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Comment le forfait annuel en jours fonctionne-t-il ?

Partie 3 – 
Optimiser, organiser et gérer
Thème 360 –
Forfaits
360-55 –
Comment le forfait annuel en jours fonctionne-t-il ?
Combien de jours peut prévoir le forfait ?
L’article L. 3121-39 du Code du travail renvoie aux accords collectifs (voir no 360-50) le soin de fixer le nombre de jours travaillés compris dans le forfait.
Les dispositions de la convention collective de branche n’ayant qu’un caractère subsidiaire, il est possible de fixer par accord d’entreprise un nombre de jours supérieur à celui fixé par la convention collective de branche, même si ces dispositions l’interdisent expressément. C’est du moins ce qui semble résulter du considérant no 20 de la décision du Conseil constitutionnel du 7 août 2008 (Cons. const., 7 août 2008, no 2008-568 DC).
Le nombre de jours fixé par l’accord collectif constitue, selon nous, un plafond et non pas un volume imposé de jours de travail.
Cette durée ne doit pas dépasser 218 jours travaillés par an (C. trav., art. L. 3121-44), journée de solidarité comprise (voir no 450).
Observations :
Les durées fixées par les accords conclus avant l’entrée en vigueur de la loi no 2004-626 du 30 juin 2004 relative à la journée de solidarité ont été automatiquement majorés de un jour par cette loi.
Rien n’interdit d’appliquer un nombre inférieur à celui prévu par l’accord collectif (voir infra).
— Sur les possibilités de dépassement individuel et ponctuel du forfait, voir infra.
Observations :
La durée annuelle fixée par l’accord et la limite légale de 218 jours ne concernent, selon nous, que les salariés bénéficiant d’un droit intégral à congés payés au cours de l’année considérée. La durée annuelle peut donc être ajustée à la hausse pour les salariés pour lesquels ce n’est pas le cas (voir infra).
Enfin, il convient de prendre en compte les jours de congé d’ancienneté conventionnels. Ceux-ci doivent être pris en compte pour la détermination du nombre de jours travaillés sur la base duquel est fixé le plafond propre à chaque convention de forfait (Cass. soc., 3 nov. 2011, no 10-18.762).
Sur quelle période de référence s’applique-t-il ?
Comme pour le forfait annuel en heures (voir no 360-30), la période annuelle est librement fixée par l’accord.
Il peut s’agir d’une période quelconque de 12 mois consécutifs (année civile, exercice comptable…).
Il ne semble pas possible de fixer des périodes de référence différentes d’un salarié à l’autre.
Faut-il réduire la durée du travail ?
L’adoption du forfait annuel en jours n’est plus subordonnée à une réduction obligatoire de la durée du travail pratiquée par les salariés intéressés, comme l’imposait l’ancien article L. 212-15-3 du Code du travail (voir no 360-50).
Peut-on signer des forfaits inférieurs à la durée fixée par l’accord collectif ?
Selon l’article L. 3121-44 du Code du travail, la convention ou l’accord collectif autorisant les forfaits en jours doit fixer le nombre de jours travaillés. Malgré la rédaction ambiguë de ce texte, il s’agit d’un plafond et non pas d’une durée impérative.
Il est donc, selon nous, possible de prévoir un nombre de jours de travail inférieur, car il s’agit d’une mesure plus favorable.
La convention individuelle de forfait peut-elle fixer une fourchette annuelle de jours travaillés ?
La convention individuelle de forfait en jours ne peut pas fixer une fourchette annuelle de nombre de jours travaillés. Ce chiffre doit être précisément déterminé et rester intangible.
À défaut, la convention individuelle de forfait en jours est illicite et s’expose à une annulation judiciaire (Cass. soc., 12 mars 2014, no 12-29.141).
