La protection spéciale s’applique pendant l’exercice du mandat du salarié et peut perdurer également à l’issue de celui-ci pendant une durée déterminée allant jusqu’à un an. Autrement dit, la fin du mandat n’entraîne pas automatiquement la fin de la protection.
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Quelle est la durée de la protection spéciale des titulaires de mandats électifs ?
Protection durant l’exercice du mandat électif
Le représentant élu du personnel (membre du comité d’entreprise, de la délégation unique du personnel, du CHSCT, délégué du personnel) est protégé pendant toute la durée du mandat et jusqu’à la cessation effective de ses fonctions. La protection débute au jour de la proclamation des résultats du scrutin, peu important la date de la prise effective des fonctions.
Lorsque le mandat est régulièrement prorogé, la protection l’est d’autant. La prorogation, qui suppose un accord unanime des organisations syndicales représentatives (
Cass. soc., 26 juin 2013, no 12-60.246), doit être décidée avant la fin du mandat du salarié protégé. Une prorogation qui n’intervient qu’après la fin du mandat ne permet pas de bénéficier de la protection contre le licenciement (
CE, 3 juill. 2013, no 342291).
Remarque :
la suspension du contrat de travail, notamment pour maternité ou maladie, n’a pas pour effet de suspendre le mandat du représentant du personnel et la protection contre le licenciement qui y est attachée (voir no 205-100).
Protection après la cessation du mandat
Après la cessation de son mandat, quelle qu’en soit la cause (arrivée du terme, cessation anticipée du fait d’une démission du mandat, disparition de l’institution représentative du personnel du fait d’un transfert partiel d’activité par exemple), l’ancien représentant du personnel continue à bénéficier de la protection pendant une durée déterminée.
Pour les représentants élus, cette protection dure six mois et débute au jour de l’expiration du mandat ou de la disparition de l’institution (C. trav., art. L. 2411-5 ; C. trav., art. L. 2411-8 ; C. trav., art. L. 2411-13 ; C. trav., art. L. 2411-14 ; C. trav., art. L. 2411-15).
Lorsque la cessation des fonctions intervient avant le terme légal du mandat, par exemple en cas de démission, le délai de six mois débute à la date de la démission (
CE, 27 janv. 1982, no 36.582).
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Quelle est la durée de la protection spéciale des titulaires de mandats syndicaux ?
Protection durant l’exercice du mandat syndical
Le délégué syndical est protégé dès réception par l’employeur de la notification de la désignation dans les formes légalement prescrites (voir no 120-35), et ce pendant toute la durée du mandat. Le représentant syndical au comité d’entreprise et le représentant de section syndicale sont également protégés pendant toute la durée de leur mandat.
Sur la protection du représentant syndical au CHSCT, voir no 225-10.
Remarque :
la suspension du contrat de travail, notamment pour maternité ou maladie, n’a pas pour effet de suspendre le mandat du représentant du personnel et la protection contre le licenciement qui y est attachée (voir no 205-100).
Protection après la cessation du mandat
Après la cessation de son mandat, quelle qu’en soit la cause (arrivée à terme, cessation anticipée du fait d’une démission du mandat, disparition de l’institution représentative du personnel du fait d’un transfert partiel d’activité par exemple), l’ancien représentant du personnel continue à bénéficier de la protection.
L’ancien délégué syndical est protégé contre le licenciement pendant 12 mois, à condition qu’il ait exercé ses fonctions pendant au moins un an (
C. trav., art. L. 2411-3). S’il est titulaire d’un CDD, il ne bénéficie de la protection que durant les six mois suivant la fin du mandat (peu important la durée pendant laquelle il a exercé ses fonctions). Cette protection s’applique également en cas de suppression du mandat par décision administrative, à la suite d’une baisse de l’effectif en dessous du seuil de 50 salariés (
Cass. soc., 25 janv. 2006, no 04-41.240 ; voir
no 105-20).
Les anciens représentants de section syndicale bénéficient d’une protection équivalente à celle des délégués syndicaux. À la cessation de leur mandat, ils sont donc protégés contre le licenciement pendant 12 mois, sous réserve d’avoir exercé leurs fonctions pendant au moins un an.
