Le chef d’entreprise doit être informé de la désignation du délégué syndical. Les formes prescrites par le Code du travail, à savoir lettre recommandée avec avis de réception ou remise en main propre contre récépissé, ne constituent que des moyens de preuve. Autrement dit, une information par tout autre moyen est valable, dès lors qu’elle n’est pas contestée, et fait courir le délai de contestation de 15 jours.
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Quelles informations l’employeur doit-il recevoir ?
Les noms, prénoms du ou des salariés désignés comme délégués syndicaux doivent être portés à la connaissance du chef d’entreprise soit par lettre recommandée avec avis de réception, soit par lettre remise en main propre contre récépissé (C. trav., art. L. 2143-7 ; C. trav., art. D. 2143-4). La date portée sur l’avis de réception est importante puisqu’elle constitue le point de départ du délai de 15 jours dont dispose l’employeur pour contester la désignation (voir no 120-50).
La lettre doit indiquer, à peine de nullité de la désignation, le cadre dans lequel cette désignation intervient : unité économique et sociale (en précisant les sociétés qui en font partie), entreprise ou établissement (
Cass. soc., 24 oct. 2007, no 06-60.278). De même, la lettre doit préciser à quelles fonctions le salarié est désigné : délégué syndical, délégué syndical central ou représentant syndical au comité d’entreprise.
Exemple :
la désignation qui ne mentionne ni l’établissement, ni le cadre de la désignation, ni les fonctions exactes du délégué (en l’occurrence le salarié était désigné en tant que représentant syndical au comité d’entreprise), est imprécise et l’employeur peut en obtenir l’annulation (Cass. soc., 29 mars 2005, no 06-60.166).
La lettre de désignation fixe les limites du litige, de sorte qu’en cas de contentieux, le juge ne peut apprécier la validité de la désignation en dehors du cadre défini par cette lettre (
Cass. soc., 9 juill. 2009, no 09-60.048). Si la lettre précise que le délégué syndical est désigné dans le cadre de tel établissement, le juge devra apprécier la validité de cette désignation dans cet établissement. Si cet établissement n’existe plus, la désignation sera donc nécessairement annulée.
En revanche, les juges font preuve de plus de souplesse lorsqu’il s’agit d’une désignation à la fonction de délégué syndical supplémentaire : à partir du moment où les conditions requises par l’
article L. 2143-4 du Code du travail pour ouvrir droit à un délégué supplémentaire d’encadrement sont remplies
(voir no 140-10), les juges ne prononceront pas l’annulation de la désignation si celle-ci ne spécifie pas qu’il s’agit d’un délégué « supplémentaire » : dans l’affaire en question, un syndicat avait désigné deux salariés, l’un en tant que délégué syndical d’établissement, l’autre en tant que délégué supplémentaire, mais la lettre de désignation n’indiquait pas la fonction exacte de chacun et ne mentionnait que la fonction de délégué syndical au sein de l’établissement. L’employeur a tenté d’obtenir l’annulation de la désignation du délégué supplémentaire mais sa demande a été rejetée car les juges ne l’ont pas estimée imprécise (
Cass. soc., 3 oct. 2007, no 06-60.226).
Remarque :
la même procédure d’information doit être suivie pour la désignation du délégué syndical central (voir no 140-5), du délégué syndical supplémentaire (voir no 140-10), du représentant syndical au comité d’entreprise (voir no 130-15) et du représentant de la section syndicale (voir no 140-30).
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Le non-respect de ce formalisme a-t-il des incidences ?
Ce qui importe c’est qu’en tant que chef d’entreprise, l’employeur soit informé de la désignation. Les modalités prescrites par la loi (lettre recommandée avec avis de réception ou contre récépissé) ont seulement pour objet de faciliter la preuve que l’employeur a bien eu connaissance de la désignation. Elles ne constituent pas une condition de validité de cette désignation (
Cass. soc., 18 juill. 2000, no 99-60.255 ;
Cass. soc., 12 juin 2013, no 12-19.575).
