Certains événements intervenant dans la vie professionnelle, tels la maladie, les congés, la mise en chômage partiel ou encore la grève, ont pour effet de suspendre le contrat de travail des salariés. Cette suspension n’emporte en principe aucune conséquence sur le mandat. Autrement dit, bien que le contrat de travail du salarié protégé soit suspendu, il doit pouvoir continuer à exercer ses fonctions représentatives, cette suspension n’emportant pas d’effet sur l’exercice du mandat.
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Quels sont les effets de la suspension du contrat de travail ?
La suspension du contrat de travail ne suspend pas le mandat du représentant du personnel. Cette solution dégagée par les juges au fil des décisions s’applique à tous les représentants du personnel, qu’ils soient délégués du personnel, membres du comité d’entreprise, membres du CHSCT, délégués et représentants syndicaux ou encore membres du comité européen ou du comité de la société européenne, et à tous les cas de suspension du contrat de travail.
La maladie
L’arrêt de travail pour maladie, qui suspend le contrat de travail, ne suspend pas le mandat. Par conséquent, l’employeur doit remplir à l’égard du représentant du personnel concerné toutes les obligations qui lui incombent et qui sont en relation avec le mandat (convocation aux réunions, crédit d’heures de délégation, liberté de circulation dans l’entreprise notamment).
Exemple :
un employeur a pu être condamné au titre du délit d’entrave pour avoir omis de convoquer à une réunion du comité d’entreprise un membre suppléant qui était hospitalisé (
Cass. crim., 16 juin 1970, no 69-93.132).
Le salarié en arrêt de travail pour maladie doit respecter les heures de sortie fixées par son praticien, et qui sont indiquées sur la feuille de soins.
Remarque :
du point de vue des organismes de sécurité sociale, l’exercice de l’activité de représentant du personnel a été jugé incompatible avec l’arrêt de travail et le service des indemnités journalières de sécurité sociale (
Cass. 2e civ., 9 déc. 2010, no 09-17.449).
Cette obligation n’a pas de répercussions sur les obligations de l’employeur et ce dernier n’a pas nécessairement à placer les réunions aux heures de sortie autorisées. Si le représentant du personnel ne peut se déplacer pour la réunion, il pourra, le cas échéant, se faire remplacer par un suppléant (voir nos 205-15 et 205-45).
Remarque :
la loi ne prévoit pas de membres suppléants au CHSCT afin de remplacer un titulaire absent. Toutefois, si un accord collectif en a institué, ce sont eux qui remplaceront les absents (voir no 205-60).
La grève
Le mandat des salariés grévistes n’est pas suspendu (Cass. soc., 27 févr. 1985, no 82-40.173). L’employeur ne peut donc pas s’opposer à ce qu’ils exercent leurs fonctions représentatives durant la grève, sauf à commettre le délit d’entrave. Une grève peut en outre être considérée comme une circonstance exceptionnelle justifiant le dépassement du crédit d’heures de délégation (voir no 210-25).
Le chômage partiel
Le chômage partiel n’a aucune incidence sur le mandat des représentants du personnel. Les salariés se trouvant en état de chômage partiel sont donc en droit, dans l’exercice de leurs fonctions représentatives, de pénétrer dans l’entreprise où peut encore travailler une partie des employés avec lesquels ils entendent communiquer (
Cass. crim., 25 mai 1983, no 82-91.538). La même solution s’applique en cas de chômage partiel total (
CE, 13 nov. 1987, no 68.104).
Les congés
Durant les congés payés, ou encore de maternité, le salarié a interdiction de travailler. Pour autant, le raisonnement applicable en matière de maladie est transposable ici. L’employeur doit donc convoquer les représentants aux réunions qui les concernent, et ne peut leur interdire l’accès à l’entreprise pour l’exercice de leur mandat durant ces périodes.
Le cas du congé parental a fait l’objet d’une attention particulière de la part de l’administration. Durant cette période, elle estime en effet que le mandat est suspendu, en raison notamment de la longue durée de l’absence et de la déconnexion du représentant du personnel avec les salariés qu’il est censé représenter. Elle recommande toutefois un accord pour que le salarié concerné puisse exercer sa mission s’il en manifeste le souhait (Rép. min. no 7230, JO AN 23 juin 1979, p. 5587). Cette solution, ancienne, peut paraître contestable au regard des solutions dégagées pour les autres cas de suspension du contrat de travail, notamment en cas de cessation anticipée d’activité. Il est donc fortement conseillé de considérer que, durant le congé parental, le mandat n’est pas suspendu, et de permettre au salarié de continuer à exercer ses fonctions représentatives, en le convoquant notamment aux réunions le concernant.
La cessation anticipée d’activité
Le mandat des représentants du personnel bénéficiant d’une mesure de cessation anticipée d’activité n’est pas suspendu. Par conséquent, l’employeur qui ne convoque pas à une réunion du comité d’entreprise deux de ses membres en préretraite CATS (cessation anticipée d’activité des travailleurs salariés) commet le délit d’entrave (
Cass. crim., 19 sept. 2006, no 05-86.669). Il ne peut pas s’exonérer de sa responsabilité en invoquant l’erreur de droit résultant de l’information erronée qui lui a été fournie par sa fédération professionnelle sur le sujet.
