b)
Interprétation par la jurisprudence des obligations découlant de l’article 7 de la loi Évin
Une jurisprudence abondante a été rendue concernant la question du maintien des prestations en cours en cas de résiliation du contrat d’assurance et l’obligation éventuelle du nouvel assureur vis à vis des salariés sinistrés.
— Effet de la résiliation du contrat
En janvier 2001 (
Cass. soc., 30 janv. 2001, no 98-17.936), la Cour de cassation a rappelé que les prestations liées à l’indemnisation d’un sinistre survenu pendant la période de validité d’une police d’assurance de groupe, ne peuvent être remises en cause par la résiliation ultérieure de cette police. Ayant relevé que l’état d’invalidité de troisième catégorie, reconnu au salarié par la sécurité sociale, était né pendant l’exécution du premier contrat, et constatant que le droit à prestations de celui-ci était ainsi constitué sous l’empire de ce contrat, la cour d’appel a pu mettre le sinistre à la charge de l’ancien assureur. Cet arrêt est en totale harmonie avec la jurisprudence antérieure, la Cour de cassation recherchant le fait générateur du sinistre pour le faire supporter à l’assureur garantissant le risque au moment de la survenance de l’événement.
Un arrêt de la 1
re Chambre civile de la Cour de cassation réaffirme le principe posé par l’article 7 (
Cass. 1re civ., 2 oct. 2002, no 99-14.298). Il s’agissait en l’espèce, d’un contrat souscrit par une organisation syndicale au profit de ses membres. À la suite d’un accident du travail survenu le 12 octobre 1992, le permis de conduire d’un chauffeur routier est suspendu pour raison médicale jusqu’au 7 juin 1994. Pendant cette période, les indemnités journalières prévues dans ce cas lui sont servies. Le retrait définitif intervient le 18 juillet 1994. L’indemnité forfaitaire prévue par le contrat d’assurance en cas d’incapacité d’exercice consécutive à un accident ou une maladie, lui est refusée au motif que la résiliation du contrat est intervenue entre temps, le 31 décembre 1993. À tort selon cet arrêt, car il existe en matière de prévoyance collective un principe selon lequel la résiliation ou le non-renouvellement du contrat ou de la convention est sans effet sur le versement des prestations immédiates ou différées acquises ou nées durant son exécution. L’indemnité forfaitaire litigieuse, qui se substituait en cas de retrait définitif du permis de conduire pour inaptitude aux indemnités journalières servies pendant la suspension temporaire pour raison médicale, constituait une prestation différée de la garantie incapacité temporaire d’emploi mise en œuvre pendant la période d’effet du contrat de prévoyance, devait donc être versée au salarié.
Remarques
Par deux arrêts rendus en avril 2008 (
Cass. soc., 17 avr. 2008, nos 07-12.064 et 07-12.088) la Cour de cassation étend l’application de l’article 7 de la loi Évin, sur la prise en charge des prestations différées, en cas de rupture du contrat de travail sans résiliation du contrat d’assurance
(voir no 533-14).
— Non application de la loi Évin aux contrats souscrits par une collectivité locale
Selon un arrêt de la Cour de cassation les contrats souscrits par une collectivité locale en vue de lui garantir le versement ou le remboursement de charges lui incombant statutairement en cas de décès, maladie ou invalidité de son personnel n’entrent pas dans le champ d’application de la
loi Évin no 89-1009 du 31 décembre 1989 renforçant les garanties des personnes assurées contre certains risques. Le litige portait sur le maintien des prestations postérieurement à la rupture du contrat d’assurance. Selon l’article 7 de cette loi la résiliation du contrat est sans effet sur les prestations. Pour la Cour de cassation s’agissant d’un contrat « assurance du personnel collectivités locales », souscrit par une collectivité territoriale, ayant pour objet de garantir au seul bénéfice de la commune le versement ou le remboursement de charges lui incombant statutairement, la Cour d’appel qui avait considéré la loi Évin applicable a violé ce texte (
Cass. 2e civ., 28 juin 2012, no 11-14.938).
Un arrêt du Conseil d’État a confirmé la décision rendue par la Cour de cassation le 28 juin 2012 en rejetant la demande d’une commune visant à faire prendre en charge par l’assureur, en application de l’article 7 de la loi Évin, la rechute d’un accident intervenu à un agent communal après la résiliation du contrat par la commune (
CE, 28 janv. 2013, no 357272).
