Le temps passé en réunions de tout genre organisées par l’entreprise dans le cadre de l’activité professionnelle du salarié, ou dans son prolongement, doit être intégralement comptabilisé dans son temps de travail, peu important le lieu et le moment où elles se déroulent, dès lors que le salarié reste sous le contrôle et l’autorité de son employeur.
Comment traiter les réunions imposées par l’employeur dont l’objet ne se rapporte pas à l’activité professionnelle proprement dite du salarié ?
Dès lors que la présence du salarié est obligatoire, ce temps doit être comptabilisé dans son temps de travail car, en répondant à la convocation de son employeur, le salarié se met alors à sa disposition.
Peu importe l’objet de la réunion. Il peut aussi bien s’agir d’une réunion de travail, d’échange ou d’information.
Peu importe également le lieu et le moment où elle se déroule. Il n’est pas nécessaire qu’elle se tienne dans les locaux de l’entreprise, ni pendant les horaires habituels de travail. Qu’elle ait lieu pendant le week-end, tôt le matin ou tard le soir, en ville, à la campagne, à proximité de l’entreprise ou aux îles Galápagos, n’a aucune influence sur la qualification du temps qui y est consacré par le salarié. Ainsi, le temps passé par un salarié aux réceptions organisées par son employeur, auxquelles il est tenu d’assister et au cours desquelles des attributions précises lui sont données, constitue un temps de travail effectif, même si la réception prend la forme d’un cocktail dînatoire offrant aux salariés une liberté de mouvement (
Cass. soc., 5 mai 2010, no 08-44.895).
Peu importe enfin son degré de convivialité. La possibilité d’y assister en tenue décontractée ou le fait qu’elle soit accompagnée de rafraichissement, voire d’un plateau repas, ne modifie pas son traitement.
Comment traiter les réunions auxquelles le salarié n’est pas obligé d’assister ?
Le fait qu’un salarié soit libre de participer ou non à une réunion organisée par l’entreprise n’est pas, selon nous, suffisant pour exclure ce temps du décompte de sa durée du travail.
Tout dépend, semble t-il, du degré de liberté que le salarié conserve au cours de cette réunion.
S’il ne peut pas y arriver ou en partir quand il veut, sans s’exposer à un rappel à l’ordre ou à une sanction, ou s’il y fait une intervention à la demande de son employeur, ce temps doit selon nous être décompté du temps de travail, car le salarié est alors placé sous le contrôle et l’autorité de ce dernier.
Il devrait en être différemment pour les réunions consacrées exclusivement à la distraction et à la détente, au cours desquelles le salarié reste libre de ses faits et gestes, de ses allées et venues et du temps qu’il souhaite y consacrer. La solution adoptée par la Cour de cassation sur les pots organisés par la direction (voir infra) doit néanmoins inviter à la prudence.
Comment traiter le temps passé en entretien préalable à une sanction ou à un licenciement ?
Comment traiter le temps passé par le salarié directement concerné par la mesure ?
Le temps passé par le salarié en entretien préalable à une sanction disciplinaire ou à un licenciement envisagés à son encontre doit, à tout le moins, être rémunéré comme du temps de travail.
C’est du moins la position que semble adopter la Cour de cassation. Dans une affaire où l’entretien préalable avait été fixé en dehors du temps de travail, elle a considéré que la procédure était régulière dès lors que
« le temps passé à l’entretien préalable lui avait été payé comme temps de travail » (
Cass. soc., 7 avr. 2004, no 02-40.359).
Dans la mesure où, dans cette affaire, la question de la qualification du temps consacré à l’entretien n’avait pas été soulevée, un doute subsiste néanmoins sur ce point. L’entretien est en effet un moment où s’exprime de manière particulièrement intense le contrôle et l’autorité de l’employeur.