Dans cette affaire, le nombre de jours était compris dans une fourchette de 215 à 218 jours pour tenir compte des variables du calendrier (année bissextile ou non, nombre variable annuel de dimanches et de jours fériés tombant un jour ouvré). Malgré le caractère infime de la marge d’incertitude, et contrairement à la cour d’appel, la Cour de cassation a jugé que cette clause n’était pas conforme à l’article L. 3121-45 du Code du travail alors en vigueur.
Observations :
Elle ne le serait pas plus, selon nous, sous l’empire des dispositions légales actuelles.
Peut-on imposer une présence pendant certaines plages horaires ?
L’autonomie est tout d’abord une condition de validité de la convention de forfait en jours. Son défaut suffit à condamner la convention de forfait et à permettre au salarié de revenir à un décompte horaire de son temps de travail.
Il en a ainsi été jugé pour des salariés responsables de magasin qui étaient soumis à un horaire de base correspondant aux heures d’ouverture du magasin, les heures accomplies pour les besoins de la gestion du magasin en dehors des heures d’ouverture faisant l’objet d’une récupération. De par les contraintes qui leur étaient imposées, la Cour a considéré qu’ils ne disposaient d’aucune autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps autorisant le recours à un forfait annuel en heures en l’espèce (Cass. soc., 23 juin 2004, no 02-14.861 ; dans le même sens, à propos d’un chef de rayon contraint à une présence obligatoire pendant les horaires d’ouverture du magasin et dont les jours de permanence étaient fixés par la direction, voir CA Paris, 4 juin 2009, no S07/01644).
Saisie à propos d’une demande d’indemnités sur le fondement de l’ancien article L. 212-15-4, alinéa 2, du Code du travail – absence effective de réduction du temps de travail ou octroi d’une rémunération manifestement sans rapport avec les sujétions imposées – la Cour de cassation a considéré qu’il appartenait aux juges saisis de se prononcer, tout d’abord, sur la validité de la convention de forfait en jours, en précisant que le cadre doit bénéficier d’une grande liberté dans l’organisation de son temps de travail à l’intérieur du forfait en jours. Ne peut prétendre à un tel forfait le moniteur de golf responsable d’enseignement dont le planning des interventions auprès des clients est fixé par la direction et qui ne dispose pas du libre choix de ses repos hebdomadaires (Cass. soc., 31 oct. 2007, no 06-43.876).
L’employeur ne peut pas sanctionner l’intéressé parce qu’il est arrivé ou parti en dehors des plages horaires fixées pour le reste du personnel.
Mais il peut :

  • se plaindre de l’absence à une réunion, alors que le salarié ne pouvait ignorer que sa présence était nécessaire à l’accomplissement de sa mission ;

  • le sanctionner si, par sa mauvaise organisation ou pour ne pas avoir « tiré à temps la sonnette d’alarme », il n’a pas réalisé sa mission.

C’est désormais la mission et la conscience professionnelle mise à l’accomplir qui doit guider la direction dans son appréciation de la prestation du salarié et non pas l’observation de consignes précises relatives à la présence sur le lieu de travail.
Comment se décompte chaque jour travaillé ?
L’article D. 3171-10 du Code du travail précise que le décompte doit être effectué, chaque année, en récapitulant le nombre de journées ou demi-journées travaillées par chaque salarié concerné. Dans le silence de la loi, le collaborateur concerné est réputé avoir accompli une journée de travail (ou demi-journée) quel que soit le temps qu’il a réellement consacré à son activité professionnelle. En caricaturant, on pourrait considérer que quelques minutes suffisent.