Les anciens représentants syndicaux au comité d’entreprise, désignés depuis deux ans, sont protégés pendant six mois s’ils ne sont pas reconduits dans leurs fonctions lors du renouvellement du comité d’entreprise (
C. trav., art. L. 2411-8). Attention, lorsque le salarié a exercé son mandat pendant moins de deux ans, il ne bénéficie d’aucune protection à l’issue de ce mandat (
Cass. soc., 9 nov. 2004, no 02-46.312).
Les anciens salariés mandatés pour conclure un accord d’entreprise en application de l’article L. 2232-25 du Code du travail demeurent protégés durant une période de 12 mois à compter de la date à laquelle leur mandat a pris fin. Si la négociation aboutit à un échec, ce délai de protection de 12 mois commence à courir à la date de fin des discussions, matérialisée par un procès-verbal de désaccord (C. trav., art. L. 2411-4).
Remarque :
comme pour les salariés anciens titulaires de mandats électifs, cette durée de protection n’est pas prorogée si le contrat du salarié est suspendu, par exemple à la suite d’un arrêt maladie (
Cass. soc., 18 mars 1986, no 83-45.150).
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Le représentant du personnel est-il protégé à l’expiration de la période de protection pour des faits commis lors de ses fonctions représentatives ?
En l’absence de poursuites pénales, l’employeur dispose d’un délai de deux mois pour entamer des poursuites disciplinaires. Le point de départ de ce délai est la connaissance par ce dernier des faits fautifs (C. trav., art. L. 1332-4).
L’employeur doit solliciter l’autorisation de l’inspecteur du travail s’il désire procéder au licenciement du salarié pour des faits commis pendant la période de protection. Ce principe est étendu à la procédure de licenciement qui intervient après cette période de protection mais pour des faits qui remontent à cette période et que l’employeur ne pouvait ignorer (
Cass. soc., 26 sept. 2012, no 11-14.081). Ces faits auraient dû faire l’objet, à l’époque, d’une autorisation de l’inspecteur du travail (
Cass. soc., 27 juin 2007, no 06-40.399 ;
Cass. soc., 10 févr. 2010, no 08-44.001).
Toutefois, le licenciement du salarié peut intervenir sans solliciter l’autorisation de l’inspecteur du travail si les faits ont certes été commis pendant la période de protection mais :
Dans le même ordre d’idée, les juges sanctionnent le licenciement prononcé par l’employeur :
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lorsque ce dernier revient, après la période de protection, sur des motifs de licenciement ayant été écartés par l’administration (Cass. soc., 3 juill. 2003, no 00-44.625) ;
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en cas de concomitance entre la fin de la protection et le licenciement. Tel est le cas par exemple lorsqu’une salariée est convoquée à un entretien préalable le lendemain de l’expiration de sa période de protection pour des faits d’absence prolongée datant de cette même période (Cass. soc., 10 févr. 2010, no 08-44.001).
Dans ces deux cas, l’objectif est, pour les juges, d’éviter que l’employeur puisse détourner la procédure d’autorisation administrative.
Il existe toutefois des exceptions à ce principe. Ainsi, les juges admettent le bien fondé du licenciement lorsque :
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le motif invoqué par l’employeur avait, certes, été écarté par l’inspecteur du travail, mais cette décision de refus a été annulée par le juge administratif, ce dernier ayant admis le caractère fautif du comportement du salarié, ainsi que l’absence de lien entre le motif invoqué et les fonctions représentatives du salarié (Cass. soc., 15 juin 2011, no 08-44.468) ;
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l’employeur n’a eu véritablement connaissance du comportement fautif du salarié qu’à l’expiration de la période de protection (Cass. soc., 9 févr. 2012, no 10-19.686). La difficulté réside pour l’employeur dans l’établissement de la preuve de sa connaissance tardive des faits fautifs puisque la charge de cette preuve lui incombe.
Exemple :
un salarié de Pôle emploi effectue des paiements indus à un allocataire soupçonné de fraude. Le salarié fait valoir que son employeur ne pouvait ignorer ses agissements puisque ce dernier avait, pendant la période de protection, diligenté à ce titre une enquête interne. Pour les juges, l’employeur n’a eu l’exacte connaissance des agissements du salarié qu’à l’issue de cette enquête, c’est-à-dire qu’après la période de protection, ceci expliquant l’impossibilité pour ce dernier de solliciter l’Administration en vue d’un licenciement pendant la période de protection.
