Les délégués du personnel ont pour mission de présenter à l’employeur toutes les réclamations individuelles ou collectives relatives aux salaires, à l’application du Code du travail et des autres dispositions légales concernant la protection sociale, la santé et la sécurité, ainsi que des conventions et accords collectifs applicables dans l’entreprise. Autrement dit, les délégués du personnel sont les porte-parole des salariés au sein de l’entreprise.
Textes :
C. trav., art. L. 2313-1 et s.
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Que faut-il entendre par réclamation ?
La nature des réclamations étant très large, les réclamations présentées par les délégués du personnel peuvent porter sur tous les problèmes relatifs aux conditions de travail.
La frontière est parfois délicate entre ce qui relève de la réclamation (mission des délégués du personnel) et ce qui relève de la revendication (rôle des délégués syndicaux), notamment en matière de salaire.
Par réclamation, on entend l’application des dispositions du Code du travail ou des autres dispositions légales ou conventionnelles existantes, les délégués syndicaux ayant pour leur part vocation à demander des avantages nouveaux ou supérieurs à ceux existants (voir no 185-5).
Exemples :
si les délégués du personnel présentent des réclamations portant sur l’augmentation des salaires, l’employeur est en droit de répondre, sans commettre de délit d’entrave, qu’il s’agit de revendications qui relèvent de la négociation collective et qu’ainsi elles excèdent les missions des délégués du personnel (
Cass. crim., 26 janv. 1993, no 89-85.389).
De même, la réclamation portant sur la révision des coefficients hiérarchiques tend non pas à une adaptation de la classification conventionnelle mais à leur réaménagement. Elle relève donc des délégués syndicaux et non des délégués du personnel (
Cass. soc., 13 mai 1980, no 78-15.782).
Les réclamations peuvent intervenir dans les domaines de la santé et de la sécurité. En effet, les délégués du personnel disposent d’une mission générale qui s’exerce indépendamment de l’existence d’un CHSCT au sein de l’établissement, la santé et la sécurité ayant nécessairement un rapport avec les conditions de travail de chaque salarié (
Cass. crim., 9 avr. 1975, no 74-91.981).
Les délégués du personnel peuvent présenter des réclamations qui ont déjà été portées à la connaissance de l’employeur par d’autres voies et qui n’ont pas reçu une issue favorable, ou bien des réclamations inédites. En effet, les délégués du personnel ne disposent pas du monopole de présentation des réclamations, les salariés eux-mêmes conservant le droit de s’adresser directement à l’employeur (
C. trav., art. L. 2313-10). Ainsi, des réclamations collectives peuvent être présentées dans le cadre d’une réunion de l’ensemble d’un atelier, sans que les délégués du personnel puissent exiger d’être présents (
Cass. soc., 1er juill. 1985, no 82-43.308).
Remarque :
l’objet des réclamations n’est pas limité aux seuls avantages acquis, il peut s’agir aussi d’obtenir l’application stricte d’un droit ou d’une disposition existante ou d’une simple tolérance déjà admise (
Cass. crim., 26 janv. 1993, no 89-85.389).
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A qui les réclamations peuvent-elles être adressées ?
Les délégués du personnel doivent présenter leurs réclamations à l’employeur. Ils doivent donc s’adresser au chef d’entreprise. Même s’ils estiment que les conditions de travail des salariés qu’ils représentent dépendent essentiellement d’autres entreprises (entreprise donneuse d’ordre en cas de sous-traitance ou entreprise dans laquelle est réalisé un chantier), ils ne peuvent s’adresser à elles. Ainsi, le Conseil d’Etat a jugé qu’un délégué du personnel qui avait adressé un courrier de réclamation à un client de son employeur, avait commis une faute d’une gravité suffisante justifiant son licenciement. En l’espèce, le salarié avait, avec des termes excessifs, reproché au client d’être responsable des mauvaises conditions de travail dans son entreprise, ce qui était de nature à influer défavorablement sur les relations de travail entre ce client et l’entreprise (
CE, 9 juill. 2007, no 288295).
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Les salariés doivent-ils s’adresser à un délégué du personnel de leur catégorie ?
Si un délégué du personnel appartenant au même collège est a priori plus à même de transmettre une réclamation, un salarié peut s’adresser à tout délégué du personnel de son choix pour présenter une réclamation, chacun d’eux ayant vocation à représenter tout le personnel indépendamment des catégories professionnelles. A cet égard, le délégué du personnel n’est pas tenu d’indiquer à l’employeur le nom du salarié dont il présente la réclamation.
Remarque :
les délégués du personnel pourront présenter les réclamations de salariés embauchés après les élections ainsi que celles de salariés n’ayant pas participé au vote.
Les salariés peuvent présenter eux-mêmes leurs observations à l’employeur ou à son représentant, sans passer par l’intermédiaire des délégués du personnel (
C. trav., art. L. 2313-10). Toutefois, l’employeur ne peut en aucun cas, sous peine de délit d’entrave, faire prendre au personnel l’engagement de n’utiliser que la procédure de présentation directe des réclamations (
Cass. crim., 3 juill. 1968, no 67-93.637) ou instituer une procédure parallèle de règlement des difficultés des salariés (
Cass. crim., 20 mars 1984, no 83-93.403).
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Qui peut réclamer auprès des délégués du personnel ?
La mission des délégués du personnel s’exerçant au sein de l’établissement dans lequel ils ont été élus, ils pourront présenter les réclamations des salariés travaillant dans cet établissement. Le fait que certains salariés exercent leur contrat de travail à l’étranger n’empêche pas les délégués du personnel de présenter leurs réclamations (Rép. min. no 11.046, JO Sénat Q, 2 févr. 1984).