S’il semble difficile d’exclure du décompte de la durée du travail, même par voie conventionnelle, un temps inférieur à un certain seuil, il ne semble pas interdit aux partenaires sociaux d’imposer aux salariés relevant d’un forfait en jours un nombre d’heures journalières minimales. Le non-respect de cette disposition, sans pour autant neutraliser la journée concernée du décompte des jours travaillés dans l’année, exposerait néanmoins le salarié fautif à des sanctions disciplinaires. Néanmoins, cette restriction à l’autonomie présente le grave inconvénient de rétablir la nécessité d’un contrôle des heures… Par ailleurs, il y a fort à parier que, dans ce cas, les partenaires sociaux exigeront, en contrepartie, un nombre maximal d’heures de telle sorte qu’assorti d’un plancher et d’un plafond, le calcul en jours perd beaucoup de son intérêt…
L’entreprise doit résoudre l’équation suivante : d’un côté, le calcul en jours ne se justifie que parce que le collaborateur jouit d’une réelle autonomie dans l’organisation de son temps de travail ; de l’autre, il n’en reste pas moins un salarié donc, par nature, une personne soumise à un lien de subordination juridique.
Il faut donc beaucoup de doigté pour trouver la juste mesure de ce que peut revendiquer l’entreprise.
Reste ensuite à définir le cadre d’appréciation de la journée de travail. A défaut de précision légale, il semble qu’il s’agisse de la journée civile qui débute à 0 heure et se termine à 24 heures.
Rien n’interdit par ailleurs aux partenaires sociaux de substituer à la journée civile un cadre d’appréciation par période de 24 heures. Ce qui éviterait d’avoir à décompter, comme équivalent à deux jours de travail, toute période de travail à cheval sur deux journées civiles.
Certains accords collectifs ont prévu une durée maximale de la journée de travail. Ce régime mixte impose un décompte précis de la durée du travail. Pour éviter toute confusion, il appartient aux partenaires sociaux de préciser dans l’accord collectif que le décompte en heures est uniquement destiné à garantir une limitation de la durée du travail. Il est préférable de préciser le régime applicable à ces heures : régime légal (majoration des dépassements, repos compensateurs, etc.) ou autre (prévu dans ce cas par l’accord lui-même). Si cette pratique peut paraître heurter le principe même d’un décompte en jours, elle permet de répondre à la critique du Comité européen des droits sociaux (voir en dernier lieu : CEDS, 23 juin 2010) selon lequel notre législation, qui n’impose qu’un repos quotidien de 11 heures et un repos hebdomadaire de 35 heures, permet de travailler 78 heures par semaine, durée qui ne peut être qualifiée de raisonnable au sens de l’article 2, § 1 de la Charte sociale européenne de 1961 révisée en 1996 (voir no 360-50). Si la Cour de cassation a considéré que les accords collectif devaient comporter des stipulations qui assurent la garantie du respect des durées maximales de travail, elle ne considère pas, tout du moins n’en a pas fait une condition de validité des forfaits en jours, que les durées maximales de 10 heures quotidiennes et 48 heures s’appliquent (Cass. soc., 29 juin 2011, no 09-71.107). Pour garantir une limitation de la durée du travail et sans entrer dans un décompte horaire du temps de travail, l’accord peut selon nous prévoir, outre le respect des dispositions sur le repos hebdomadaire légal, une limitation du nombre de jours travaillés par mois.
En ce qui concerne le décompte des jours de travail, la meilleure solution semble consister à laisser à chaque salarié concerné toute latitude pour déclarer le nombre de jours effectivement travaillés selon une périodicité fixée par l’accord (par exemple : bordereaux hebdomadaires ou mensuels). Il est judicieux de leur laisser le choix de l’équation qui leur semble la plus raisonnable entre les temps de travail et les temps de repos pour déterminer un résultat exprimé en jours (exemple : une visite le lundi après-midi chez le concessionnaire automobile est compensée par trois heures passées le samedi à relire un dossier à la maison, le lundi compte pour une journée de travail).
L’accord peut prévoir que si des litiges devaient survenir ils seront portés devant les représentants du personnel et/ou la commission de suivi.
— Sur la preuve des jours de travail effectués, voir no 150-35.
Comment assurer le suivi de l’amplitude de la journée de travail et des repos ?
