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Le contrat de travail peut-il être rompu par l’employeur pendant la suspension ?

Partie 1 – 
Relations individuelles de travail
Titre 2 –
Suspension du contrat de travail
Thème 155 –
Accident du travail et maladie professionnelle
Section 2 –
Statut du salarié pendant l’arrêt de travail résultant d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle
155-50 –
Le contrat de travail peut-il être rompu par l’employeur pendant la suspension ?
Durant la suspension du contrat de travail, c’est-à-dire pendant la période correspondant à l’arrêt de travail, l’employeur ne peut pas licencier le salarié sauf faute grave ou lourde, ou impossibilité de maintenir le contrat pour un motif non lié à l’accident ou la maladie.

Autrement dit,

le salarié victime bénéficie d’une protection spécifique qui limite le droit de rupture du contrat par l’employeur. Cette protection ne joue pas en cas d’accident de trajet.

Textes :
C. trav., art. L. 1226-6

;

C. trav., art. L. 1226-9

;

C. trav., art. L. 1226-18

.

Quels sont les motifs qui permettent à l’employeur de rompre le contrat pendant la suspension ?
  • la faute grave ou lourde du salarié

    (sur la faute grave ou lourde,

    voir

    no 135-5). Constitue par exemple une faute grave le refus réitéré du salarié de se présenter à la visite médicale de reprise malgré trois injonctions de l’employeur, en l’absence de prolongation justifiée de l’arrêt de travail (

    ).
    La faute grave peut parfois être à l’origine de l’accident de travail ; comme pour ce chauffeur routier qui refusait de porter des lunettes alors que la validité de son permis était subordonnée au port de verres correcteurs (

    ). Si la faute grave a été commise avant l’accident et que l’entretien préalable a déjà eu lieu, la notification du licenciement disciplinaire devra intervenir dans le délai d’un mois (

    C. trav., art. L. 1332-2

    ), même si le salarié est en arrêt de travail à cette date ; si ce délai est dépassé, le licenciement notifié pendant l’arrêt de travail est nul (

    ). Ce délai d’un mois n’est en effet ni interrompu ni suspendu pendant l’arrêt de travail (

    ) ;

  • l’impossibilité, pour un motif non lié à l’accident ou à la maladie, de maintenir le contrat

    . L’impossibilité doit s’apprécier à la date de la rupture (

    ). Une cause économique de licenciement ne suffit pas, en soi, pas plus que l’application des critères de l’ordre des licenciements, à caractériser une telle impossibilité (

    ). De même, la perturbation et la désorganisation de l’entreprise engendrées par les absences répétées du salarié qui ne pouvait pas être remplacé ne peuvent pas être invoquées pour justifier le licenciement car ce motif est lié à l’accident du travail (

    ). En revanche, la cessation totale et définitive d’activité de l’entreprise rend impossible le maintien du contrat (

    ). Au-delà de ce contexte, l’employeur doit être en mesure d’expliquer pourquoi le maintien du contrat est impossible.
    L’employeur ne doit pas manquer d’expliquer dans la lettre de licenciement les motifs qui rendent impossible le maintien du contrat de travail (

    ) : suppression de tout poste de travail, arrêt de toute activité et absence de repreneur, par exemple.

Le licenciement étant prononcé au cours de la suspension du contrat de travail, l’employeur n’a pas à organiser une visite de reprise avant de procéder à la rupture (

).

ATTENTION :
un fait commis par un accidenté du travail au cours de la période de suspension du contrat ne peut constituer un motif de rupture du contrat que si ce fait constitue une faute grave et ce, même si le licenciement n’est prononcé qu’à l’issue de la période de suspension (

;

).

Quel est le sort des procédures de licenciement en cours ?
Pendant la période de suspension, il n’est pas possible de rompre le contrat de travail, en dehors des deux motifs précités, même si la procédure de licenciement a été

engagée

avant l’accident. Même si l’entretien préalable a déjà eu lieu au moment où survient l’accident, l’employeur qui souhaite maintenir sa décision de licencier devra donc invoquer une faute grave ou une impossibilité, pour un motif non lié à l’accident ou la maladie, de maintenir le contrat. A défaut, le licenciement est nul. En revanche,

si la lettre de licenciement avait déjà été envoyée au salarié lorsqu’est survenu l’accident,

le licenciement n’est pas nul ; ses effets sont seulement reportés à l’expiration de la période de suspension du contrat (

).

