maximale du travail (48 heures) pendant une période limitée ;
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des périodes de repos complémentaires en faveur des travailleurs (C. trav., art. R. 3121-22).
Tableau récapitulatif
Durée maximale hebdomadaire du travail(1)
Durée maximale autorisée sans dérogation (2)(3)
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48 heures au cours d’une même semaine (C. trav., art. L. 3121-35) ;
44 heures en moyenne sur une période de 12 semaines consécutives (C. trav., art. L. 3121-36) ;
46 heures en moyenne sur une période de 12 semaines consécutives, sous réserve d’un décret pris après conclusion d’une convention ou d’un accord collectif de branche (C. trav., art. L. 3121-36).
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Dérogations
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Durée maximale absolue (48 heures) :
Dépassement possible, à condition de ne pas porter la durée du travail à plus de 60 heures par semaine (C. trav., art. L. 3121-35 ; C. trav., art. R. 3121-23) :
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en cas de circonstances exceptionnelles entraînant temporairement un surcroît extraordinaire de travail ;
—
sur autorisation du Direccte après transmission de la demande par l’inspecteur du travail ;
—
et après consultation des représentants du personnel.
Cette dérogation administrative peut être assortie de mesures compensatoires (C. trav., art. R. 3121-22).
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Durée maximale moyenne (46 heures) :
Dérogation possible (C. trav., art. L. 3121-36 ; C. trav., art. R. 3121-24) :
—
soit par dépassement de la moyenne hebdomadaire de 46 heures sur une période de 12 semaines consécutives ;
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soit par répartition de cette même moyenne sur une période de plus de douze semaines ;
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soit en une combinaison des deux.
Les dérogations applicables à l’ensemble d’un secteur d’activité peuvent être accordées au plan national par le ministre chargé du travail, et au plan local, départemental ou interdépartemental par le Direccte (C. trav., art. R. 3121-25 et R. 3121-26).
Chaque entreprise peut user de ces dérogations sur autorisation de l’inspecteur du travail après consultation des représentants du personnel (C. trav., art. R. 3121-27).
Les entreprises qui ne relèvent pas d’un secteur d’activité couvert par une dérogation peuvent bénéficier de dérogations particulières pour faire face à des situations exceptionnelles sur autorisation du Direccte après consultation des représentants du personnel (C. trav., art. R. 3121-28).
Toutes ces dérogations administratives peuvent être assorties de mesures compensatoires (C. trav., art. R. 3121-22).
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Sanctions
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Dépassement de la durée maximale hedbomadaire légale (durée maximale moyenne et absolue) : amende prévue pour les contraventions de la 4e classe, soit 750 € (autant d’amendes que de salariés concernés).
(C. trav., art. R. 3124-11)
Non-respect des dispositions relatives aux dérogations légales et réglementaires à la durée maximale absolue : amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe, soit 1 500 € (3 000 € en cas de récidive) (autant d’amendes que de salariés concernés).
(C. trav., art. R. 3124-13)
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(Note 1) La durée légale hebdomadaire s’apprécie dans le cadre de la semaine civile, à savoir, du lundi 0 heure au dimanche 24 heures par analogie aux dispositions des articles L. 3121-20 et L. 3122-1 du Code du travail relatif au cadre d’appréciation des heures supplémentaires. Un accord d’entreprise peut toutefois lui substituer toute autre période de sept jours calendaires.
(Note 2) Ces dispositions intéressent l’ensemble des salariés à l’exception des apprentis et des jeunes travailleurs de moins de 18 ans, pour lesquels la durée du travail est limitée à 35 heures.
(Note 3) La durée légale ne s’applique pas aux cadres soumis à un forfait annuel en jours. Pour les cadres relevant d’un forfait annuel en heures, ces durées s’appliquent, mais des accords conclus antérieurement à la loi no 2008-789 du 20 août 2008 peuvent y déroger.
Quelles sont les voies de recours contre le refus de l’Administration ?
Les dérogations accordées par le ministre chargé du travail ou le Directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte) sont des décisions administratives qui peuvent faire l’objet d’un recours gracieux ou hiérarchique dans un délai de deux mois suivant la notification de la décision.
Quelles sont les règles applicables en matière de durée maximale hebdomadaire en cas de cumul d’emplois ?
Lorsqu’il cumule plusieurs emplois, un salarié ne peut pas travailler, tous employeurs confondus, au-delà de la durée maximale légale du travail.
L’article L. 8261-1 du Code du travail dispose en effet qu’« aucun salarié ne peut accomplir des travaux rémunérés au-delà de la durée maximale du travail, telle qu’elle ressort des dispositions légales de sa profession ».