La présence du salarié est certes destinée à lui permettre de se défendre, mais l’entretien est aussi l’occasion pour l’employeur de se forger une opinion définitive sur le dossier. Difficile dans ses conditions de considérer que le salarié n’est pas, à cet instant, à la disposition de son employeur même si certains peuvent considérer que c’est l’inverse. Quoi qu’il en soit, c’est l’employeur qui convoque, c’est lui qui fixe le lieu, la date, l’heure et la durée de l’entrevue. Le salarié n’a en réalité, au cours de cet entretien, pas d’autres libertés que celle de la parole et ne dispose plus librement du temps qui s’écoule. Tous ces arguments militent donc, du moins par prudence, à le traiter comme du temps de travail.
La question se pose dans les mêmes termes que l’entretien se déroule pendant ou en dehors des horaires habituels de travail du salarié.
Comment traiter le temps passé par le salarié qui assiste la personne concernée ?
Le Code du travail n’envisage que le cas du conseiller extérieur. Il précise que le temps qu’il passe hors de l’entreprise pendant les heures de travail pour l’exercice de sa mission est rémunéré et n’entraîne aucune diminution des rémunérations et avantages y afférent, l’État remboursant à l’employeur les salaires maintenus (C. trav., art. L. 1232-9 et C. trav., art. L. 1232-11). Il résulte de ces dispositions que le temps passé par un conseiller, pendant son temps de travail, à assister un salarié pendant un entretien préalable n’a pas à être comptabilisé dans son temps de travail : il est seulement rémunéré. En revanche, lorsque l’entretien se situe en dehors du temps de travail du conseiller, il n’est ni comptabilisé comme temps de travail, ni rémunéré.
La loi n’aborde pas la question lorsque c’est un représentant du personnel qui assiste le salarié à l’entretien, et ce contrairement au temps consacré aux séances des institutions (voir no 230-50).
Ce temps s’impute, selon nous, sur son crédit d’heures, lorsqu’il s’agit d’un représentant titulaire, car l’intéressé est alors dans l’exercice de son mandat. Rappelons que ce temps est alors non seulement rémunéré, mais aussi comptabilisé comme du temps de travail (voir no 230-50).
Reste le cas où l’assistant est un représentant du personnel non titulaire, sans crédit d’heure, ou un membre lambda du personnel. Il est difficile de considérer que l’intéressé est, pendant l’entretien, à la disposition de son employeur. En effet, ce n’est pas lui qui lui a demandé d’être là : c’est le salarié. Par ailleurs, s’il ne s’occupe pas de ses affaires personnelles pendant l’entretien, cela résulte uniquement de son choix : il n’est pas en service commandé. Rien ne lui interdit par exemple, et de sa propre initiative, de s’éclipser quelques instants pour des raisons privées, sans avoir à en rendre compte à l’employeur. Pour toutes ces raisons, ce temps n’a donc pas, selon nous, à être comptabilisé dans le temps de travail de l’assistant.
Toutefois, dans la mesure où la présence de l’intéressé s’inscrit dans le cadre d’une procédure légale et concrétise l’application d’une garantie reconnue aux salariés, son effectivité suppose donc qu’il puisse s’exercer sans que l’assistant ne soit lésé, y compris en terme de rémunération.
C’est ce qu’à jugé la Cour de cassation :
« Mais attendu que le droit, reconnu au salarié par l’[ancien article L. 122-14 du Code du travail / devenu
C. trav., art. L. 1232-4]
, de se faire assister lors de l’entretien préalable au licenciement par un autre salarié de l’entreprise implique que ce dernier ne doit, du fait de l’assistance qu’il prête, subir aucune perte de rémunération ; » (
Cass. soc., 12 févr. 1991, no 87-45.259).
Elle rejoint ainsi la solution adoptée par le législateur pour le conseiller extérieur, imposant de maintenir le salaire de l’assistant lorsque l’entretien se déroule pendant son temps de travail.
Nous sommes plus réservés pour les entretiens hors temps de travail, lesquels pourraient selon nous ne pas être indemnisés.
Comment traiter le temps passé par le collaborateur qui assiste l’employeur ?
Lorsque l’employeur se fait assister par un collaborateur au cours de l’entretien, le temps que celui-ci y consacre doit être, selon nous, considéré comme du temps de travail, car ce dernier est alors en service commandé. Peu importe que l’entretien se déroule ou non pendant ses horaires de travail.
Comment traiter le temps passé en entretien organisé à la demande du salarié ?
