En quoi consiste le lissage ?
Le lissage du salaire consiste à verser une rémunération mensuelle indépendante du nombre d’heures réellement effectuées au cours d’une période de paye.
Lorsque le temps de travail mensuel fluctue d’un mois sur l’autre, le lissage constitue donc une garantie pour les salariés de percevoir une rémunération identique chaque mois, à l’exception du paiement éventuel d’heures supplémentaires ou de primes diverses qui s’ajoutent à la rémunération lissée.
Observations :
Le lissage ne doit pas être confondu avec la mensualisation, bien que ces deux dispositifs reposent sur une philosophie commune, à savoir le paiement d’une rémunération mensuelle indépendante de l’horaire réel.
Quelles sont les principales difficultés soulevées par le lissage ?
Parce qu’elle déconnecte totalement le salaire de l’horaire réellement effectué et que le salarié va se trouver constamment en situation de débit-crédit, la technique du lissage soulève des difficultés juridiques et pratiques lorsque des incidents viennent perturber la prestation de travail du salarié.
L’accord collectif ou, à défaut, le contrat de travail doit donc prévoir notamment :
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sur quelle base les arrêts de travail seront indemnisés lorsque le salarié peut prétendre à une indemnisation de l’employeur. En principe, la logique du lissage conduit à indemniser sur la base du salaire mensuel moyen ;
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les conditions d’ajustement du salaire en cas d’arrivée, d’absences ou départ du salarié en cours d’année.
Il existe d’autres difficultés à régler, notamment le calcul de l’indemnité de congés payés et les modalités de retenue en cas d’absences non indemnisées.
Il convient d’adapter des mécanismes de paye bien rodés, encadrés par la loi et les tribunaux, au particularisme du lissage en gardant à l’esprit que, cette technique ne s’analysant qu’en une modalité de rémunération, il ne doit pas aboutir à des résultats différents (ni plus favorables, ni moins favorables) de ceux applicables à un salarié dont la rémunération n’est pas lissée.
— Sur toutes ces questions, voir no 620-20.
Quelles sont les modalités d’aménagement du temps de travail autorisant le lissage ?
Organisation plurihebdomadaire du temps de travail
L’article L. 3122-5 du Code du travail autorise le lissage de la rémunération dans le cadre d’une organisation plurihebdomadaire du temps de travail mise en place selon les modalités de l’article L. 3122-2 du même code.
Rappelons que ce dispositif, institué par la
loi no 2008-789 du 20 août 2008 en substitution des JRTT, de la modulation, du cycle et du temps partiel modulé, permet aux entreprises de négocier des modalités d’organisation comportant des variations de durée hebdomadaire vraiment adaptées aux contraintes et aux besoins de l’entreprise
(voir no 353-10).
Suivant les modalités retenues, le lissage permet ainsi de verser chaque mois une rémunération, hors heures supplémentaires, indépendante du nombre d’heures ou de jours réellement travaillés dans le mois.
L’accord doit fixer la base de calcul de cette rémunération, laquelle peut être de 35 heures, d’une durée moindre ou plus importante.
Organisation plurihebdomadaire du temps de travail limitée à quatre semaines
Le lissage de la rémunération est également prévu par l’article D. 3122-7-2 du Code du travail qui permet à l’employeur, en l’absence d’accord collectif, de répartir unilatéralement l’horaire collectif dans un cadre plurihebdomadaire limité à quatre semaines (C. trav., art. L. 3122-2 ; C. trav., art. D. 3122-7-1 et s. ; voir no 353-20).
Selon l’article D. 3122-7-2 du Code du travail, la rémunération mensuelle, hors heures supplémentaires, doit dans ce cas être calculée sur la base de 35 heures hebdomadaires et donc être indépendante de l’horaire réel.
Forfait annuel en heures ou en jours
Bien que la loi ne le mentionne pas, il est également possible de prévoir par accord (collectif et/ou individuel) le versement d’une rémunération lissée pour les salariés en forfait annuel en heures ou en jours (voir no 360) lorsque le temps de travail est susceptible d’être irrégulier d’un mois à l’autre.