— Sort des stipulations contractuelles contraires
Le principe de maintien du versement des garanties issu de l’article 7 de la loi Évin amène par ailleurs la Cour de cassation à juger inopérante toute clause du contrat d’assurance de nature à lui faire échec. Ainsi, elle refuse de donner effet à une clause d’un contrat prévoyant que : «
Tout assuré cesse d’être garanti et perd la qualité d’assuré dès le jour où il n’appartient plus à la catégorie de personnel à laquelle le contrat s’applique » et que «
en cas d’arrêt de travail d’un salarié donnant lieu à un service des prestations de la sécurité sociale, les garanties en vigueur à la date de cet arrêt lui sont maintenues pendant une durée maximum de trois ans. Elles cessent obligatoirement au terme de ce délai et en tout état de cause, à la date de rupture du contrat de travail de l’assuré ». Les clauses du contrat de prévoyance aboutissant à supprimer les prestations dues au titre d’un risque qui s’était réalisé avant la résiliation de la police d’assurance ne pouvaient être opposées à un salarié, si les prestations demandées avaient pour origine des risques survenus pendant la période de garantie (
Cass.soc., 18 mars 2003, no 01-41.669).
De façon surprenante, la Cour de cassation fait une exception au principe de maintien de la garantie pour des clauses de franchise (
Cass. 2e civ., 22 janv. 2009, no 07-21.093). En l’espèce, un organisme assureur refuse le règlement de prestations d’incapacité de travail suite à l’arrêt de travail d’un salarié survenu avant la résiliation du contrat, qui prévoyait une franchise dont le terme était postérieur à l’échéance du contrat. Les juges du fond décident que cette disposition conventionnelle, subordonnant le versement des indemnités journalières complémentaires au maintien de la qualité d’affilié cotisant de l’assuré au terme du délai de franchise, est contraire aux dispositions d’ordre public de l’article 7 de la loi Évin du 31 décembre 1989, puisque l’évènement qui détermine la naissance du droit à prestation est la réalisation du risque garanti constitué par la prise en charge de l’arrêt de travail de l’assuré par son régime de base. L’arrêt est cassé par la deuxième Chambre civile, qui juge que les dispositions de l’article 7 de la loi Évin n’interdisent pas aux parties de définir les conditions d’acquisition de la garantie.
Puis, un arrêt de la Cour de cassation a, de la même façon, semblé donner la priorité à des stipulations de la convention d’assurance ayant pour effet de faire échec audit article 7 (
Cass. 2e civ., 3 mars 2011 , no 09-14.989). Une association avait souscrit un contrat d’assurance collective afin de faire bénéficier ses membres d’une rente en cas d’invalidité et d’une pension en cas d’incapacité. Le contrat est résilié et remplacé par une nouvelle garantie, à effet du 1
er janvier 2002. Plusieurs adhérents, n’ayant perçu aucune prestation du premier assureur au titre de leur incapacité, sollicitent du second organisme le paiement d’une rente d’invalidité. Ce dernier accepte de procéder au versement « à titre d’avance » et assigne le premier assureur en remboursement. Il est débouté de son action par la cour d’appel, la décision des juges du fond étant confirmée par la Cour de cassation. La deuxième Chambre civile relève en effet que la cour d’appel avait constaté que le premier contrat d’assurance ne garantissait que l’invalidité donnant lieu à une rente et l’incapacité donnant lieu à pension, dans l’hypothèse où elles étaient constatées pendant l’exécution du contrat, et non le risque maladie ou accident. En outre, il n’était pas soutenu que le premier organisme assureur avait effectué des versements avant la résiliation. Or, selon la Cour Suprême, l’application de l’article 7 de la loi Évin doit être écartée, l’objectif de ces dispositions étant d’empêcher l’arrêt pour les participants des prestations en cours de paiement.
On ne peut que s’étonner de cette décision, qui semble faire prévaloir des dispositions contractuelles sur une règle d’ordre public, et qui limite le champ d’application de l’article 7 aux seules prestations en cours de paiement à la date de la résiliation, alors que la loi fait référence aux prestations « immédiates ou différées ».