Le fait que le salarié ait demandé l’organisation de l’entretien n’est selon nous pas déterminant pour l’exclure du décompte du temps de travail. Tout dépend de la nature de l’entrevue et des circonstances qui la motivent.
Si l’entretien porte sur son travail, qu’il s’agisse d’exposer ou de régler une difficulté rencontrée, de soumettre des propositions techniques, de demander des explications sur le déroulement d’un process, et dans la mesure où il en constitue le prolongement naturel, il doit selon nous être comptabilisé dans le temps de travail du salarié. Peu importe que cet entretien se situe ou non pendant son horaire.
En revanche, ne semble devoir être traité comme du temps de travail, du moins lorsqu’il se situe en dehors de l’horaire habituel du salarié, le temps passé à un entretien portant sur des questions d’ordre privé telles que l’annonce d’un mariage, d’une naissance ou de problèmes personnels, quand bien même sont abordées à cette occasion les répercussions sur le travail ou l’organisation. La question est plus délicate lorsqu’un tel entretien est organisé pendant les horaires de travail du salarié, dans la mesure où c’est l’employeur qui fixe la date et l’heure de l’entrevue, et reste libre d’accepter ou non de recevoir le salarié et de déterminer le temps à lui consacrer. Considérer que la durée de l’entretien peut être exclue, dans ce cas, du temps de travail du salarié pourrait conduire l’entreprise, à défaut de récupération, à opérer une retenue correspondante sur les appointements de l’intéressé à laquelle celui-ci aurait échappé, et pour cause, si l’entretien s’était déroulé en dehors de ses horaires habituels. Si l’on considère par ailleurs qu’une saine gestion des relations de travail nécessite de rester à l’écoute permanente de ses collaborateurs, cette solution est selon nous à proscrire.
Si l’entretien a un caractère mixte et porte notamment sur une demande de congé, d’augmentation ou de promotion, une réclamation ou un conflit de personne…, il est conseillé, par prudence, de comptabiliser ce temps comme du travail effectif en organisant si possible l’entretien pendant l’horaire habituel du salarié. Comme les précédents, il participe de la gestion quotidienne des ressources humaines.
Comment traiter le temps passé aux réunions organisées dans le cadre du droit d’expression ?
Les réunions organisées dans le cadre du droit d’expression (C. trav., art. L. 2281-4) n’échappent pas à leur comptabilisation en temps de travail car, même si le salarié peut s’y exprimer librement, il reste en effet sous l’autorité de l’employeur sans par ailleurs disposer de son temps.
Comment traiter le temps passé aux petites fêtes organisées par l’entreprise ou dans son enceinte ?
Il n’existe, à notre connaissance, qu’une seule décision de la Cour de cassation sur cette question. Celle-ci semble opter pour une comptabilisation du temps passé dans la durée de travail des participants, si c’est leur employeur qui les a invités :
« Après avoir constaté que c’était sur l’invitation de la direction de la société que les salariés de l’équipe du matin avaient participé à la réunion qui avait été organisée à l’occasion du départ à la retraite d’un de leurs collègues, le conseil de prud’hommes a également retenu que ces salariés avaient pointé à 13 heures 45, effectuant ainsi trois-quarts d’heure supplémentaires de présence ; qu’il a ainsi légalement justifié ses décisions » (Cass. soc., 13 juill. 1988, no 86-40.210).
Cette décision est assez surprenante, car ce n’est pas parce qu’un salarié répond à une invitation de son employeur qu’il se met nécessairement à sa disposition pour participer à des activités exercées pour le compte de l’entreprise et qu’il ne peut plus momentanément s’occuper de ses affaires privées. C’est seulement lorsqu’il est demandé à l’intéressé d’animer la fête ou qu’il lui est donné l’ordre d’y être présent qu’une telle solution devrait se justifier (Cass. soc., 5 mai 2010 précité ; voir supra). À défaut, ce temps ne devrait même pas être rémunéré.
Lorsqu’il s’agit d’une fête organisée à l’initiative de salariés ou d’élus, ce temps n’est bien entendu ni rémunéré, ni comptabilisé comme temps de travail, peu importe qu’elle se déroule dans l’enceinte de l’entreprise et ait été autorisée par l’employeur. De ce point de vue, elle doit être traitée comme les temps habituels de repas.
