1.
Depuis l’intervention de la loi portant rénovation de la démocratie sociale
La loi « rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail » élargit notablement les organisations syndicales qui doivent être conviées à négocier le protocole d’accord préélectoral (
L. no 2008-789, 20 août 2008, JO 21 août). Elle s’applique aux élections dont la date de la première réunion de négociation du protocole est postérieure au 21 août 2008 (date de la publication de la loi).
Il faut, comme avant, inviter les organisations syndicales reconnues représentatives dans l’entreprise ou l’établissement, sachant que les règles de preuve de la représentativité ont été modifiées (la présomption irréfragable de représentativité disparaît, de nouveaux critères dont l’audience aux élections du comité d’entreprise apparaissent, voir no 114). Il faut aussi convier les organisations syndicales ayant constitué une section syndicale dans l’entreprise ou l’établissement (voir no 114) et les syndicats affiliés à une organisation syndicale représentative au niveau national et interprofessionnel (C. trav., art. L. 2324-4 al. 1 pour le CE et C. trav., art. L. 2314-3 al. 1 pour les DP / anciens C. trav., art. L. 433-13 et C. trav., art. L. 423-18). Ces invitations doivent être faites par courrier (un affichage ne peut suffire).
Enfin doivent être invitées les organisations syndicales qui satisfont aux critères de respect des valeurs républicaines et d’indépendance, légalement constituées depuis au moins deux ans (dépôt des statuts) et dont le champ professionnel et géographique couvre l’entreprise ou l’établissement concerné (sur cela il faut voir les statuts déposés par le syndicat). Elles peuvent être invitées par simple affichage dans l’entreprise.
On voit donc que le champ des syndicats à inviter s’est considérablement élargi.
Observations
L’employeur doit donc par sécurité procéder aux invitations par courrier et par affichage dans l’entreprise et/ou l’établissement car il peut ne pas connaître les organisations syndicales non encore représentatives et non affiliées.
Sur la notion de représentativité, voir l’étude no 114.
2.
Avant la loi portant rénovation de la démocratie sociale
Par « organisations intéressées », il fallait entendre les seules organisations syndicales représentatives (
Cass. soc., 14 févr. 1984, no 83-60.947) mais toutes les organisations syndicales représentatives même si elles n’avaient aucun adhérent ou aucune activité dans l’entreprise (
Cass. soc., 1er avr. 1998, no 96-60.433, Bull. civ. V, no 195 ;
Cass. soc., 24 sept. 2003, no 02-60.521 D ;
Cass. soc., 14 févr. 2007, no 06-60.106 : il faut inviter toutes les organisations syndicales représentatives même si le protocole signé au niveau de l’entreprise prévoyait de n’inviter que les organisations syndicales présentes dans l’établissement).
Étaient représentatifs les syndicats affiliés à l’une des cinq confédérations reconnues représentatives à l’échelon national (CFDT, CFE-CGC, CFTC, CGT, CGT-FO ; C. trav., art. L. 2324-21 / ancien C. trav., art. L. 433-9, al. 3). Leur représentativité était présumée établie et ne pouvait leur être déniée (il s’agissait d’une présomption irréfragable).
Les autres syndicats non affiliés devaient faire la preuve, à l’échelon de l’entreprise ou de l’établissement, de leur représentativité dans le collège où ils présentaient des candidats.
Le Code du travail prévoyait qu’un certain nombre de critères devaient être remplis pour que ce caractère puisse être reconnu à une organisation : effectifs, indépendance, cotisations, expérience et ancienneté, attitude patriotique pendant l’Occupation (ce dernier critère n’a plus qu’un caractère historique). Ces critères ne présentaient pas un caractère cumulatif, ils restaient très généraux. Le juge recherchait notamment si le syndicat en question avait dans l’entreprise une activité et une influence réelle (C. trav., art. L. 2121-1 / ancien C. trav., art. L. 133-2).
