Le comité d’entreprise dispose d’une compétence générale en matière de durée du travail qui impose à l’employeur de le consulter sur toute décision de portée collective. Il a également un droit de veto sur le recours à certains dispositifs. Autrement dit, le comité doit non seulement être consulté, mais son avis conforme est parfois nécessaire.
♦
Quelle est la compétence générale du comité d’entreprise en matière de durée du travail ?
Le comité d’entreprise est informé et consulté sur les mesures de nature à affecter la durée du travail (C. trav., art. L. 2323-6) ainsi que sur la durée et l’aménagement du temps de travail (C. trav., art. L. 2323-29).
Il résulte de cette compétence générale que le comité d’entreprise doit être consulté préalablement à toute décision de portée collective, non exceptionnelle ou provisoire, qui touche à l’organisation du temps de travail (durée, aménagement, réduction, etc.).
Cette compétence générale a notamment des conséquences en matière de conclusion et de dénonciation d’accords collectifs touchant à la durée du travail dans l’entreprise. Ainsi, le comité doit être consulté avant la signature d’un accord d’entreprise portant sur la durée du travail (
Cass. soc., 5 mai 1998, no 96-13.498), et également avant sa dénonciation (
Cass. soc., 5 mars 2008, no 07-40.273). En effet, ce type d’accord intéresse l’organisation, la gestion et la marche de l’entreprise et implique donc une consultation préalable des représentants du personnel. Plus particulièrement, s’agissant de la dénonciation d’un tel accord, la consultation du CE est essentielle puisque, tant qu’elle n’intervient pas, la dénonciation demeure sans effet (
Cass. soc., 5 mars 2008, no 07-40.273 ; voir
no 160-130).
♦
A quel niveau s’effectue la consultation ?
Le plus souvent il s’agit du comité d’établissement. En effet, c’est au niveau où sont prises les décisions que doit être réalisée la consultation. Il est plus fréquent que la durée et les horaires de travail soient fixés au niveau de chacun des établissements qu’au niveau de l’entreprise.
Toutefois, en cas d’accord d’entreprise sur la réduction du temps de travail, c’est le comité central qui devra être consulté préalablement à la signature de l’accord. Mais attention : si des modalités différentes d’organisation ou d’aménagement du temps de travail sont pratiquées dans les établissements en fonction de l’accord, chaque comité d’établissement devra être consulté (CA de Rennes, 26 nov. 1998, Vivendi c/Syndicat FO de l’établissement de Rennes Sté Vivendi).
Ni le comité de groupe ni le comité d’entreprise européen n’ont de compétence particulière en matière de durée du travail.
♦
Quelles sont les compétences spécifiques du comité d’entreprise en matière de durée du travail ?
Le comité d’entreprise doit être également consulté, de manière spécifique, dans différents domaines.
Journée de solidarité
Les modalités d’accomplissement de la journée de solidarité sont fixées par accord d’entreprise, d’établissement ou, à défaut, de branche. L’accord peut opter pour le travail d’un jour férié précédemment chômé (autre que le 1er mai), le travail d’un jour de RTT (ou d’un jour de repos accordé dans le cadre du nouveau régime unique d’aménagement du temps de travail sur une période supérieure à la semaine et au plus égale à l’année), ou pour toute autre modalité permettant le travail de sept heures précédemment non travaillées en application de dispositions conventionnelles ou des modalités d’organisation des entreprises. A défaut d’accord collectif, les modalités d’accomplissement de la journée de solidarité sont définies par l’employeur, après consultation du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel. Il ne s’agit pas nécessairement du lundi de Pentecôte (C. trav., art. L. 3133-8).
Astreintes
Les astreintes sont mises en place par accords collectifs étendus ou accords d’entreprise ou d’établissement, qui en fixent le mode d’organisation ainsi que la compensation (financière ou sous forme de repos) à laquelle elles donnent lieu.
A défaut de conclusion d’un accord, l’employeur peut fixer les conditions dans lesquelles les astreintes sont organisées et les compensations financières ou en repos auxquelles elles donnent lieu, après information et consultation du comité d’entreprise et après information de l’inspecteur du travail (
C. trav., art. L. 3121-7). Cette consultation s’impose, même si la mesure d’astreinte ne touche que neuf salariés sur 100, dès lors que cette mise en place n’est pas liée à l’exécution d’un marché particulier, mais qu’elle revêt une portée générale et permanente (
Cass. crim., 19 nov. 2002, no 02-80.105).
Durée maximale du travail
Les demandes de dérogation à la durée maximale de travail journalière ou hebdomadaire de travail doivent être accompagnées de l’avis du comité d’entreprise (C. trav., art. L. 3121-37 ; C. trav., art. R. 3121-23 ; C. trav., art. R. 3121-27 ; C. trav., art. D. 3121-16).