Comment traiter le temps de réunions des représentants du personnel ?
— Voir no 230-50.
Comment traiter le temps passé par les salariés invités à participer aux réunions institutionnelles des délégués du personnel ou du comité d’entreprise ?
Comment traiter le temps passé suite à une invitation de l’employeur ?
Les salariés invités par l’employeur à participer aux réunions institutionnelles des représentants du personnel doivent, selon nous, être considérés en temps de travail, car ils exercent alors une activité pour le compte et à la demande de l’entreprise. Il en va ainsi des collaborateurs qui assistent le président du comité d’entreprise. Peu importe que leur intervention se situe aux marges de leur activité habituelle ou que le temps de la réunion se situe ou non pendant leurs horaires de travail.
Comment traiter le temps passé suite à une invitation des élus ?
L’administration a pris position s’agissant d’un délégué syndical. Elle considère que le temps passé à la réunion doit, ou du moins peut, s’imputer sur son crédit d’heures (Rép. min. JOAN Q, 18 janv. 1988, p. 210).
On peut a contrario en déduire que, lorsqu’il s’agit de salariés qui ne sont pas détenteurs d’un mandat de représentant du personnel titulaire et qui ne disposent donc pas de crédit d’heures, l’employeur n’est pas tenu de comptabiliser, ni même de rémunérer, le temps passé aux séances auxquelles ils sont invités par les élus.
Bien que participant à l’activité de l’institution, et en quelque sorte à la vie de l’entreprise, leur présence ne résulte pas d’une demande de l’employeur. Le fait que celui-ci ne s’y soit pas opposé, pour autant qu’il en ait eu la possibilité, n’a aucune influence, car cela ne signifie pas qu’il se soit associé à la décision.
L’invitation d’un salarié, par des élus, à participer aux réunions légales de leur institution est une pratique qui concerne surtout le comité d’entreprise. Or, celui-ci peut tout à fait indemniser son invité en puisant pour ce faire sur son budget de fonctionnement.
Comment traiter le temps consacré à la négociation d’un accord d’entreprise par un salarié qui n’est ni délégué syndical, ni représentant du personnel ?
Le temps passé à la négociation collective de l’accord d’entreprise est rémunéré comme du temps de travail (C. trav., art. L. 2232-18).
Cette règle s’applique à l’ensemble des négociateurs, qu’ils soient ou non délégué syndical ou représentant du personnel.
Observations :
Cette assimilation à du temps de travail effectif ne concerne que la rémunération. Le temps passé aux négociations n’a donc pas à être comptabilisé dans la durée du travail pour l’appréciation des maxima, pour l’imputation sur le contingent ou les droits à repos compensateur obligatoire.
Selon nous, et par analogie à la solution adoptée par la Cour de cassation pour la rémunération du temps passé au réunion des commissions paritaires (
Cass. soc., 13 févr. 2013, no 11-23.880 ; voir
no 230-50), les heures consacrées par les salariés aux négociations d’un accord d’entreprise, en dehors de leurs horaires habituels, doivent également leur être rémunérées en tenant compte, s’il y a lieu, des majorations pour heures supplémentaires. Cette indemnisation s’ajoute au crédit global d’heures dont disposent, dans les entreprises de 500 salariés et plus, les sections syndicales pour la préparation de la négociation.
— En ce qui concerne les délégués syndicaux et les représentants du personnel, voir no 230-50.
Comment traiter le temps consacré aux réunions des commissions paritaires de branche par un salarié qui n’est ni délégué syndical, ni représentant du personnel ?
Il s’agit probablement d’une hypothèse d’école car, en pratique, ce sont des délégués syndicaux qui participent à ces réunions.
Cette question est traitée selon les mêmes modalités que pour les salariés titulaires d’un mandat électif ou syndical, au sein de l’entreprise (sur cette question, voir no 230-50).
À défaut de dispositions conventionnelles sur ce point, cette absence n’ouvre droit à aucune indemnisation à la charge de l’entreprise.