Remarque :
si le salarié est victime d’un accident du travail au cours du préavis de démission, celui-ci se trouve suspendu pendant la durée de l’arrêt de travail. Il court à nouveau à compter du retour du salarié dans l’entreprise. Mais la démission n’est pas remise en question et elle prendra effet à l’issue du préavis, même si le salarié est déclaré inapte lors de la visite de reprise (

).

Il faut savoir que la période de suspension du contrat pour accident du travail ou maladie professionnelle n’interrompt pas le délai de deux mois à compter de la connaissance des faits fautifs, pendant lequel l’employeur doit engager la procédure de licenciement (

C. trav., art. L. 1332-4

). Faute d’engager une procédure de licenciement dans ces deux mois, en convoquant le salarié à un entretien préalable, l’employeur peut se voir reprocher un licenciement tardif et dès lors dépourvu de cause réelle et sérieuse (

). La procédure de licenciement basée sur une faute commise avant l’accident doit donc être engagée pendant la période de suspension, la notification ne pouvant intervenir quant à elle qu’à l’issue de la période de suspension du contrat s’il ne s’agit pas d’une faute grave (

). Par ailleurs, si l’employeur décide de reporter l’entretien préalable en raison de l’absence du salarié (ce qui n’est pas une obligation), un nouveau délai de deux mois court à compter de la date de la convocation initiale. L’employeur doit alors absolument reprendre la procédure dans ce nouveau délai en convoquant le salarié à un nouvel entretien préalable, sauf à ne plus pouvoir le sanctionner (

).

De même, le délai d’un mois dont dispose l’employeur pour notifier le licenciement disciplinaire à l’issue de l’entretien préalable n’est pas interrompu durant la période de suspension du contrat provoquée par l’accident du travail (

). Le licenciement notifié pendant cette période, après l’expiration de ce délai d’un mois, est nul (

;

voir

no 165-30).

Toutes les ruptures à l’initiative de l’employeur sont-elles visées ?
Oui. Les tribunaux appliquent la limitation du droit de rompre le contrat de travail à toutes les situations dans lesquelles la volonté de l’employeur intervient. L’administration a précisé qu’aucune rupture conventionnelle (homologuée) ne peut être signée pendant la période de suspension du contrat imputable à un accident du travail ou une maladie professionnelle (

Circ. DGT no 2009-04, 17 mars 2009

).

Exemples :
la rupture amiable est impossible pendant la suspension (

) ; même s’il agit à la demande du salarié, l’employeur ne peut pas non plus prononcer une mise à la retraite pendant la période de suspension, la résiliation du contrat encourant alors l’annulation (

).

Il n’y a donc que les cas de rupture non imputables à l’employeur, tels que le départ à la retraite, la démission ou encore le cas de force majeure, qui échappent aux dispositions légales.
Remarque :
la loi no 2008-596 du 25 juin 2008 de modernisation du marché du travail, qui a institué la rupture conventionnelle (voir no 185-80), n’interdit pas

a priori

de négocier une telle rupture pendant la période de suspension du contrat de travail. Néanmoins, les juges estimeront peut-être, comme ils l’ont décidé dans le cas de l’ancienne rupture amiable, que la protection des salariés victimes d’accident du travail ou de maladie professionnelle exclut qu’une rupture conventionnelle puisse intervenir pendant la période de suspension du contrat. Une circulaire DGT du 22 juillet 2008 va d’ailleurs dans ce sens en précisant que pour homologuer la convention, le DDTEFP vérifiera que la rupture conventionnelle ne s’inscrit pas dans une démarche visant à contourner des procédures et garanties légales (périodes de protection de l’emploi, accident du travail, maladie professionnelle, maternité, maladie de droit commun, procédure de rupture pour inaptitude médicale).

La période d’essai peut-elle être rompue librement ?
Non. En effet, les règles protectrices applicables aux accidentés du travail et aux victimes de maladies professionnelles priment celles relatives à la période d’essai. Rappelons qu’en temps normal, l’employeur peut rompre librement le contrat de travail durant la période d’essai sans procédures ni formalités spécifiques, sans préavis ni indemnités, sauf abus (voir no 105-75).
Ainsi, durant l’arrêt de travail provoqué par un accident du travail, l’employeur ne pourra mettre fin à la période d’essai qu’en présence d’une faute grave de l’intéressé ou d’une impossibilité, pour un motif non lié à l’accident ou la maladie, de maintenir le contrat (

).