Afin d’éviter que l’unité de mesure en jours ne se traduise par des journées et des semaines de travail interminables, les salariés en forfait en jours sont soumis à la réglementation relative au repos quotidien légal (11 heures consécutives, sauf dérogations) et hebdomadaire (35 heures consécutives). Il en résulte que, sauf dérogation, leur journée de travail ne peut excéder 13 heures (24 heures – 11 heures de repos). L’amplitude comme le repos sont décomptés en heures.
Cependant, le Code du travail n’impose plus, comme c’était le cas auparavant (ancien art. L. 3121-45) que l’accord collectif autorisant le recours au forfait annuel en jours fixe les modalités de suivi de l’amplitude des journées d’activité. Mais, il n’en reste pas moins que c’est, en dernier lieu, l’employeur qui est responsable en cas d’infraction à ces règles et que le suivi de l’amplitude des journées d’activités participe à la protection de la santé et de la sécurité du salarié. Le rôle de la hiérarchie dans ce suivi comme celui de la charge de travail est primordial.
La solution la plus fréquemment appliquée consiste à insérer dans les contrats de travail une disposition par laquelle le salarié s’engage à s’organiser de telle sorte que ces repos soient respectés. L’idéal serait bien entendu que tout manquement constaté donne lieu à un rappel à l’ordre des contrevenants. Une autre solution consiste à fermer l’entreprise. C’est ce que prévoyait l’accord conclu chez Usine Nouvelle :
« Parallèlement, il est rappelé que les risques de dépassement de la durée maximale journalière légale du travail effectif (10 heures) seront limités par des horaires d’ouverture et de fermeture limitant l’amplitude journalière à 11 heures 30 maximum, sachant qu’1 heure 30 est la période généralement ouverte à la prise du déjeuner » (Acc. Usine Nouvelle, 16 févr. 2000).
Si l’entretien annuel prévu par l’article L. 3121-46 du Code du travail participe au dispositif permettant de garantir une durée du travail raisonnable, la Cour de cassation a considéré que des dispositions conventionnelles qui se limitent à prévoir, s’agissant de l’amplitude et de la charge de travail, un entretien annuel entre le salarié et son supérieur hiérarchique, et un examen trimestriel par la direction des informations communiquées sur ces points par la hiérarchie, ne sont pas de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables et à assurer « une bonne répartition, dans le temps, du travail de l’intéressé, et donc à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié » (Cass. soc., 26 sept. 2012, no 11-14.540).
La Cour de cassation a considéré que ces dispositions conventionnelles étaient illicites et que les forfaits en jours qui en résultaient étaient privés d’effet.
La même solution a été appliquée à un forfait en jours mis en œuvre dans le cadre d’un accord d’entreprise conclu en application de la convention collective des bureaux d’études techniques (Cass. soc., 24 avr. 2013, no 11-28.398). Celle-ci n’imposait qu’un « suivi spécifique au moins deux fois par an ».
Observations :
Ces décisions s’inscrivent dans le prolongement des arrêts du 29 juin 2011 et du 31 janvier 2012 (Cass. soc., 29 juin 2011, no 09-71.107 ; Cass. soc., 31 janv. 2012, no 10-19.807).
Alors qu’elle avait, dans le second arrêt, sanctionné le recours à de simples formules générales, la Cour de cassation se prononce, cette fois-ci, sur la pertinence des dispositifs de contrôle mis en place.
Ces décisions précisent, sur ce point, sa jurisprudence du 29 juin 2011 (arrêt précité).
Celle-ci avait validé les dispositions de l’accord du 28 juillet 1998 portant sur l’organisation du travail dans la métallurgie, lesquelles prévoyaient, d’une part, un entretien annuel et, d’autre part, que le supérieur hiérarchique devait assurer un suivi régulier de l’organisation du travail du salarié et de sa charge de travail. Ce qui semble, a posteriori, avoir été déterminant.