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La mise à pied suspend-elle le mandat ?
Qu’elle soit disciplinaire ou conservatoire, la mise à pied n’a pas pour effet de suspendre le mandat (
Cass. soc., 2 mars 2004, no 02-16.554). Le salarié protégé dont le contrat de travail est suspendu en raison d’une mise à pied doit donc pouvoir continuer à exercer ses fonctions représentatives durant cette période. L’employeur ne peut pas s’opposer à ce qu’il accède aux locaux et participe aux réunions, quelle qu’ait été la gravité du comportement sanctionné. L’employeur doit également lui accorder son crédit d’heures de délégation.
Toute entrave à l’exercice du mandat durant une période de mise à pied (disciplinaire ou conservatoire) est passible de poursuites pénales.
Exemple :
a été condamné au titre du délit d’entrave, un employeur ayant fait sortir « manu militari » des locaux de l’entreprise, un délégué syndical venu assister à une réunion syndicale alors qu’une mise à pied conservatoire lui avait été notifiée (
Cass. crim., 11 sept. 2007, no 06-82.410).
Sachez-le :
la position de la chambre criminelle de la Cour de cassation est alignée, depuis septembre 2007, sur celle de la chambre sociale. Avant cette date, elle jugeait encore que la mise à pied conservatoire suspendait le mandat, de sorte qu’aucune condamnation pour délit d’entrave ne pouvait être prononcée au titre de cette période (
Cass. crim., 5 mars 2002, no 01-81.049). Depuis l’arrêt précité du 11 septembre 2007, la solution est donc identique devant les deux chambres et pour les deux types de mise à pied : qu’elle soit conservatoire ou disciplinaire, le mandat n’est pas suspendu et toute entrave apportée à son exercice peut donc être poursuivie au pénal.
Mise à jour par bulletin 45, Juin 2014
Utilisation des heures de délégation pendant un arrêt de travail : mode d’emploi
L’exercice, par le représentant du personnel, de son mandat pendant un arrêt de travail ne peut ouvrir droit à indemnisation des heures de délégation que si le médecin traitant a préalablement autorisé cette activité (Cass. ch. mixte, 21 mars 2014, n° 12-20.002).
Deux salariées d’une entreprise, la première détenant les mandats de membre du comité d’entreprise et de déléguée syndicale, la seconde un mandat de déléguée du personnel, demandent respectivement à leur employeur le paiement de 90 heures et 150 heures de délégation. Or, ces heures de délégation ont été utilisées alors que les salariées étaient en arrêt de travail, mais hors temps de travail. Les salariées estiment que l’employeur aurait dû leur verser la rémunération correspondant à ces heures, en plus des indemnités journalières de sécurité sociale qu’elles percevaient pendant leur arrêt de travail.
Suite au refus de l’employeur de procéder à ce paiement, les salariées saisissent le conseil de prud’hommes. La juridiction prud’homale fait droit à leurs demandes en retenant que :
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l’arrêt de travail ne suspend pas les mandats ;
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les heures de délégation ont été prises par les salariées en dehors du temps de travail et n’ont fait l’objet d’aucune indemnisation ;
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l’employeur n’a pas contesté l’utilisation des heures de délégation devant la juridiction prud’homale.
L’employeur se pourvoit en cassation, avec succès.
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Autorisation du médecin traitant
Rappelons que, selon une jurisprudence désormais bien établie, la suspension du contrat de travail, pour quelle que raison que ce soit, n’empêche pas le salarié de continuer à exercer ses fonctions représentatives. Ainsi, la mise à pied, qu’elle soit disciplinaire ou conservatoire, n’a pas pour effet de suspendre le mandat (Cass. crim., 11 sept. 2007, n° 06-82.410). Il en va de même en cas de grève (Cass. soc., 27 févr. 1985, n° 82-40.173). Même s’il peut sembler paradoxal qu’un salarié empêché d’exécuter sa prestation de travail en raison d’une maladie ou d’un accident du travail puisse exercer son mandat, la jurisprudence considère que l’arrêt de travail n’empêche pas l’exercice des fonctions représentatives (Cass. crim., 16 juin 1970, n° 69-93.132). L’employeur doit remplir à l’égard du représentant du personnel concerné toutes les obligations qui lui incombent et qui sont en relation avec le mandat (convocation aux réunions, liberté de circulation dans l’entreprise, crédit d’heures de délégation, etc.). À défaut, il risque d’être condamné pour délit d’entrave.