Heures supplémentaires
L’utilisation d’heures supplémentaires fait intervenir le comité d’entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel soit au stade de l’information, soit au stade de la consultation. Ainsi :
-
–
dans la limite du contingent annuel, les heures supplémentaires peuvent être effectuées après simple information du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel (C. trav., art. L. 3121-11-1). Le contingent applicable à l’entreprise est fixé par accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, par convention ou accord de branche (C. trav., art. L. 3121-11). A défaut, l’entreprise doit appliquer le contingent réglementaire (220 heures ; C. trav., art. D. 3121-14-1). Si le contingent n’a pas été fixé conventionnellement, l’employeur devra consulter au moins une fois par an le comité d’entreprise, sur les modalités de son utilisation et de son éventuel dépassement (C. trav., art. L. 3121-11) ;
-
–
au-delà du contingent conventionnel ou réglementaire, les heures supplémentaires sont soumises à l’avis préalable du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel (C. trav., art. L. 3121-11-1).
ATTENTION :
le dispositif des heures choisies a été abrogé (
L. no 2008-789, 20 août 2008, JO 21 août). Néanmoins, les accords conclus avant le 22 août 2008 ont été sécurisés et continuent de s’appliquer sans limitation de durée.
Par ailleurs, le comité d’entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel doivent être informés par l’employeur, sous forme de bilan annuel, des volumes et de l’utilisation des heures supplémentaires et complémentaires effectuées par les salariés de l’entreprise ou de l’établissement (
L. no 2007-1223, 21 août 2007, art. 1er X, non codifié, JO 22 août ; voir
no 160-5).
Repos compensateur de remplacement
Un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche (étendu ou non), peut prévoir le remplacement de tout ou partie du paiement des heures supplémentaires et des majorations afférentes par un repos compensateur équivalent. Dans les entreprises dépourvues de délégué syndical, ce remplacement est subordonné, en l’absence d’accord collectif de branche, à l’absence d’opposition du comité d’entreprise. L’avis du CE doit être recueilli de manière expresse (C. trav., art. L. 3121-24).
Repos hebdomadaire et équipes de suppléance
Un accord collectif étendu peut prévoir que les entreprises industrielles fonctionnant à l’aide d’un personnel d’exécution composé de deux groupes, dont l’un a pour seule fonction de remplacer l’autre pendant le ou les jours de repos accordés à celui-ci, sont autorisées à donner le repos hebdomadaire un jour autre que le dimanche.
Cette dérogation s’applique également au personnel nécessaire à l’encadrement de l’équipe de suppléance. L’utilisation de cette dérogation est subordonnée à la conclusion d’un accord d’entreprise ou d’établissement ou à l’autorisation de l’inspecteur du travail donnée après consultation des délégués syndicaux et avis du comité d’entreprise (C. trav., art. L. 3132-18). L’avis du CE doit être joint à la demande de dérogation adressée à l’inspecteur du travail (C. trav., art. R. 3132-13).
Par ailleurs, la durée journalière du travail des salariés affectés aux équipes de suppléance peut atteindre 12 heures lorsque la durée de la période de recours à ces équipes n’excède pas 48 heures consécutives. Lorsque la dérogation est utilisée en vertu d’un accord d’entreprise ou d’établissement, l’autorisation de dépasser la durée maximale journalière de travail de dix heures doit être demandée à l’inspecteur du travail après consultation des délégués syndicaux et du comité d’entreprise (C. trav., art. R. 3132-15).
Horaire collectif de travail
Le comité d’entreprise est consulté pour la fixation de l’horaire collectif dans l’entreprise au titre de sa compétence générale en matière d’aménagement du temps de travail.
Horaires de travail individualisés
L’employeur peut pratiquer des horaires individualisés, sous réserve que le comité d’entreprise ne s’y soit pas opposé et que l’inspecteur du travail et les salariés aient été préalablement informés. Un droit de veto est donc reconnu aux représentants du personnel (
C. trav., art. L. 3122-23). Le comité ne peut pour autant imposer son propre plan d’organisation des plages horaires (
Cass. soc., 4 nov. 1983, no 82-94.265).
ATTENTION :
l’existence d’un accord collectif de travail prévoyant la mise en place des horaires individualisés ne permet pas de passer outre l’avis conforme du comité.
Les horaires individualisés peuvent entraîner des reports d’heures d’une semaine sur l’autre, à condition notamment que ce report n’excède pas trois heures par semaine. Le cumul des reports ne peut avoir pour effet de porter à plus de dix heures le total des heures reportées (
C. trav., art. R. 3122-2). Des accords collectifs étendus, ou des accords d’entreprise ou d’établissement peuvent prévoir des possibilités de report plus larges. Un accord « atypique » conclu avec le comité d’entreprise en ce domaine n’est pas admis et se trouve dépourvu de tout effet (
Cass. soc., 21 févr. 2007, no 04-43.071).
Modification des horaires collectifs de travail
Le comité d’entreprise est obligatoirement informé et consulté sur les mesures qui modifient les horaires de travail, à moins qu’il ne s’agisse de mesures à caractère ponctuel n’intéressant qu’un tout petit nombre de salariés.
