Comment se calcule leur rémunération ?
Il résulte de leur exclusion de la réglementation de la durée du travail (voir no 140-26) que les cadres dirigeants perçoivent un salaire annuel réparti uniformément sur 12 mois, en l’absence de clause contractuelle prévoyant une autre répartition (13 mois, 14 mois, 14,5 mois, etc.).
Néanmoins, leurs congés payés continuent à être traités distinctement en appliquant la règle du double calcul (au dixième ou au salaire reconstitué).
Par ailleurs, on va le voir, il convient toujours d’enregistrer leurs absences, en particulier en ce qui concerne l’application du Code de la sécurité sociale et des dispositions conventionnelles ou légales visant le complément de salaire en cas de maladie.
Comment rédiger la clause de leur contrat de travail relative à la rémunération ?
La rémunération d’un cadre dirigeant est, par essence même, déconnectée de toute référence au temps.
Il s’agit de l’exemple type d’application de la rémunération indépendante de tout horaire, souvent appelée abusivement « clause de forfait tous horaires » (voir no 630-40, pour un modèle).
Les cadres dirigeants peuvent-ils bénéficier des primes d’origine conventionnelle liées à la durée du travail ?
Si l’
article L. 3111-2 du Code du travail exclut les cadres dirigeants d’un certain nombre de règles légales relatives à la durée du travail, on pouvait se demander ce qu’il en était des règles conventionnelles traitant les mêmes sujets. La Cour de cassation a jugé que, sauf stipulations contractuelles ou conventionnelles expresses contraires, les cadres dirigeants ne peuvent prétendre ni à l’indemnisation des périodes d’astreinte (
Cass. soc., 28 oct. 2008, no 07-42.487), ni aux compensations financières fixées par la convention collective en cas de travail le dimanche ou un jour férié (
Cass. soc., 27 juin 2012, no 10-28.649).
Cette solution est, selon nous, transposable à d’autres avantages conventionnels, tels que des primes pour travail de nuit.
Quel est le sort des anciennes clauses de salaire insérées dans leur contrat ?
Quid des rémunérations forfaitaires ?
Les clauses de rémunération « forfaitaire », qui pouvaient et peuvent encore légitimement être incluses dans un contrat de travail de cadre dirigeant, restent valables.
Exemple de clause :
« Monsieur (ou Madame) <> percevra une rémunération mensuelle forfaitaire de <> €. »
On pourrait même dire que ces clauses sont les clauses naturelles que l’on devrait trouver dans les contrats de cadres dirigeants.
Quid des clauses de rémunération indépendante de tout horaire (ou des forfaits tous horaires) ?
Ces clauses (voir no 630-40) subissent, de notre point de vue, le même sort que les rémunérations forfaitaires.
Indépendantes de toute référence au temps, elles ne sont pas affectées par la réduction de la durée légale du travail à 35 heures.
Quid des clauses de forfaits à horaire déterminé ?
On ne peut exclure que les cadres dirigeants recrutés avant l’an 2000 ne soient titulaires de contrats comportant des clauses de forfaits à horaire déterminé rédigées, par exemple, en ces termes :
« Monsieur (ou Madame) <> percevra une rémunération forfaitaire de <> F incluant les majorations pour heures supplémentaires. Elle correspond à un horaire hebdomadaire maximal de <40 heures, 42 heures, 45 heures…>. »
L’idéal serait, bien sûr, de modifier ces clauses par avenant au contrat de travail. Mais si tel n’est pas le cas, il convient de se poser les questions suivantes.
Quelles sont les conséquences d’une réduction du temps de travail ?
En cas de diminution effective de leur temps de travail, on peut s’interroger sur la légitimité juridique d’une baisse proportionnelle de leur rémunération contractuelle.
Dans la mesure où le salaire est contractuellement indépendant du nombre d’heures réellement effectuées et accordé pour un nombre d’heures « maximal », cette autonomie semble avoir vocation à s’appliquer aussi bien à la hausse qu’à la baisse. Les cadres concernés peuvent donc s’appuyer sur la clause de leur contrat pour s’opposer à ce qui, outre les principes généraux dégagés par la jurisprudence en matière de réduction de salaire, constituerait incontestablement, dans ce cas, une modification de leur contrat de travail.
Quelles sont les conséquences de l’absence de toute réduction du temps de travail ?
Envisageons maintenant l’hypothèse des cadres dont le temps de travail initial ne serait pas réduit. L’entreprise s’expose-t-elle à une revalorisation du forfait au prétexte qu’ayant été conclu sous l’empire d’un horaire légal ou conventionnel supérieur à 35 heures, ce forfait n’inclut pas les nouvelles majorations de salaire dues pour les heures effectuées entre 35 et 39 heures ? La réponse semble résolument négative, car les cadres concernés sont exclus de la réglementation applicable aux heures supplémentaires.
Comment établir leur bulletin de paye ?
Le problème principal posé par la rédaction du bulletin de paye est l’apparente contradiction qui existe entre le droit du travail et celui de la sécurité sociale.
En effet, les prestations de sécurité sociale continuent à être subordonnées à un nombre minimal d’heures de travail accomplies dans le ou les mois précédant la date des soins ou de l’arrêt de travail (CSS, art. R. 313-2).
Or, le 5o b) de l’article R. 3243-1 du Code du travail prévoit désormais :
« […] l’indication de la nature de la base de calcul du salaire lorsque, par exception, cette base de calcul n’est pas la durée du travail ».