En outre, les intérimaires intervenant dans l’établissement pourront également faire appel aux délégués du personnel (
C. trav., art. L. 2313-4). Ils pourront ainsi faire présenter par les délégués du personnel de l’entreprise utilisatrice leurs réclamations individuelles ou collectives, lorsque celles-ci ont trait :
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à leur niveau de rémunération (qui doit être équivalente à celle d’un salarié permanent après période d’essai occupant le même poste ; C. trav., art. L. 1251-18) ;
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aux conditions d’exécution de leur travail (durée du travail, travail de nuit, travail des jours fériés ; C. trav., art. L. 1251-21 à C. trav., art. L. 1251-23) ;
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à leur accès au moyen de transports collectifs et aux installations collectives de l’entreprise utilisatrice (C. trav., art. L. 1251-24).
Remarque :
les délégués du personnel peuvent prendre connaissance des contrats passés entre l’employeur et les entreprises de travail temporaire (C. trav., art. L. 2313-5).
S’agissant des salariés d’entreprises extérieures autres que les intérimaires (en pratique les salariés d’entreprises sous-traitantes ou de sociétés de service comme le nettoyage ou le gardiennage), ils pourront demander l’intervention des délégués du personnel de l’établissement (C. trav., art. L. 2313-3). Cette possibilité est limitée aux réclamations concernant les conditions d’exécution du travail (notamment santé et sécurité) relevant du chef d’établissement de l’entreprise utilisatrice. En revanche, il n’appartient pas aux délégués du personnel de poser une question sur un litige individuel ou collectif entre un salarié extérieur et son entreprise d’origine.
Remarque :
les délégués du personnel peuvent alerter le chef d’établissement du « danger grave » dont serait victime un salarié du sous-traitant. Le chef d’établissement est alors tenu de transmettre cette alerte au chef de l’entreprise sous-traitante (C. trav., art. R. 4511-8 ; voir no 175-45).
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Existe-t-il un formalisme particulier pour la présentation des réclamations ?
Lorsqu’il s’agit de réclamations collectives, les délégués du personnel ont toute compétence pour prendre l’initiative de les présenter.
En revanche, une réclamation individuelle ne peut être présentée qu’avec l’accord exprès du salarié concerné. Aucun formalisme n’existe, le Code du travail ne prévoyant pas de procédure particulière de transmission. Une conversation avec un délégué du personnel ou une lettre exposant l’objet de la réclamation suffisent.
Les délégués du personnel peuvent ainsi, pour faciliter la transmission des réclamations, tenir une permanence dans leur local, mettre à disposition des salariés un cahier dans ce même local, installer une boîte aux lettres (avec l’accord de l’employeur) dans un endroit accessible à tous les salariés.
Remarque :
au travers de leur liberté de déplacement, les délégués du personnel peuvent prendre contact directement avec les salariés sur leur poste de travail (voir no 215-25).
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L’employeur doit-il consigner par écrit les réclamations et leurs réponses ?
Les demandes des délégués et les réponses motivées de l’employeur sont soit transcrites sur un registre spécial, soit annexées à ce registre.
Ce registre, ainsi que les documents qui y sont annexés, doivent être tenus, pendant un jour ouvrable par quinzaine et en dehors de leur temps de travail, à la disposition des salariés de l’établissement qui désirent en prendre connaissance. Ils sont également tenus à la disposition de l’inspecteur du travail et des délégués du personnel (C. trav., art. L. 2315-12 ; voir no 175-40).
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L’introduction d’un dispositif « d’alerte professionnelle » peut-elle constituer une atteinte aux prérogatives des délégués du personnel ?
Certaines entreprises mettent un tel dispositif à la disposition de leurs salariés pour les inciter à signaler des comportements fautifs d’autres salariés. Il peut s’agir, par exemple, d’une adresse électronique dédiée. La Cnil a défini, dans un document d’orientation du 10 novembre 2005 et dans une délibération du 8 décembre 2005 (
Délib. Cnil no 2005-305, 8 déc. 2005, JO 4 janv. 2006), des lignes directrices afin que ces dispositifs soient compatibles avec la loi informatique et libertés du 6 janvier 1978 (le Code du travail étant silencieux sur cette question).
Ils n’ont pas vocation à se substituer aux autres canaux d’alerte traditionnels : hiérarchie, représentants du personnel, commissaire aux comptes, etc. Le Tribunal de grande instance de Nanterre, amené à statuer sur la licéité d’un dispositif d’alerte professionnelle, s’est d’ailleurs prononcé sur son articulation avec la mission légalement définie des délégués du personnel : « aucune atteinte aux prérogatives des délégués du personnel ne saurait résulter de l’instauration au sein de l’entreprise d’un dispositif d’alerte émanant des salariés » (TGI Nanterre, 19 oct. 2007, no 06/06460, Fédération des travailleurs de la métallurgie CGT c/ Sté Dassault systèmes). Pour les juges en effet, si les délégués du personnel ont notamment pour mission de présenter à l’employeur toutes les réclamations individuelles ou collectives relatives aux salaires, à l’application du Code du travail et des autres lois et règlements concernant la protection sociale, la santé et la sécurité, ainsi que des conventions et accords collectifs de travail applicables dans l’entreprise, cette mission d’intercession n’est pas exclusive de la faculté pour les salariés de présenter eux-mêmes de telles réclamations.
Sachez-le :
il appartient à l’employeur, lorsqu’il se trouve face à des demandes de délégués du personnel qui ne sont pas des réclamations (exemples : prise de position, commentaires négatifs, etc.), de répondre que cela ne relève pas de leurs attributions.