Remarque :
lorsque l’accident du travail survient au cours de la période d’essai, cette dernière se trouve automatiquement prolongée de la durée de l’absence (

). L’employeur pourra rompre l’essai à l’issue de l’arrêt de travail (et après la visite médicale de reprise concluant à l’aptitude du salarié lorsque cette visite s’impose ;

voir

no 155-65).

Comment s’applique la protection du salarié en CDD ?
Si le contrat à durée déterminée comporte une clause de renouvellement,

l’employeur ne peut, au cours des périodes correspondant à l’arrêt de travail ou au délai d’attente et à la durée du stage de réadaptation, de rééducation et de formation professionnelle, refuser le renouvellement, sauf s’il justifie d’un motif réel et sérieux, étranger à l’accident ou à la maladie (voir no 110-30).

En l’absence de clause de renouvellement,

l’accident du travail au cours du CDD est sans incidence sur l’échéance du contrat qui s’achève au jour prévu par l’employeur. Mais l’employeur ne peut résilier le contrat par anticipation pendant la suspension pour accident du travail, sauf faute grave ou cas de force majeure (

C. trav., art. L. 1226-18

).

Si l’employeur ne respecte pas ces règles,

il doit verser au salarié une indemnité au moins égale au montant des salaires et avantages que le salarié aurait reçus jusqu’au terme de la période prévue par la clause de renouvellement ou jusqu’au terme du contrat en cas de rupture anticipée (

C. trav., art. L. 1226-19

).

Quels sont les droits du salarié en cas de rupture ?
Rupture régulière
Si l’employeur rompt le contrat pour faute grave, le régime du licenciement est celui de la faute grave, c’est-à-dire que le salarié ne perçoit ni indemnité de préavis ni indemnité de licenciement.
En cas d’impossibilité de maintenir le contrat, le régime applicable est fonction du motif de cette impossibilité. La Cour de cassation estimant que l’employeur ne peut invoquer cette impossibilité qu’en justifiant de circonstances indépendantes du comportement du salarié (

), il en résulte que le licenciement sera le plus souvent caractérisé par une cause économique ou par une fin de chantier (

). Dans un tel cas, le salarié a droit à l’indemnité de licenciement légale ou conventionnelle, mais pas à l’indemnité de préavis qu’il n’est pas en mesure d’effectuer.

Rupture irrégulière
En l’absence de faute grave du salarié ou d’impossibilité pour l’employeur de maintenir le contrat pour un motif non lié à l’accident ou à la maladie, la rupture du contrat pendant la période de suspension est

nulle

(

C. trav., art. L. 1226-13

) (voir toutefois ci-dessus l’exception tirée de l’envoi de la lettre de licenciement avant l’accident et reçue par le salarié durant la suspension du contrat).

Le salarié dispose dans ce cas de plusieurs possibilités :
  • soit il demande sa réintégration

    dans l’entreprise, sans que l’employeur puisse la refuser (

    ). Cette demande de réintégration peut s’accompagner d’une demande d’indemnisation du préjudice subi entre le licenciement et la réintégration, dans la limite du montant des salaires dont il a été privé (

    ) ;

  • soit il ne demande pas sa réintégration

    mais une indemnisation. Il revient aux juges d’évaluer souverainement le préjudice subi par le salarié du fait de son licenciement frappé de nullité et de fixer le montant des dommages-intérêts à verser par l’employeur (

    ). Cette indemnisation doit être au moins égale aux six derniers mois de salaires, c’est-à-dire à l’indemnisation due, en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, à un salarié ayant au moins deux ans d’ancienneté et travaillant dans une entreprise d’au moins 11 salariés (voir no 175-95). Peu importe que la victime de l’accident du travail ne remplisse pas l’une ou l’autre de ces deux conditions (

    ).

Outre des dommages-intérêts, le salarié licencié au cours de la période de suspension du contrat et qui ne demande pas sa réintégration peut prétendre à l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement. Il peut prétendre également à une indemnité compensatrice de préavis (

).