Il en résulte que, sauf les cas de dérogation, un salarié qui cumule plusieurs emplois ne peut pas travailler, au total, plus de 48 heures par semaine sans dépasser, selon le cas, 44 heures ou 46 heures sur toute période de 12 semaines consécutives.
De plus, l’article L. 8261-2 du Code du travail dispose que nul ne peut recourir aux services d’un salarié qui effectuerait des travaux rémunérés au-delà de la durée maximale du travail.
L’
article L. 8261-3 du Code du travail exclut toutefois différents travaux de cette interdiction :
-
–
les travaux d’ordre scientifique, littéraire ou artistique et les concours apportés aux œuvres d’intérêt général, notamment d’enseignement, d’éducation ou de bienfaisance ;
-
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les travaux accomplis pour son compte ou à titre gratuit sous forme d’une entraide bénévole ;
-
–
les travaux ménagers accomplis chez des particuliers pour leurs besoins personnels ;
-
–
les travaux d’extrême urgence dont l’exécution immédiate est nécessaire pour prévenir des accidents imminents ou organiser des mesures de sauvetage.
La Cour de cassation précise que la violation des articles L. 324-2 et L. 324-3 (devenus
C. trav., art. L. 8261-1 et
C. trav., art. L. 8261-2) résulte de l’accomplissement de travaux au-delà de la durée autorisée, mais non de la conclusion du second contrat de travail (
Cass. soc., 27 avr. 1989, no 87-13.951).
Lorsque des présomptions tirées notamment des conditions d’organisation du travail de tout ou partie des salariés employés dans une entreprise laissent craindre à l’inspecteur ou au contrôleur du travail que cet emploi constitue une infraction à la fois à l’interdiction de cumul d’emplois prévue à l’article L. 8261-1 et à la dérogation prévue à l’article L. 8261-3, il peut demander à l’employeur d’exiger des salariés désignés une attestation écrite certifiant qu’ils ne contreviennent pas à ces mêmes dispositions ou à celles relatives à la durée du travail (C. trav., art. D. 8261-2). Ces présomptions peuvent exister lorsque, par exemple, un salarié est employé à temps partiel en semaine ou le week-end s’il fait partie d’une équipe de suppléance (C. trav., art. L. 3132-16) ou encore lorsqu’il est employé de nuit.
Le non-respect de l’interdiction de cumul d’emplois au-delà de la durée maximale du travail expose le salarié et l’employeur à des sanctions pénales définies à l’article R. 8262-1 du Code du travail (contravention de la 5e classe).
Observations :
Pour s’assurer que les durées maximales de travail sont bien respectées en cas de cumul d’emplois, une clause peut être insérée dans le contrat de travail, imposant au salarié de déclarer à son employeur l’exercice d’autres activités salariées. En revanche, il n’est pas possible de subordonner, par une clause du contrat, l’exercice d’une autre activité à une autorisation préalable. Une telle clause porte en effet atteinte au principe fondamental du libre exercice d’une activité professionnelle et n’est valable que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise et si elle est justifiée par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché (
Cass. soc, 16 sept. 2009, no 07-45.346). Il pourrait, selon nous, en être ainsi en cas d’exercice d’activités commerciales susceptibles de se faire concurrence entre elles.
Si le salarié refuse de régulariser sa situation en abandonnant l’un de ses emplois, l’employeur pourra donc le licencier pour cumul illicite.
Le salarié peut aussi vouloir conserver toutes ses activités en proposant à l’un de ses employeurs de diminuer ses horaires de travail. Mais l’entreprise n’est pas tenue d’accepter cette demande de modification du contrat de travail, pas plus qu’il n’est tenu d’y répondre. C’est en effet le salarié qui est à l’origine du cumul illicite et c’est à lui de régulariser sa situation en abandonnant l’un de ses emplois (Cass. soc., 10 mars 2009, précité).
Sur qui repose la preuve du respect de la durée maximale hebdomadaire ?
Comme pour le repos quotidien
(voir no 115-20) et le repos hebdomadaire
(voir no 130-10), c’est à l’employeur qui prétend avoir respecté les durées maximales de travail, fixées par le droit communautaire, qu’il appartient de le prouver (
Cass. soc., 17 oct. 2012, no 10-17.370 P+B).
Il s’agit là de l’application du principe énoncé par l’article 1315 du Code civil, selon lequel « celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation ».
Quelles sont les sanctions encourues ?
— Sur les sanctions, voir no 150-40.