Au vu des décisions du 26 septembre 2012 et du 24 avril 2013 (arrêts précités), ce suivi régulier n’est pas assuré par un examen trimestriel, par la direction, d’informations transmises par le management, et encore moins par un suivi effectué seulement 2 fois par an. Un contrôle effectif et plus fréquent, mensuel voire hebdomadaire, semble donc s’imposer afin d’être plus près de la réalité. Par ailleurs, il ne faut pas, selon nous, se contenter d’analyser ce qu’il s’est passé, mais prendre immédiatement des actions concrètes pour faire cesser les débordements constatés.
Sur les garanties à prévoir dans l’accord collectif servant de support au forfait en jours, voir no 360-50.
Les salariés en forfait en jours bénéficient-ils d’un temps de pause minimal ?
A la question : « La réglementation des pauses s’applique-t-elle aux salariés relevant du forfait en jours ? Dans l’affirmative, selon quelles modalités ? », Jacques Barthélémy et Hubert Rose apportent les deux points de vue suivants (extrait de « L’arrêt Blue Green en débat », Semaine sociale Lamy, no  1327, 5 nov. 2007) :
Jacques Barthélémy : La création de temps minima de pause (C. trav., art. L. 3121-33) et de repos (C. trav., art. L. 3131-1) a contribué à la transposition de la directive de 1993. Leur champ ne peut être plus étroit que celui émanant du droit communautaire. Au demeurant, ne sont exclues par l’article L. 3121-48 du Code du travail que la durée maximale moyenne de travail sur 12 semaines consécutives et la durée maximale journalière de travail. Devient dès lors superfétatoire la mention selon laquelle s’appliquent l’article L. 3131-1 du Code du travail (c’est-à-dire le temps de repos minimal de 11 heures entre 2 jours de travail), la durée maximale de 6 jours de travail par semaine (C. trav., art. L. 3132-1) et la durée maximale du repos hebdomadaire de 35 heures (C. trav., art. L. 3132-2). On ne saurait pour les mêmes raisons tirer du silence de la loi que le temps de pause maximale de 20 minutes (C. trav., art. L. 3121-33), lequel est aussi prévu par la directive de 1993, ne s’applique pas. Tout au plus, du fait de la liberté dans l’organisation du temps de travail, conséquence du degré élevé d’autonomie, l’octroi d’un tel avantage suppose un décompte journalier des heures qui ne peut être imposé à un cadre soumis au forfait en jours.
Il est un autre argument militant dans le même sens : c’est la fonction protectrice de la santé et de la sécurité poursuivie par la directive de 1993. Il convient de rappeler que si l’employeur est tenu à une obligation générale de sécurité de résultat, le salarié est aussi soumis à des exigences en matière de prévention. Du fait du degré élevé d’autonomie autorisant le recours au forfait en jours et de la liberté qui en résulte en termes d’organisation des temps de travail, la pause est non seulement un droit, mais aussi une obligation dont les modalités sont ici nécessairement laissées à l’initiative du cadre concerné.
Hubert Rose : La réponse à cette question est clairement négative : les salariés concernés ne sont pas soumis aux durées maximales de la durée du travail, comme aux autres dispositions reposant sur un calcul en heures de la durée du travail (Circ. min., 3 mars 2000). Cette restriction exclut nécessairement pour eux l’application de la réglementation des pauses. Cette exclusion sur le fond est logique dès lors que le temps de pause fait référence à un « étalon-horaire » et que, par définition, le forfait en jours retient – s’agissant de la mesure du temps de travail – un étalon en jours.
Par ailleurs, cette interprétation ne nous paraît pas incompatible avec les dispositions de la directive du 4 novembre 2003. En effet, son article 17 laisse aux Etats membres la faculté de déroger aux règles relatives aux temps de pause pour les salariés dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée, dès lors qu’il s’agit « de cadres dirigeants ou d’autres personnes ayant un pouvoir de décision autonome » et que les règles relatives aux repos quotidien et hebdomadaire leur sont applicables.
Comment organiser le suivi de la charge de travail ?