Revêtent un caractère ponctuel et individuel et ne sont pas d’une importance justifiant la consultation du comité d’entreprise :
-
–
l’exécution de 580 heures supplémentaires, soit 1/2 heure par salarié et l’ouverture d’un guichet quelques jours par an dans le parc des expositions occupant deux personnes travaillant occasionnellement le dimanche sur un total de 1 200 employés dans l’établissement et de 57 guichets (Cass. crim., 5 janv. 1993, no 92-83.226) ;
-
–
les modifications d’horaires faites à titre expérimental avec l’accord des salariés concernés et limitées à la période des cures thermales, ne touchant que deux salariés sur 400 et n’ayant qu’une incidence limitée sur les conditions de travail (Cass. crim., 9 févr. 1993, no 92-80.602) ;
-
–
la programmation d’arrêts de production avec affectation des jours correspondants en jours de RTT. En effet, il ne s’agit pas d’une modification de l’horaire collectif puisque le cycle de travail des équipes concernées restait identique. Les juges ont également tenu compte du fait qu’il ne s’agissait que d’une recommandation faite aux salariés qui pouvaient donc opter librement pour ce choix sans encourir aucune sanction (Cass. crim., 21 juin 2005, no 05-80.036) ;
-
–
le transfert des horaires du lundi au samedi de 12 salariés, agents commerciaux, appartenant à 6 des 80 agences de la Caisse d’Epargne de la Haute-Garonne. Ces mesures ne concernaient qu’un nombre limité d’agences et de salariés (Cass. crim., 9 févr. 1993, no 92-80.602).
Aménagement des horaires pour la pratique d’un sport
Tout salarié peut, compte tenu des possibilités de l’entreprise, bénéficier d’aménagements de son horaire de travail pour la pratique régulière et contrôlée d’un sport (C. trav., art. L. 3122-28). Chaque année, le comité délibère sur les conditions d’application de ces aménagements d’horaires (C. trav., art. L. 2323-29).
Récupération d’heures perdues
Si l’employeur souhaite faire récupérer des heures de travail qui n’ont pu être effectuées pour des raisons prévues par la loi (intempéries, force majeure, inventaire, heures de pont), sans pour autant les rémunérer comme des heures supplémentaires, il doit informer et consulter le comité d’entreprise. A défaut, il encourt des poursuites pour délit d’entrave (
Cass. crim., 21 nov. 1978, no 77-92.617). Le comité d’entreprise ne peut s’opposer à une telle mesure que lorsque la récupération des heures fait suite à une grève.
Forfait
L’employeur doit consulter chaque année le comité d’entreprise sur le recours aux conventions de forfait et sur les modalités de suivi de la charge de travail des salariés bénéficiant de telles conventions (C. trav., art. L. 2323-29).
Régime d’aménagement du temps de travail sur une période supérieure à la semaine et au plus égale à l’année
Le dispositif de répartition des horaires sur une période supérieure à la semaine et au plus égale à l’année doit être mis en place par accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, par convention ou accord de branche. La consultation du comité d’entreprise a été maintenue (C. trav., art. L. 2323-29).
Organisation du travail sur une période de 4 semaines au plus
Lorsque l’employeur a mis en place unilatéralement une organisation du travail sous forme de périodes de travail ayant chacune une durée maximale de 4 semaines, il doit établir un programme indicatif de la variation de la durée du travail. Ce programme doit être, avant sa première mise en œuvre, soumis pour avis au CE, ou à défaut aux délégués du personnel s’ils existent. Toute modification ultérieure doit également donner lieu à consultation. Une fois par an, l’employeur doit communiquer au CE, ou à défaut aux délégués du personnel s’ils existent, un bilan de la mise en œuvre du programme indicatif de la variation de la durée du travail (C. trav., art. D. 3122-7-1).
Travail en continu
Il s’agit d’un travail exercé par des salariés formant des équipes distinctes, qui se succèdent sur un même poste de travail, sans jamais se chevaucher, les salariés de chaque équipe travaillant et prenant leur repos tous en même temps. Le comité d’entreprise doit être consulté avant sa mise en place. Il doit ensuite vérifier que la durée du travail ne dépasse pas 35 heures en moyenne sur l’année (le travail en continu peut se combiner avec des cycles de travail permettant de dépasser cette limite) (
C. trav., art. L. 2323-29 ;
Circ. DRT no 93/11, 17 mars 1993).
Travail de nuit
Le travail de nuit se situe entre 21 heures et 6 heures. Toutefois, un accord d’entreprise ou, à défaut, et lorsque les caractéristiques spécifiques particulières de l’entreprise le justifient, une autorisation de l’inspecteur du travail donnée après consultation des délégués syndicaux et avis du comité d’entreprise ou des délégués du personnel peut y substituer la période comprise entre 22 heures et 7 heures (C. trav., art. L. 3122-29).
De même, la durée quotidienne du travail effectuée par un travailleur de nuit ne peut excéder huit heures. Toutefois, il peut être dérogé à cette disposition sur autorisation de l’inspecteur du travail après avis du comité d’entreprise ou des délégués du personnel (C. trav., art. L. 3122-34).
Sachez-le :
la consultation du comité d’entreprise n’est pas nécessaire lorsque la décision n’est qu’une modalité de mise en œuvre d’un dispositif en vigueur : par exemple, lorsque l’employeur fixe les plannings dans les conditions prévues par un accord de modulation qui a déjà été présenté au comité d’entreprise.