En tout état de cause, le dispositif légal est incomplet, puisqu’il peut entraîner la privation de certaines garanties en cas de résiliation du contrat d’assurance non suivie par la conclusion d’un nouveau contrat. En effet, la Cour de cassation considère que l’incapacité temporaire, l’invalidité et le décès font partie d’un ensemble de risques composites. Dès lors, la seule prestation qui doit être maintenue au niveau atteint est celle correspondant au sinistre déjà réalisé (voir no 509).
— Notion de prestations différées
De façon générale, la jurisprudence considère que la garantie invalidité constitue une prestation différée lorsqu’elle constitue la suite d’une incapacité de travail survenue sous l’empire du contrat d’assurance résilié. Ainsi, une décision rendue par la Cour d’appel de Douai le 2 juin 2005 conduit à considérer que l’assureur sortant doit accorder la garantie invalidité au salarié en incapacité de travail au jour de la résiliation du contrat d’assurance, quand bien même le classement en invalidité aurait eu lieu postérieurement à la résiliation du contrat d’assurance et ce, pour tous les contrats assurant globalement le risque incapacité/invalidité de travail (CA Douai, 2 juin 2005, no 03/05733).
De même, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence a retenu que l’assureur qui a indemnisé un salarié malade doit prendre en charge les conséquences de cette maladie, y compris lorsque l’assuré devient invalide postérieurement à la résiliation du contrat. Dans sa motivation, le juge retient la relation de cause à effet entre la maladie et l’invalidité (CA Aix-en-Provence, 9e ch. A, 3 mai 2007, no 06/02244).
Dans une décision rendue en avril 2008 (
Cass. 2e civ., 17 avr. 2008, no 06-45.137) la question était de savoir si le versement d’un capital décès, par anticipation en cas d’invalidité absolue et définitive, constitue une prestation différée ou si cette garantie n’est due que si la date de consolidation de l’état de l’assuré est antérieure à la résiliation du contrat de prévoyance. En l’espèce, un employeur résilie un contrat d’assurance collective prévoyant le versement par anticipation d’un capital décès, et souscrit un nouveau contrat, à effet du 1
er janvier 1998, auprès d’un autre organisme assureur ne prévoyant pas cette garantie. Un salarié placé en arrêt maladie le 20 octobre 1997, et reconnu invalide de deuxième catégorie par la sécurité sociale le 1
er novembre 1999, est licencié pour inaptitude le 29 décembre 1999. La Cour de cassation approuve la cour d’appel qui a décidé que le versement du capital décès par anticipation constituait une prestation différée, relevant de l’exécution du premier contrat, puisque le classement du salarié en invalidité deuxième catégorie résultait d’une maladie dont le salarié était atteint antérieurement à la résiliation du premier contrat de prévoyance.
Un arrêt rendu en juin 2008 (
Cass. 2e civ., 5 juin 2008, no 07-15.090) confirme cette analyse sur un autre fondement légal, révélant la volonté du législateur de donner le champ le plus large au principe issu de l’article 7. En l’espèce, une association de professionnels de santé souscrit, au profit de ses membres, un contrat d’assurance garantissant les risques incapacité, invalidité et décès puis change d’organisme assureur. Un assuré en incapacité de travail sous l’empire du premier contrat est déclaré invalide sous l’empire du second. Il réclame au premier organisme le paiement des prestations d’invalidité. La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel le déboutant de sa demande, au visa de l’
article 1134 du Code civil. Elle rappelle que : «
Les prestations liées à la réalisation d’un sinistre survenu pendant la période de validité d’une police d’assurance de groupe ne peuvent être remises en cause par la résiliation ultérieure de celle-ci », puis juge que : «
Le droit aux prestations de l’assureur était acquis dès lors que l’invalidité dont était atteint M. X était consécutive à la maladie constatée avant la résiliation du contrat d’assurance ».
La Cour de cassation confirme son analyse de la notion de prestation différée dans un arrêt de la deuxième Chambre civile du 23 octobre 2008 (
Cass. 2e civ., 23 oct. 2008, no 07-19.382). Une société avait souscrit au bénéfice de ses cadres, un contrat d’assurance en garantie des risques décès, incapacité temporaire et invalidité permanente, le 30 décembre 1994. Ce contrat a été résilié par l’assureur, à effet du 11 février 1996, suite à la liquidation judiciaire de la société. Un salarié a été victime d’un accident de travail le 1
er mars 1995 et a cessé de travailler à deux reprises jusqu’à son placement en invalidité deuxième catégorie le 1
er juillet 1999. Le salarié, débouté par les juges du fond de sa demande de versement de la rente invalidité, a formé un pourvoi en cassation. La compagnie d’assurance soutient que le fait générateur de la garantie n’est pas l’accident mais la date de mise en invalidité par la sécurité sociale, intervenue après la résiliation du contrat. Cette analyse est rejetée par la Cour de cassation, au visa de l’
article 1134 du Code civil et de l’
article 7 de la loi no 89-1009 du 31 décembre 1989 (JO 2 janv. 1990) et au motif que le droit aux prestations était acquis dès lors que l’assuré avait été atteint d’une invalidité, consécutive à un accident de travail survenu avant la résiliation du contrat, seul le service de la prestation étant différé.
