Comment rémunérer les dépassements de forfait ?
— Sur les modalités de dépassement autorisées, voir no 430-75.
Sauf dispositions contractuelles ou conventionnelles contraires, les dépassements de forfait n’ouvrent droit, en tant que tel, à aucune majoration de salaire.
Lorsque le dépassement résulte du rachat de jours de repos supplémentaires accordés dans le cadre du forfait en jours, ce n’est pas le dépassement qui est en réalité indemnisé, mais le jour de repos racheté. Ce rachat donne lieu en principe à un paiement majoré (voir infra).
Les dépassements n’ont par ailleurs pas à être indemnisés lorsqu’ils résultent d’un report de jours de repos sur l’année suivante ou de leur transfert dans un compte épargne-temps. Ils sont en effet, dans le premier cas, rémunérés par le biais du salaire maintenu au moment de la prise des repos et, dans le second cas, par le mécanisme de valorisation des droits capitalisés dans le CET.
Il en va de même lorsque le salarié dépasse le nombre de jours fixé dans son forfait à la suite d’un droit insuffisant à congés payés. Cette situation se rencontre pour des collaborateurs embauchés en fin d’année n – 1 ou en absence prolongée au cours de cette période et dont le nombre de congés payés à prendre pendant l’année n est de ce fait inférieur à cinq semaines. Ce qui augmente d’autant leur nombre de jours travaillés au cours de cette même année n. Mais, dans un tel cas, cela ne se traduit pas par du travail en plus, mais par moins de congés payés. Le salarié ne peut pas prétendre en contrepartie à une rémunération supplémentaire, car il perçoit alors, pendant les jours où il travaille, ce qu’il aurait perçu s’il avait pris des congés payés pendant la même période. Sa rémunération inclut en effet déjà le paiement des congés payés (un forfait de 218 jours rémunère en principe 251 jours : voir infra).
En dehors de ces différentes hypothèses, qui couvrent la plupart des situations normalement envisageables, les autres dépassements donnent en théorie simplement lieu au paiement d’une journée de travail en plus (sur le calcul du salaire journalier, voir infra).
Observations :
A part le cas d’un dépassement imposé ou implicitement accepté par l’employeur, sans indemnisation ou report des jours de repos non pris, on ne voit pas bien dans quelle situation cela peut se produire. Et même dans ce cas, on peut se demander si, au titre de la réparation du préjudice subi, le salarié ne pourrait pas prétendre à une indemnisation au moins équivalente à celle versée dans le cadre d’un rachat de jour de repos, d’autant plus qu’il n’a été pas demandeur.
Quels étaient, avant le 1er août 2012, le régime fiscal et, avant le 1er septembre 2012, le traitement social de la rémunération des dépassements de forfait ?
Le complément de salaire versé en cas de dépassements de forfait en jours est en principe soumis au même régime fiscal et social que les autres éléments de rémunération. Il est donc assujetti à l’ensemble des charges sociales salariales et patronales et à l’impôt sur le revenu.
Il n’en allait différemment que pour les dépassements effectués au-delà de 218 jours par an, pour autant qu’ils s’accompagnent d’une renonciation définitive aux jours de repos correspondant.
Le complément de salaire afférent à ce dépassement ou, ce qui revient au même, le rachat des jours de repos correspondant, bénéficiait du régime de détaxation sociale et fiscale des heures supplémentaires. Cette mesure a été supprimée par la loi de finances rectificative pour 2012 du 16 août 2012 (voir no 610-15).
Quelles étaient les conditions à remplir pour pouvoir appliquer la détaxation en cas de dépassement du seuil annuel de 218 jours ?
Pour bénéficier de la détaxation, les journées de travail effectuées au-delà de 218 jours dans le cadre d’un forfait annuel en jours devaient s’accompagner de la renonciation définitive par les salariés concernés aux jours de repos auxquels ce travail supplémentaire se substitue (CGI, art. 81 quater I 1).
Ce qui excluait notamment les dépassements liés à un droit insuffisant à congés payés.
La technique préconisée par l’administration consistait à décompter les jours de travail bénéficiant de la détaxation par rapport au nombre de jours de repos auxquels le salarié a renoncés, et non en fonction du nombre de jours qu’il a effectivement travaillés (Circ. DSS/5B/2007/358, 1er oct. 2007, IV, A, 3). Sur le plan pratique, il fallait d’abord comptabiliser le nombre de jours de repos non pris et ne les retenir ensuite que dans la limite du nombre de jours travaillés au-delà de 218 après avoir, bien entendu, déduit les jours d’absence rémunérée (qui ne correspondent pas à du temps de travail effectif).