Lorsque la nullité du licenciement se double d’une

irrégularité de procédure

(par exemple, absence de faute grave et non-respect du délai entre la convocation et la date de l’entretien préalable), l’irrégularité de procédure doit également être réparée par le juge, soit par une indemnité distincte, soit par une somme comprise dans l’évaluation globale du préjudice résultant de la nullité du licenciement (

). Sur le montant de l’indemnisation d’une irrégularité dans la procédure de licenciement, voir no 175-85.

Par ailleurs, s’il s’agissait d’un

salarié protégé

et que l’employeur l’a licencié non seulement sans respecter la protection accordée aux accidentés du travail, mais en outre sans demander l’autorisation de l’inspecteur du travail, le licenciement est nul et le salarié pourra cumuler l’indemnisation liée à la violation des règles protégeant les victimes d’accidents du travail et l’indemnisation résultant de la violation du statut de salarié protégé (

;

voir

no 240-85).

ATTENTION :
en cas de licenciement nul, le salarié n’est pas obligé d’accepter une proposition de réintégration, ni même de la demander, après consolidation de son état. Le refus de reprendre le travail après la notification du licenciement ne met pas celui-ci à la charge du salarié (

).

Qu’en est-il en cas de changement d’employeur ?
Principe
Les dispositions protectrices contre le licenciement ne s’appliquent pas lorsque l’accident est survenu au service d’un précédent employeur. Il en va de même de la maladie professionnelle contractée au service d’un autre employeur (

C. trav., art. L. 1226-6

). En d’autres termes, la protection légale des victimes d’accident du travail ou de maladie professionnelle ne s’impose qu’à l’employeur au service duquel l’accident ou la maladie a eu lieu. Il existe toutefois deux exceptions à ce principe.

Exception en cas d’application de l’article L. 1224-1 du Code du travail
En cas de

changement légal d’employeur

intervenu en application de l’article L. 1224-1 du Code du travail (voir no 250-15), le salarié peut se prévaloir des règles protectrices contre le licenciement auprès du nouvel employeur (

;

). Il en va de même en cas d’

application volontaire de l’article L. 1224-1

(

;

voir

no 250-35).

ATTENTION :
l’accord collectif qui, pour le cas de

perte d’un marché de services

(voir no 250-35), prévoit et organise la reprise de tout ou partie des contrats de travail, ne constitue pas une application volontaire de l’article L. 1224-1 et ne peut pas, à lui seul, et sauf clause contraire le prévoyant, faire échec aux dispositions de l’article L. 1226-6 du Code du travail (

;

).

Exception tirée du lien de causalité avec la rechute
Indépendamment de l’hypothèse d’un transfert du contrat, le salarié peut prétendre aux dispositions protectrices contre le licenciement dès lors qu’il existe un lien de causalité entre la rechute de l’accident initial et ses conditions de travail ou tout autre événement inhérent à ses fonctions au service du nouvel employeur.
Exemple :
une aide-soignante, engagée en août 1999 par un centre de gérontologie, est placée en arrêt maladie à compter de février 2000 en raison d’une hernie discale. Elle est licenciée au cours de l’arrêt de travail, pour absence prolongée nécessitant son remplacement définitif. Estimant que sa hernie était une rechute d’un accident du travail survenu en 1998 alors qu’elle était au service d’un précédent employeur, la salariée demande la nullité de son licenciement en application de la législation protectrice des accidentés du travail. La Cour de cassation fait droit à ses prétentions : les lésions constatées lors de la rechute étaient imputables aux nouvelles conditions de travail, les fonctions d’aide-soignante impliquant des efforts physiques pour soulever des malades (

).

Sachez-le :
l’application des dispositions prohibant le licenciement d’un salarié victime d’un accident du travail (

C. trav., art. L. 1226-9

) n’est pas subordonnée à la reconnaissance par la sécurité sociale de l’accident ou de la maladie professionnelle (

). Le régime protecteur des victimes d’accident du travail s’applique également en cas de rechute d’accident du travail (

). Réaffirmant l’indépendance des rapports entre la caisse et l’assuré, et ceux existant entre l’employeur et le salarié, la Cour de cassation précise que le salarié peut revendiquer le bénéfice des règles protectrices même si la CPAM n’a pas reconnu le caractère professionnel de la rechute.

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