Cette jurisprudence est désormais constante (voir en dernier lieu sur des faits semblables :
Cass. 2e civ., 14 janv. 2010, no 09-10.237), et la Cour de cassation a décidé qu’elle s’appliquait également pour un contrat collectif à adhésion facultative (
Cass. 2e civ., 16 oct. 2008, no 07-13.946). En l’espèce, une fonctionnaire relevait d’un contrat de prévoyance collective à adhésion facultative souscrit par une municipalité. Indemnisée au titre d’un arrêt maladie à compter du 11 décembre 2000, puis au titre d’une disponibilité d’office jusqu’en juin 2003, elle a été admise à faire valoir ses droits à la retraite au titre d’une invalidité, le 15 mars 2003. Suite au refus de l’assureur de lui verser la garantie complément de retraite pour invalidité, au motif que le contrat avait été résilié à effet du 31 décembre 2002, l’assuré, puis ses ayants droit ont assigné l’assureur en exécution du contrat de prévoyance. Les juges du fond ont rejeté l’appel formé par les ayants droit de l’assuré au motif que la réalisation du risque, à savoir l’ouverture des droits à la retraite au titre de l’invalidité, est intervenue après la résiliation du contrat et que la garantie complément retraite constitue une garantie distincte. L’arrêt est cassé au motif qu’il appartenait aux juges du fond de rechercher si l’admission à la retraite pour invalidité du fonctionnaire ne résultait pas de la maladie dont elle était atteinte antérieurement et au titre de laquelle elle avait perçu des indemnités.
Constitue également une prestation différée la prise en charge d’un nouvel arrêt de travail causé par une rechute postérieure à la résiliation du contrat d’assurance. En l’espèce, le contrat collectif souscrit garantissait le remboursement des frais de santé et le versement d’indemnités, notamment en cas d’incapacité, aux agents victimes d’un accident du travail pendant ou à l’occasion du service. Et donc, au visa de l’
article 1134 du Code civil qui dispose que les conventions légalement formées font la loi des parties et «
doivent être exécutées de bonne foi » par elles, la Cour de cassation a décidé qu’à partir du moment où le second arrêt est la suite directe et exclusive d’un accident qui avait été constaté avant la résiliation du contrat d’assurance et pris en charge par l’assureur, ce dernier doit offrir sa garantie, peu importe que la couverture ait été alors résiliée (
Cass. 2e civ., 17 juin 2010, no 09-15.089 ;
Cass. 2e civ, 12 avr. 2012, no 11-17.355).
Cette preuve de l’antériorité du sinistre avant la date de résiliation doit être rapportée, comme l’avait déjà rappelé la Cour de cassation dans un arrêt rendu en juin 2009 (
Cass. 2e civ., 11 juin 2009, no 08-15.747). L’assureur ne peut être tenu d’indemniser un sinistre dont la preuve de l’antériorité avant la résiliation du contrat n’est pas rapportée.