En d’autres termes, le délai de 15 jours dont dispose l’employeur pour contester la désignation court à compter de son information, quelles qu’en aient été les modalités :
De même, la désignation notifiée à un directeur, qui n’est pas le représentant légal de l’association, est valable dès lors que ce directeur en a informé le président de l’association (
Cass. soc, 9 juill. 1996, no 95-60.777), le délai de contestation courant à compter de cette information. Attention toutefois, car l’envoi d’une télécopie ne permet pas de prouver que la désignation a bien été portée à la connaissance du chef d’entreprise (
Cass. soc., 25 janv. 1995, no 94-60.049).
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Ces formalités doivent-elles être respectées en cas de changement de délégué syndical ou de révocation de ses fonctions ?
Oui. Le syndicat doit informer l’employeur de sa décision de révoquer le mandat d’un délégué syndical ou de remplacer un délégué syndical. A défaut, l’employeur ne peut considérer que le mandat d’un délégué syndical a pris fin. Toutefois, la notification de la cessation des fonctions de délégué syndical est inutile lorsque la vacance du poste est due à son départ de l’entreprise (
Cass. soc., 30 juin 1971, no 71-60.201). Ne faisant plus partie de l’entreprise, le salarié ne peut plus exercer le mandat de délégué syndical.
Dès que l’employeur a reçu notification de la révocation d’un délégué syndical, il peut en tirer les conséquences sans avoir à s’interroger sur le fait de savoir si le salarié a lui-même été informé de cette révocation. Par conséquent, on ne pourra pas reprocher à l’employeur d’avoir mis fin aux moyens attribués à ce délégué syndical (heures de délégation, autorisation de circulation dans l’entreprise, etc.) après avoir reçu notification de sa révocation, alors que le salarié lui-même n’en avait pas été averti par son syndicat (
Cass. soc., 7 nov. 2007, no 06-13.702).
Par ailleurs, la jurisprudence admet que le seul fait, pour une même organisation syndicale, de désigner un nouveau délégué syndical vaut révocation du précédent – si elle a déjà atteint le nombre légal de délégués qu’elle peut désigner compte tenu de l’effectif de l’entreprise (
Cass. soc., 13 oct. 2004, no 03-60.235). Toutefois, cette règle ne s’applique pas lorsque le syndicat prétend désigner un délégué syndical d’établissement, alors que le premier délégué était désigné au niveau de l’entreprise et que celle-ci occupe moins de 2 000 salariés. Dans ce cas, pour pouvoir désigner un délégué d’établissement, le syndicat devra d’abord avoir transformé le mandat du délégué syndical d’entreprise en mandat de délégué d’établissement – par hypothèse, d’un autre établissement – puisque le délégué syndical central ne peut, dans ces entreprises, être choisi en dehors des délégués d’établissement (
C. trav., art. L. 2143-5 ;
Cass. soc., 16 avr. 2008, no 07-60.414 ; voir
no 140-5).
Lorsqu’un syndicat désigne un nouveau délégué syndical en remplacement d’un précédent, cette désignation est réputée faite dans le même périmètre, sauf précision contraire contenue dans la lettre de notification. Par conséquent, si le syndicat se borne à indiquer sur la lettre qui adressée à l’employeur que la désignation du second délégué syndical intervient en remplacement du premier, cette désignation est suffisamment précise, dès lors que le périmètre de la désignation du premier délégué n’est pas contesté (
Cass. soc., 19 nov. 2008, no 08-60.392).
Sachez-le :
le Code du travail prévoit expressément que la désignation du représentant de la section syndicale (RSS) suit les mêmes modalités de publicité (information de l’employeur, affichage, transmission à l’inspecteur du travail) et de contestation (saisine du juge judiciaire dans les 15 jours) que celles prévues pour les délégués syndicaux (C. trav., art. L. 2142-1-2 renvoyant à C. trav., art. L. 2143-7). Sur les conditions de désignation du RSS, voir no 140-30.