Mise à jour par bulletin 47, Septembre 2014
Conséquences du licenciement d’un ancien salarié protégé en raison de ses activités syndicales
Le licenciement intervenu après la période de protection d’un salarié, pour des motifs déjà écartés par l’Administration, en raison de ses activités syndicales est nul. Le salarié a droit à une réparation forfaitaire (Cass. soc., 9 juill. 2014, n° 13-16.434).
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Sanctions du licenciement prononcé en raison de l’activité syndicale du salarié
Les salariés investis d’un mandat de représentant du personnel bénéficient d’une protection contre le licenciement pendant la durée de leur mandat, voire après l’expiration de celui-ci. Leur licenciement est en effet soumis à l’autorisation préalable de l’inspection du travail. À l’issue de la période de protection, l’employeur retrouve son pouvoir de licencier le salarié selon le droit commun. Toutefois, le licenciement ne peut porter sur des faits qui ont eu lieu au cours de cette période (
Cass. soc., 2 juin 2010, n° 08-40.628) à moins qu’ils ne se soient réitérés après l’expiration de celle-ci (
Cass. soc., 24 sept. 2008, n° 07-42.395). Les juges sanctionnent le licenciement :
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concomitant à la fin de la période de protection (Cass. soc., 10 févr. 2010, n° 08-44.001). Dans ce cas, le licenciement est nul ;
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qui intervient après la période de protection, pour des motifs déjà invoqués devant l’autorité administrative et qui ont donné lieu à un refus d’autorisation de licencier. Le licenciement est alors dépourvu de cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 3 juill. 2003, n° 00-44.625).
Dans cette dernière hypothèse, si le licenciement est fondé sur un motif discriminatoire, il n’est pas simplement dépourvu de cause réelle et sérieuse mais est nul. Tel était le cas dans l’affaire qui nous intéresse. Petit retour sur les faits. Un employeur sollicite l’autorisation de licencier pour motif économique un représentant syndical au comité d’entreprise. L’inspection du travail lui notifie son refus, aux motifs que les difficultés économiques ne sont pas avérées et que la demande est liée au mandat du salarié. Deux mois après la fin de la période de protection du salarié, celui-ci est licencié pour motif économique. Ce licenciement est annulé par les juges du fond statuant en référé, les motifs économiques invoqués par l’employeur étant identiques à ceux ayant fait l’objet de la décision de refus de l’Administration. En outre, le licenciement présentait un lien avec les activités syndicales du salarié et donc un caractère discriminatoire. Qu’à cela ne tienne, l’employeur notifie un second licenciement au salarié, pour les mêmes motifs économiques. Les juges du fond persistent et annulent ce deuxième licenciement. La Cour de cassation confirme leur décision.
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Conséquences indemnitaires
Le salarié dont le licenciement est nul et qui demande sa réintégration a droit au versement d’une somme réparant la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s’est écoulée entre son licenciement et sa réintégration, dans la limite du montant des salaires dont il a réellement été privé (Cass. soc., 3 juill. 2003, n° 01-44.522). Autrement dit, doivent être déduites les sommes que le salarié a pu percevoir entre son licenciement et sa réintégration : indemnités maladie, allocations chômage, salaires versés par un autre employeur (Cass. soc., 30 sept. 2010, n° 08-44.340). L’arrêt du 9 juillet est l’occasion de rappeler qu’exceptionnellement, la Cour de cassation admet le principe d’une réparation forfaitaire, c’est-à-dire sans déduction des sommes perçues par le salarié entre son licenciement et sa réintégration. Il en ainsi s’agissant d’un salarié protégé lorsque le licenciement intervient en violation de son statut protecteur, c’est-à-dire sans autorisation administrative préalable (Cass. soc., 3 mai 2001, n° 99-43.815 ; Cass. soc., 10 oct. 2006, n° 04-47.623) ou en violation d’un droit ou d’une liberté garanti par la Constitution : exercice du droit de grève (Cass. soc., 2 févr. 2006, n° 03-47.481), état de santé du salarié (Cass. soc., 11 juill. 2012, n° 10-15.905), activités syndicales du salarié (Cass. soc., 2 juin 2010, n° 08-43.277 ; Cass. soc., 9 juill. 2014, n° 13-16.434). À noter toutefois que le salarié réintégré suite à l’annulation de son licenciement doit restituer les indemnités de rupture qu’il a perçues (Cass. soc., 28 mars 2000, n° 98-40.228). En pratique, une compensation peut être effectuée avec les sommes qui lui sont allouées au titre de l’indemnisation du licenciement nul.