Les dépassements détaxés de forfait annuel en jours étaient indirectement plafonnés par le nombre maximal annuel de jours travaillés fixés par accord collectif ou, à défaut, par la loi à 235 jours (C. trav., art. L. 3121-45), la limitation conventionnelle du nombre de jours rachetables et, en dernier lieu, par le respect des règles relatives aux repos hebdomadaires, au 1er mai et aux congés payés. Le plafond théorique pouvait donc atteindre 282 jours (voir no 430-75).
Quelles étaient les modalités particulières de calcul des réductions de charges sociales et patronales applicables à la rémunération des dépassements, ou des rachats de jours de repos correspondants ?
Le montant de la réduction de cotisation salariale était limitée, pour chaque journée de dépassement ou de rachat, au salaire journalier majoré de 25 %, lequel est déterminé à partir du «
rapport entre la rémunération annuelle et le nombre de jours de travail prévu dans le forfait » (
L. no 2007-1223, 21 août 2007, art. 1er, 2o) alors que la rémunération annuelle englobe non seulement les jours de travail, mais également les cinq semaines de congés payés ainsi que les jours fériés chômés (voir
infra).
Le montant de la déduction forfaitaire des cotisations patronales était quant à lui adapté. Par jour supplémentaire, le montant de la déduction était en effet égale à 0,50 € (ou 1,5 € dans les entreprises jusqu’à 20 salariés) multiplié par sept (CSS, art. L. 241-18 II).
Comment traiter les dépassements effectués en deçà de 218 jours par an, ou le rachat des jours de repos correspondants ?
Lorsque la durée annuelle de travail est fixée à un niveau inférieur à 218 jours, la rémunération correspondant à des dépassements, ou au rachat des jours de repos correspondants, compris entre le forfait et 218 jours est et était intégralement soumise à charges sociales et à impôt. Tel est notamment le cas d’un cadre qui effectue 10 jours de travail en plus de son forfait fixé à 207 jours.
Comment traiter les soldes créditeurs de forfait en cas de départ ou d’entrée d’un salarié en cours d’année ?
Même s’il apparaît, en cas de départ ou d’entrée en cours d’année, qu’un salarié a effectué un nombre de jours supérieur à celui qui a été rémunéré ou qui est prévu dans son contrat, ces temps supplémentaires n’étaient pas pour autant détaxés.
Ils devaient se traduire par un dépassement des 218 jours. Ces seuils étaient intangibles et ne sont pas recalculés au prorata dans un tel cas.
Jusqu’à quelle date s’appliquait l’ancienne détaxation prévue par la loi Tepa ?
Bien que cette mesure soit supprimée depuis le 1
er août 2012, en ce qui concerne le volet fiscal, et depuis le 1
er septembre 2012, pour les exonérations de charges sociales, la détaxation sociale s’appliquait au plus tard jusqu’au 31 décembre 2012 pour les forfaits se référant à un exercice encore en cours au 1
er septembre 2012 (
L. no 2012-958, 16 août 2012, art. 3 VIII B).
Cette disposition est justifiée par le fait que la constatation des dépassements n’intervient qu’en fin de période annuelle ou infra-annuelle. Elle tient par ailleurs compte de l’impossibilité de déterminer, avec exactitude, à quel mois se rapportent les dépassements constatés en fin d’exercice.
Observations :
Ce décalage dans le temps de la suppression de l’ancienne détaxation ne vise, à la lettre du texte, que l’exonération sociale. La loi n’a pas repris ce mécanisme en matière fiscale. Il semble qu’il s’agisse d’un oubli qui devrait être rectifié par la doctrine administrative. Toutefois aucune précision n’avait encore été publiée par l’administration fiscale à la date où nous mettions sous presse.
Quel est aujourd’hui le régime fiscal et social de la rémunération des dépassements de forfait ?
Le régime fiscal et social de faveur des heures supplémentaires a pris fin avec la loi de finances rectificative pour 2012 (
L. no 2012-958, 16 août 2012, JO 17 août). Seule subsiste, dans les entreprises de moins de 20 salariés, la déduction forfaitaire des cotisations patronales, et ce dans les conditions antérieurement applicables (voir
supra).
Sous cette réserve, ils sont aujourd’hui soumis intégralement à charges sociales et impôt.
— Voir ci-dessus en ce qui concerne la date d’entrée en vigueur de cette mesure.
Comment indemniser les jours de repos rachetés ?
Les jours de repos des salariés en forfait en jours peuvent être rachetés, soit dans le cadre des dispositions de l’article L. 3121-45 du Code du travail, soit par le biais de leur transfert dans un compte épargne-temps.