Travail à temps partiel
Le lissage est prévu par la loi dans le cadre des trois dispositifs d’aménagement du temps de travail suivants :
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le temps partiel annualisé à l’initiative du salarié (C. trav., art. L. 3123-7 ; voir no 375-55). Un avenant au contrat de travail s’avère nécessaire afin de préciser la ou les périodes non travaillées et, le cas échéant, de prévoir un lissage des rémunérations sur l’année si l’employeur et le salarié en sont d’accord (Circ. MES/CAB/2000 003, 3 mars 2000, fiche no 15, I) ;
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le temps partiel modulé (voir no 375-40), prévu par un accord collectif conclu avant le 21 août 2008, date de suppression du dispositif par la loi no 2008-789 du 20 août 2008. Les dispositions de ces accords restent toutefois en vigueur et leurs dispositions continuent à s’appliquer jusqu’à leur terme ;
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le temps partiel annualisé prévu dans un contrat de travail conclu avant le 1er février 2000, date de suppression du dispositif depuis l’entrée en vigueur de la loi Aubry II (L. no 2000-37, 19 janv. 2000, art. 12). Ces contrats demeurent régis par les dispositions de l’article L. 212-4-3 du Code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi Aubry II.
Autres modalités d’aménagement négociées avant la loi du 20 août 2008
Le lissage peut également avoir été prévu par les accords, conclus avant la
loi no 2008-789 du 20 août 2008 et maintenus en vigueur par cette loi, ayant mis en place un cycle, une modulation ou des JRTT dans un cadre quadri-hebdomadaire ou annuel.
Cycle
La possibilité de lissage de la rémunération en cas de cycle résultait de l’ancien article L. 3122-4.
Rappelons qu’en cas de cycle la durée du travail est répartie de manière fixe et répétitive de sorte que les semaines travaillées au-delà de 35 heures sont compensées par des semaines travaillées en-deçà de 35 heures (voir no 353-80).
Le lissage permet donc d’assurer une rémunération mensuelle, hors heures supplémentaires, identique d’un mois à l’autre, quel que soit le nombre d’heures réellement effectuées au cours du mois.
Modulation
Le lissage de la rémunération peut également avoir été mise en place, dans le cadre d’une modulation du temps de travail, selon les modalités de l’ancien article L. 3122-16.
Rappelons qu’en cas de modulation la répartition du temps de travail s’effectue de telle sorte que des semaines travaillées au-delà de la durée moyenne hebdomadaire, dans une limite maximale de 48 heures par semaine, sont strictement compensées par des semaines travaillées en deçà. Par exemple, dans le cadre d’un horaire imposé de 35 heures, 12 semaines de 44 heures peuvent être compensées par un nombre identique de semaines de 34 heures.
Le lissage de la rémunération consiste alors à rémunérer sur une même base toutes les semaines travaillées, qu’il s’agisse par exemple de semaines de 44 heures ou de 33 heures.
EXEMPLE
Un accord d’entreprise met en place une modulation du temps de travail et prévoit un lissage de la rémunération.
JRTT
L’accord collectif autorisant l’annualisation avec attribution de JRTT devait prévoir « les modalités de répartition dans le temps des droits à rémunération » en fonction du calendrier des repos, en d’autres termes, le lissage éventuel de la rémunération (ancien art. L. 3122-19 ; voir no 353-90).
Selon ce mécanisme, le salaire de base est le même chaque mois indépendamment de la variation du nombre d’heures travaillées alors que la répartition du temps de travail sur l’année, moyennant l’attribution de jours de repos, peut entraîner une variation du nombre d’heures travaillées d’un mois sur l’autre.
Doit-on passer par un accord collectif pour procéder au lissage ?
En fonction du mode d’aménagement du temps de travail retenu, le lissage de la rémunération peut être mis en place par accord collectif et/ou accord individuel dans les conditions définies par les partenaires sociaux.
La plupart des modalités d’aménagement de la durée du travail autorisant le lissage ne peuvent être mises en place que par accord collectif.
Il en va notamment ainsi pour :
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l’organisation plurihebdomadaire du temps de travail (C. trav., art. L. 3122-2 ; voir no 353-10) ;
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le forfait annuel en heures ou en jours (C. trav., art. L. 3121-39 ; voir nos 360-30 et 360-50) ;
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le travail intermittent (C. trav., art. L. 3123-31 ; voir no 385).
En pratique, le lissage doit donc être intégré dans les accords prévoyant un ou plusieurs dispositifs d’aménagement du temps de travail, mais, lorsque ces dispositifs sont possibles en application d’une convention collective de branche, celle-ci peut renvoyer le plus souvent aux accords d’entreprise le soin de préciser les modalités pratiques du lissage.