Ainsi, est représentatif dans l’entreprise le syndicat dont le juge relève l’activité et le dynamisme, l’indépendance de celui-ci tant financièrement que par rapport à l’employeur ainsi que l’existence d’effectifs suffisants (
Cass. soc., 29 oct. 1998, no 97-60.564).
Selon la Cour de cassation, la représentativité était avérée dès lors que les juges du fond constataient l’indépendance et caractérisaient l’influence d’un syndicat au regard des critères précités (
Cass. soc., 3 déc. 2002, no 01-60.729, Bull. civ. V, no 354). Elle abandonnait ainsi l’appréciation de la représentativité au seul juge du fond (le tribunal d’instance en ce domaine) tout en mettant l’accent sur les critères d’indépendance et d’influence du syndicat (voir aussi
Cass. soc., 12 mars 2003, no 01-60.934 D).
Sur la notion de représentativité, voir l’étude no 114.
Selon la jurisprudence, qu’il y ait ou non présence de délégué syndical, l’affichage d’une note d’information dans l’entreprise (à ne pas confondre avec l’information du personnel de l’organisation des élections) ne constituait pas en elle-même l’invitation que le chef d’entreprise est tenu d’adresser aux organisations syndicales (
Cass. soc., 29 oct. 1996, no 95-60.930). Ce procédé de publicité n’était donc pas suffisant, même si c’était un usage dans l’entreprise, sauf si le chef d’entreprise, en cas de litige, apportait la preuve que les organisations syndicales en avaient bien pris connaissance (
Cass. soc., 4 mai 1993, no 92-60.367 ;
Cass. soc., 7 déc. 1995, no 95-60.124 ;
Cass. soc., 4 mars 1998, no 96-60.315 ;
Cass. soc., 6 avr. 2005, no 04.60.309 ;
Cass. soc., 15 mars 2006, no 05-60.165 D). Il était donc nécessaire de convoquer les organisations syndicales par écrit. Si elles existaient dans l’entreprise par la présence de délégués syndicaux, on peut penser qu’une circulaire interne suffisait. Sinon, la convocation devait alors être adressée par lettre aux unions géographiques ou aux fédérations de chaque organisation syndicale représentative sur le plan national
(voir no 143-1).
3.
Règles communes
Selon toutes probabilités, l’appréciation de la représentativité restera une question de fond que la Cour de cassation laissera à l’appréciation des juges de première instance (
Cass. soc., 12 mars 2003, no 01-60.934 D).
Dans l’hypothèse où surviendrait un litige sur la représentativité d’un syndicat, celui-ci ne saurait être écarté de la négociation tant que le juge ne se sera pas prononcé. Ainsi, l’employeur qui aurait engagé une action en contestation de la représentativité d’un syndicat est tenu d’inviter ce dernier aux négociations du protocole d’accord préélectoral et il ne saurait en aucun cas refuser qu’il présente une liste (
Cass. soc., 9 févr. 2000, no 98-60.599, Bull. civ. V, no 60). Cette jurisprudence rendue sous l’empire des anciens textes reste d’actualité.
Lorsque l’entreprise est composée
d’établissements distincts, les syndicats représentatifs
au niveau de l’entreprise doivent être invités aux négociations du protocole préélectoral. Cette obligation doit être respectée même s’ils n’ont pas de délégué syndical au niveau de l’établissement concerné par les élections (
Cass. soc., 6 avr. 2005, no 04-60.310 ;
Cass. soc., 15 févr. 2006, no 04-60.525 P+B) et même si le protocole préélectoral de l’entreprise prévoyait de ne convier à la négociation des protocoles d’établissements que les syndicats représentatifs « présents » dans l’établissement (
Cass. soc., 14 févr. 2007, no 06-60.106 P+B : où le chef d’établissement n’avait convoqué que le DS désigné dans l’établissement alors que d’autres syndicats représentatifs étaient présents au niveau de l’entreprise).