Cette obligation s’impose également en cas de succession d’organismes assureurs, lorsque des salariés placés en arrêt de travail sous l’empire de la première couverture, sont déclarés invalides alors que la seconde a pris effet. Dans une hypothèse similaire, une cour d’appel avait condamné le second assureur à couvrir l’invalidité des salariés concernés, jugeant que bien qu’en matière d’assurance de personnes, les prestations prévues en cas d’invalidité sont dues par l’assureur, quand bien même ces évènements seraient postérieurs à l’expiration des garanties, l’essentiel étant qu’ils soient la conséquence d’un fait générateur qui lui est antérieur, c’est naturellement vers l’assureur dont le contrat est en cours au moment où se déclare l’invalidité que doit se tourner le bénéficiaire de la garantie. Si cet assureur estime ne pas devoir sa garantie en raison de l’origine antérieure du risque, il lui appartient d’en rapporter la preuve en fournissant au moins les premiers éléments concrets permettant de suspecter ladite origine. L’arrêt a été cassé au visa de l’
article 4 du Code de procédure civile et de l’
article 1315 du Code civil, dont les alinéas 1
er disposent respectivement que «
l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties » et que «
celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver ». La Haute juridiction en déduit que c’est au demandeur de la garantie qu’il incombe d’établir que l’évènement qui est à l’origine de l’état d’invalidité invoqué est survenu pendant la période de validité du contrat qui le liait à l’assureur contre lequel il agit. Or c’est à l’encontre du premier assureur que l’employeur avait dirigé sa demande principale en l’espèce. La cour d’appel a donc inversé la charge de la preuve, et ainsi violé les textes précités (
Cass. 2e civ., 17 juin 2010, no 09-14.865).
En tout état de cause, il appartient aux juges du fond de préciser les éléments les amenant à établir l’absence de lien de causalité entre l’accident d’origine et l’inaptitude définitive consécutive, et partant la prise en charge du sinistre par le nouvel organisme assureur (
Cass. 2e civ., 13 janv. 2011, no 09-16.275). Viole ainsi l’article 7 de la loi Évin, la cour d’appel qui, pour condamner le second organisme assureur à prendre en charge l’inaptitude définitive d’un assuré victime d’un accident du travail sous l’empire du contrat d’assurance précédent, retient que le premier contrat d’assurance avait été valablement résilié.
— Sort des garanties décès en cas de résiliation du contrat
Par un arrêt rendu en 2003 (
Cass. soc., 8 juill. 2003, no 00-17.584) la Cour de cassation avait confirmé sa jurisprudence selon laquelle le maintien des garanties décès au bénéfice des salariés malades ou invalides ne se poursuit pas après la résiliation du contrat. Les termes de cet arrêt sont particulièrement clairs : «
l’assureur n’est pas tenu, sauf stipulation contraire, de prendre en charge le décès d’un adhérent survenu après la résiliation de son contrat de groupe ».
La portée de cette jurisprudence est atténuée par l’adoption de l’article 7-1 de la
loi no 89-1009 du 31 décembre 1989, tel qu’il résulte de la
loi no 2001-624 du 17 juillet 2001 et selon lequel les contrats d’assurance collectifs, dans certaines conditions, doivent comporter une clause ayant pour effet le maintien des garanties décès en cas de résiliation
(voir no 533-5). Selon l’article 30 de la loi Évin, les dispositions de l’article 7-1 modifié s’appliquent à compter du 1
er janvier 2002, y compris aux contrats, conventions ou bulletins d’adhésion à des règlements souscrits antérieurement et toujours en vigueur à cette date.
Ainsi, la Cour de cassation a fait application de ces nouvelles règles au cas particulier d’un salarié bénéficiant d’un contrat d’assurance de prévoyance collective souscrit par son employeur. Le contrat est résilié le 31 décembre 2003 et l’employeur souscrit une nouvelle couverture auprès d’un organisme assureur différent. Le salarié, encore en incapacité de travail, percevait du premier assureur des indemnités complémentaires à la date de la résiliation. Il décède le 26 mars 2004. Le premier assureur refuse de payer le capital décès au motif que celui-ci ne peut constituer une prestation différée au sens de l’article 7 de la loi Évin, seule la date de la mort de l’assuré et non la cause du décès étant déterminante du droit au versement de ce capital. La Cour de cassation, rejetant le pourvoi de l’assureur, rappelle qu’en application de l’article 7-1 modifié de la loi « Évin » du 31 décembre 1989 lorsque des assurés ou adhérents sont garantis collectivement dans les conditions prévues à l’article 2 de ladite loi, par un contrat comportant la couverture des risques décès, incapacité de travail et invalidité, la couverture du risque décès doit inclure une clause de maintien de la garantie décès en cas d’incapacité de travail ou d’invalidité. D’autre part, la résiliation ou le non-renouvellement du contrat sont sans effet sur les prestations à naître au titre du maintien de garantie en cas de survenance du décès avant le terme de la période d’incapacité de travail ou d’invalidité telle que définie dans le contrat couvrant le risque décès. Dès lors, puisque le décès de l’assuré est consécutif à la maladie dont il était atteint et en raison de laquelle il avait perçu des indemnités journalières au titre du premier contrat souscrit, le capital décès constituait une prestation à naître au titre du maintien de la garantie relevant de ce même contrat (
Cass. 2e civ., 25 juin 2009, no 08-15.349).