Cette solution n’est cependant pas sans poser problème du point de vue de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation pour qui l’exercice du mandat pendant un arrêt de travail a une incidence sur le bénéfice des indemnités journalières de sécurité sociale. En effet, le versement d’indemnités journalières suppose que le salarié soit dans l’incapacité physique de continuer ou de reprendre le travail, cette incapacité devant être constatée par le médecin traitant (
CSS, art. L. 321-1). Il est en outre interdit au salarié en arrêt de travail de se livrer à une activité non autorisée par le médecin traitant, sous peine de perdre le bénéfice de ses indemnités journalières (
CSS, art. L. 323-6). Constituent ainsi une activité non autorisée : des travaux effectués à domicile, une activité professionnelle (
Cass. 2e civ., 25 juin 2009, n° 08-14.670) ou encore une activité bénévole (
Cass. 2e civ., 9 avr. 2009, n° 07-18.294). Du fait de son assimilation à du temps de travail effectif, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation juge l’exercice de l’activité de représentant du personnel incompatible avec l’arrêt de travail et le service des indemnités journalières. La circonstance que le représentant du personnel ait pris soin de respecter les horaires de sortie autorisées par son médecin traitant est sans incidence (
Cass. 2e civ., 9 déc. 2010, n° 09-17.449).
L’ensemble de ces principes conduit en pratique à des incohérences, puisque l’exercice du mandat pendant l’arrêt de travail du représentant du personnel est susceptible d’être sanctionné par les organismes de sécurité sociale, alors même que le mandat n’est pas suspendu pendant cet arrêt et que le salarié est autorisé à exercer ses fonctions représentatives. Ainsi, dans notre affaire, l’employeur invoquait à l’appui de son pourvoi les règles régissant le droit aux indemnités journalières de sécurité sociale et la jurisprudence de la deuxième chambre civile. L’utilisation répétée et prolongée des heures de délégation constituait selon lui une activité non autorisée, incompatible avec l’arrêt de travail et le versement des indemnités journalières. Il en concluait qu’il n’était pas tenu de payer ces heures, y compris celles réalisées en dehors du temps de travail.
La Cour de cassation s’est réunie en chambre mixte, la question qui lui était posée relevant à la fois du droit de la sécurité sociale (compétence de la deuxième chambre civile), des conditions d’utilisation des heures de délégation (compétence de la chambre sociale) et de l’exercice du mandat de représentant du personnel (l’entrave à cet exercice étant de la compétence de la chambre criminelle). La Haute juridiction casse les jugements rendus par le conseil de prud’hommes et, par un raisonnement prenant la forme d’un syllogisme, énonce que :
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l’attribution d’indemnités journalières de sécurité sociale « est subordonnée à l’obligation pour le bénéficiaire de s’abstenir de toute activité non autorisée » ;
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« les heures de délégation sont de plein droit considérées comme temps de travail » ;
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de sorte que l’exercice du mandat par un représentant du personnel, s’il n’est pas suspendu pendant l’arrêt de travail, ne peut ouvrir droit à indemnisation que si cette activité a préalablement été autorisée par le médecin traitant.
Notons que la chambre mixte ne fait pas référence à « l’utilisation répétée et prolongée des heures de délégation » comme l’y invitait l’employeur dans son pourvoi, mais à une formulation plus large qui vise « l’exercice de son activité de représentation par le représentant du personnel ». Peu importe donc le nombre d’heures de délégation utilisées pendant l’arrêt de travail, la règle est identique : pour pouvoir faire l’objet d’une indemnisation, l’exercice du mandat pendant un arrêt de travail doit avoir été préalablement autorisé par le médecin traitant. Elle ne distingue pas non plus selon que les heures de délégation ont été prises pendant ou en dehors du temps de travail, mais édicte un principe plus général, qui concerne toute heure de délégation prise pendant un arrêt de travail.
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Contestation des heures de délégation par l’employeur
Les heures comprises dans le crédit mensuel des représentants du personnel bénéficient d’une présomption de bonne utilisation. L’employeur a l’obligation de les régler à l’échéance normale (C. trav., art. L. 2143-17, L. 2315-3 et L. 2325-7). Ce n’est qu’une fois rémunérées qu’il peut demander au salarié de justifier de l’utilisation des heures de délégation, et contester ensuite devant le conseil de prud’hommes l’usage qui en a été fait (Cass. soc., 18 mai 2011, n° 09-71.396).
En l’occurrence, l’employeur n’avait pas suivi la procédure précitée. Il soutenait en effet que cette procédure ne s’applique pas lorsque la contestation porte non pas sur l’utilisation des heures de délégation conformément au mandat, mais sur la compatibilité de l’activité du représentant du personnel avec son arrêt de travail et son droit de cumuler le paiement d’heures de délégation avec le paiement d’indemnités journalières. La Cour de cassation ne se prononce pas sur le refus de l’employeur de rémunérer les heures de délégation prises pendant les arrêts de travail des salariées. Elle semble donc admettre que l’employeur puisse demander au représentant du personnel en arrêt de travail, préalablement au paiement des heures de délégation, de justifier qu’il détient une autorisation de son médecin du travail pour exercer son mandat. Il aurait été souhaitable que l’arrêt précise les modalités selon lesquelles le représentant du personnel devra justifier d’une telle autorisation.