Ce texte autorise donc les entreprises à ne rien inscrire dans la case correspondant à la base de calcul, quand il s’agit de cadres dirigeants, ou encore à inscrire « base contractuelle ». La Sécurité sociale peut-elle se satisfaire de cette rédaction ?
La réponse est affirmative, car le Code de la sécurité sociale établit une équivalence entre le nombre d’heures minimal exigé et l’assiette des cotisations.
Ainsi, pour percevoir les indemnités journalières de sécurité sociale, il est exigé soit d’avoir travaillé au moins 200 heures au cours des trois mois civils ou des 90 jours précédents, soit d’avoir cotisé sur au moins 1 015 fois le taux horaire du Smic au cours des six mois civils précédents.
Vu leur rémunération, les cadres dirigeants remplissent habituellement cette exigence et n’ont donc rien à craindre pour leurs prestations de sécurité sociale.
Comment traiter leurs absences ?
Les cadres dirigeants restent soumis à toutes les dispositions figurant au livre Ier du Code du travail et, par conséquent, à celles qui régissent les accidents du travail, la maternité ou encore l’inaptitude physique au travail.
Il résulte de ce qui précède que les cadres dirigeants doivent continuer à fournir leurs arrêts de travail quand ils en ont, sauf à considérer qu’ils sont payés, en cours d’absence médicale, comme s’ils étaient au travail (voir infra).
De même, sauf dispense expresse, ils doivent se conformer aux procédures prévues par l’entreprise pour l’enregistrement des congés payés.
Observations :
Il est déconseillé aux entreprises de dispenser les cadres dirigeants de déclarer leurs congés payés. En effet, l’article R. 3243-1 du Code du travail continue à imposer la mention sur le bulletin de paye des périodes de congés payés. C’est le principal moyen de prouver que les congés ont bien été accordés. Or, les services de paye doivent être informés des dates de vacances pour les inscrire sur le bulletin de paye. Par ailleurs, c’est également un moyen sûr de se protéger en matière d’accident survenant en cours de congé et d’éviter que celui-ci ne soit répertorié comme un accident du travail. Enfin, l’Urssaf pourrait contester l’exonération de titres-restaurants accordés 12 mois sur 12, faute d’avoir pris en compte, au jour le jour ou globalement, les périodes non travaillées.
Le fait d’être exclu de la législation relative à la durée du travail signifie-t-il que le cadre dirigeant doit être payé totalement par l’entreprise même s’il est en arrêt de travail ? La question peut se poser. En effet, puisque le salaire est totalement déconnecté du temps de travail, on pourrait valablement soutenir ce point de vue.
Retenir cette interprétation ne pose pas particulièrement de problème lorsque l’interruption de travail est de courte durée, mais cela devient scabreux lorsque le cadre dirigeant est en absence prolongée. Cela revient à faire supporter par l’entreprise un coût qui est habituellement pris en charge par la Sécurité sociale. Des difficultés sont également à prévoir lorsque intervient un organisme tiers pour le complément de salaire.
Dans l’attente d’une jurisprudence répondant à la question posée en exergue, on peut donc concevoir d’établir une « charte de comportement » au terme de laquelle les cadres dirigeants n’auront pas à fournir d’arrêts de travail pour les absences d’une durée brève (à préciser par chaque entreprise) et de revenir à la pratique habituelle au-delà de cette durée.
Mais il faut garder en tête que les cadres dirigeants ont cet argument de poids pour réclamer un paiement à 100 % même quand ils sont absents.
Comment calculer les retenues ?
Si l’on décide de déduire les jours d’absence, comment calculer la retenue ?
Il n’y a pas d’autre méthode que d’appliquer la règle du trentième dans la mesure où, par hypothèse, il est impossible de déterminer exactement le nombre mensuel de jours travaillés.
La retenue sera donc égale à autant de trentièmes de la rémunération mensuelle qu’il y a de jours calendaires compris dans la période d’absence non rémunérée.
Par ailleurs, l’autonomie d’organisation qui justifie le classement en catégorie « cadre dirigeant » interdit à l’entreprise d’exiger des justificatifs pour les jours ou portions de jour où le cadre ne se présente pas au travail. Il ne peut donc y avoir pour un cadre dirigeant de retenue de salaire pour absence injustifiée.
Comment établir la paye des cadres dirigeants à temps partagé ?
Il n’est pas rare que les cadres dirigeants soient salariés de plusieurs sociétés d’un même groupe. Tel, qui est directeur général de la société A, assure par ailleurs la direction d’un pôle de production ou une direction fonctionnelle dans la société B. Ou encore tel autre, cadre supérieur d’une société du groupe, dirige en même temps le GIE dudit groupe.
Si les intéressés sont cadres dirigeants de part et d’autre, la question de leur paye ne soulève pas de difficulté : l’une et l’autre sont déconnectées du temps de travail. La législation sur le travail à temps partiel ne peut en aucun cas s’appliquer, c’est la résultante du principe d’exclusion de la durée du travail.
Si, en revanche, ils sont cadres dirigeants, d’un côté, et cadres autonomes, de l’autre, il conviendra d’appliquer à chaque paye les règles dégagées pour la catégorie concernée.
Les dispositions de l’article L. 3111-2 du Code du travail ne s’opposent pas à ce que l’on applique le calcul du plafond de la Sécurité sociale au prorata de chaque paye, ce calcul étant indépendant de la durée du travail.