Les rachats effectués en application de l’article L. 3121-45 sont indemnisés selon des modalités négociées entre le salarié et l’employeur, sans que le taux soit inférieur à 110 % du salaire journalier. Par analogie avec les règles adoptées pour les rachats temporaires de l’article 1er, 2o et 3o, b) de la loi du 8 février 2008, la rémunération journalière est appréciée à la date du paiement (Circ. DSS/5B/2008/34, 5 févr. 2008, partie 1, quest. 11).
Il n’est pas nécessaire, contrairement aux règles antérieurement applicables en matière d’exonération de charges sociales et d’impôt (voir infra), que le rachat se traduise par un franchissement du seuil de 218 jours travaillés par an.
Pour déterminer le montant du rachat, il convient tout d’abord de calculer la rémunération journalière du salarié. Pour ce faire, il faudrait, selon nous, procéder comme pour le calcul des retenues pour absences, en divisant sa rémunération annuelle par le nombre de jours auxquels elle se rapporte, c’est-à-dire en tenant compte des congés et des jours fériés chômés, payés. Ce qui, pour un forfait de 218 jours travaillés, correspond à 251 jours payés (voir supra).
EXEMPLE
Compte tenu d’une rémunération annuelle égale à 36 000 €, sur une période annuelle qui compte 8 jours fériés chômés et payés, le salaire journalier d’un salarié dont le forfait est fixé à 218 jours devrait être selon nous calculé comme suit : 36 000 € / (218 jours de travail + 25 jours de congés payés + 8 jours fériés) = 143,43 €.
A noter toutefois que, s’agissant de l’assiette maximale de calcul de la réduction de cotisation, la loi du 21 août 2007 faisait curieusement référence au «
rapport entre la rémunération annuelle et le nombre de jours de travail prévu dans le forfait majoré de 25 % » (
L. no 2007-1223, 21 août 2007, art. 1er, 2o). Ce qui revient à augmenter la rémunération de base des jours effectués au-delà du forfait d’un peu plus de 15 % s’agissant d’un forfait de 218 jours. Bien que cette disposition ne visait que l’assiette maximale des exonérations applicables, nous conseillons, compte tenu de son origine légale, d’en tenir compte pour le calcul du complément de salaire à verser en cas de dépassement, et ce quelle que soit son ampleur.
Une fois la rémunération journalière calculée, il convient de lui appliquer la majoration fixée par l’accord collectif ou décidée en commun par l’employeur et le salarié.
Le paiement des jours de repos rachetés intervient en général en fin d’année, voire avec la paie du premier mois suivant.
Lorsque le rachat s’effectue par le biais d’un compte épargne-temps, il doit être indemnisé selon les modalités fixées par l’accord collectif qui lui sert de support. Si cet accord ne prévoit pas de mécanisme de monétisation, la loi ne précise pas comment s’effectue l’indemnisation. Elle doit selon nous se faire sur la base des règles habituelles de valorisation des droits affectés dans le CET, lesquelles ont été nécessairement fixées dans l’accord. Selon l’administration, « les jours de repos affectés sur un CET qui font l’objet d’une monétisation seront rémunérés au salarié sur la base de la valeur de la journée de repos calculée au moment de cette liquidation partielle du CET, en tenant compte des modalités de gestion des droits prévues par l’accord collectif mettant en place le dispositif qui peut prévoir des modalités particulières de valorisation. En l’absence d’accord prévoyant les modalités de valorisation de la journée, la valeur de cette dernière est appréciée à la date du paiement » (Circ. précitée, partie 1, quest. 15). Aucune majoration particulière n’est due dans l’un ou l’autre cas.
Quel est le régime fiscal et social des rachats de jours de repos ?
Jusqu’au 1er août 2012, en matière fiscale, et jusqu’au 1er septembre 2012, en matière sociale, ou dans les deux cas, au plus tard le 31 décembre 2012 (voir supra), les rachats n’ouvraient droit aux exonérations fiscales et sociales de la loi Tepa que pour les jours de repos correspondant aux journées de travail effectuées au-delà de 218 jours (L. 8 févr. 2008, précitée, art. 1er, IV, al. 2 ; Circ. précitée, partie 1, quest. 27) et à condition qu’ils n’aient pas été transférés sur un CET.
— Sur les exonérations qui étaient applicables et sur leur montant, voir supra.
Depuis cette date, ils sont soumis intégralement à charges sociales et impôt.
Seule subsiste, dans les entreprises de moins de 20 salariés, la déduction forfaitaire des cotisations patronales, et ce dans les conditions antérieurement applicables (voir no 610-15).