Mise à jour par bulletin 142, Mai 2014
Article 7 de la Loi Evin : définition du fait générateur
Cass. 2ème civ., 27 mars 2014, no 13-14.656
L’article 7 de « la loi Evin » dispose que « la résiliation ou le non-renouvellement du contrat […] est sans effet sur le versement des prestations immédiates ou différées, acquises ou nées durant son exécution ». Sur ce fondement, il est de jurisprudence constante qu’en cas de changement d’organisme assureur et lorsque le droit à prestations est né avant la résiliation du contrat d’assurance, leur versement demeure à la charge du premier assureur. Il en résulte que lorsqu’une invalidité succède à une incapacité de travail survenue sous l’empire d’un précédent contrat, il incombe au premier organisme assureur de verser les prestations afférentes, comme l’illustre une décision récente.
En l’espèce, une hôtesse de l’air adhère en mai 1973, à un contrat d’assurance collective contracté par un syndicat auprès d’un assureur. Le 2 décembre 1996, le syndicat informe les adhérents de la résiliation du contrat au 31 décembre 1996 et de la souscription d’un nouveau contrat auprès d’une institution de prévoyance prenant effet le 1er janvier 1997, à des conditions moins favorables.
La salariée est victime d’un accident le 5 décembre 1996. Son inaptitude définitive est prononcée le 5 février 1998. A ce titre l’institution de prévoyance lui verse un capital. La salariée conteste le versement de ce capital et assigne l’assureur en exécution de ses engagements ayant ainsi été privée du bénéfice des clauses plus favorables de ce contrat. Elle considère que les prestations auraient dues être versées par l’assureur et non par l’institution de prévoyance dans la mesure où l’accident dont elle avait été victime le 5 décembre 1996 était la source de son inaptitude et qu’à ce titre l’article 7 de la loi Evin trouve à s’appliquer et que par conséquent la résiliation du contrat lui est inopposable.
La cour d’appel rejette sa demande, et la Cour de cassation confirme la décision, en retenant «
que l’article 7 de la
loi no 89-1009 du 31 décembre 1989,
selon lequel la résiliation ou le non-renouvellement du contrat ou de la convention est sans effet sur le versement des prestations immédiates ou différées, acquises ou nées durant son exécution, n’interdit pas aux parties de définir les conditions d’acquisition de la garantie ». Et la Cour constate ensuite que le contrat d’assurance de groupe souscrit par le syndicat auprès de l’assureur au titre de l’inaptitude définitive «
perte de licence » précisait en son article 21 que le fait générateur de la garantie est constitué par la décision d’inaptitude définitive à l’exercice des fonctions de navigant, sa date étant celle portée par le CMAC dans sa notification à l’assuré. Dès lors les conditions de la garantie auxquelles le bénéfice des prestations du contrat était subordonné n’étaient pas acquises à la date de résiliation du contrat et l’assureur n’était redevable d’aucune somme à son égard.
Dans un arrêt du 3 mars 2011 (Cass. 2ème civ., 3 mars 2011, no 09-14.989) la Cour de cassation avait jugé qu’en l’absence de prestations dues pendant la durée d’application du premier contrat, l’article 7 de la « loi Evin » n’était pas applicable. En l’absence d’une couverture de l’arrêt de travail, les invalidités, constatées durant l’exécution du second contrat, devaient être prises en charge par le second organisme assureur, même si elles trouvaient leur origine dans un arrêt de travail survenu sous l’empire d’un premier contrat, dès lors que ce risque n’était pas couvert par celui-ci.
Cet arrêt du 27 mars 2014 apporte une précision supplémentaire en énonçant que les parties au contrat d’assurance peuvent, nonobstant le caractère d’ordre public de l’article 7, aménager les conditions d’acquisition de la garantie. La Cour suprême en conclut que dès lors que les conditions de l’application de la garantie ne sont pas réunies – en l’espèce, la reconnaissance administrative d’une inaptitude définitive –- sous l’empire du premier contrat d’assurance, le versement des prestations n’est pas dû au titre de ce contrat.