C’est le point clé du dispositif rappelé par la Cour de cassation (Cass. soc., 29 juin 2011, no 09-71.107 ; Cass. soc., 26 sept. 2012, no 11-14.540 ; Cass. soc., 24 avr. 2013, no 11-28.398 ; Cass. soc., 2 juill. 2014, no 13-11.940 ; voir supra). Il faut s’assurer, à intervalles réguliers, que la charge de travail a été évaluée de telle sorte que non seulement le forfait ne soit pas impossible à respecter, mais également que soient respectés les repos quotidien et hebdomadaire et une durée du travail raisonnable.
Il est clair, en effet, que, puisque les tribunaux ne peuvent pas se fonder sur un nombre d’heures accomplies (en dehors de la vérification de la plage journalière minimale de repos), ils seront particulièrement vigilants sur la question du volume de travail à accomplir.
Si l’évaluation de la charge de travail est un préalable à la mise en place d’un forfait en jours, elle n’est pas suffisante. Il convient d’en suivre l’évolution pour adopter d’éventuels correctifs et prendre en compte les événements imprévus (abandon d’un projet en cours d’année, nouvelle organisation, lancement d’un nouveau produit).
Si le Code du travail n’impose plus, comme c’était le cas auparavant (ancien art. L. 3121-45), que l’accord collectif autorisant le recours au forfait annuel en jours fixe les modalités de suivi de la charge de travail des salariés concernés, de telles dispositions s’imposent pour satisfaire aux exigences de la Cour de cassation pour reconnaître la validité du dispositif. Ces modalités de contrôle peuvent prendre la forme, en les combinant :

  • d’un document sur lequel le salarié fait apparaître les journées et demi-journées travaillées, ainsi que la position et la qualification des jours de repos ;

  • d’un suivi régulier par le supérieur hiérarchique de l’organisation du travail et de la charge du travail ;

  • d’un entretien annuel (C. trav., art. L. 3121-46).
    Bien que ce dernier n’ait été imposé que par la loi du 20 août 2008, il est applicable aux conventions individuelles de forfait en jours en cours d’exécution lors de son entrée en vigueur (Cass. soc., 12 mars 2014, no 12-29.141).

Sur les garanties à prévoir dans l’accord collectif servant de support au forfait en jours, voir no 360-50.
Si, pour les accords collectifs conclus antérieurement à la loi du 20 août 2008, les modalités de suivi doivent impérativement figurer dans l’accord et qu’en cas de carence elles ne peuvent être précisées de façon unilatérale par l’employeur (Cass. soc., 13 déc. 2006, no 05-14.685), le même contenu est préconisé pour les accords conclus postérieurement à cette loi.
Attention, si la Cour de cassation a considéré dans un premier temps que la non-mise en œuvre des modalités de suivi prévues ne suffit pas à rendre illicite et dépourvue d’effet la convention de forfait conclue (Cass. soc., 13 janv. 2010, no 08-43.201 ; Cass. soc., 7 déc. 2010, no 09-40.750), elle considère désormais que ces mesures étant nécessaires pour garantir la protection de la sécurité et de la santé du salarié, leur non-respect a pour conséquence que la convention de forfait est privée d’effet (Cass. soc., 29 juin 2011, no 09-71.107 ; Cass. soc., 2 juill. 2014, no 13-11.940). Il en résulte que le salarié peut alors réclamer le paiement des heures supplémentaires (Cass. soc., 29 juin 2011, précité), et une indemnisation spécifique pour dissimulation d’heures (Cass. soc., 19 févr. 2014, no 12-22.174 et no 12-28.170), ou obtenir des dommages-intérêts, voire prendre acte de la rupture de son contrat de travail au tort de son employeur (Cass. soc., 26 sept. 2012, précité).
Observations :
Pour la petite histoire, dans l’affaire du 26 septembre 2012, le salarié demandait une indemnité pour non-respect du forfait en jours, et non un rappel d’heures supplémentaires. Il revendiquait par ailleurs la requalification de son départ volontaire en retraite en prise d’acte de la rupture de son contrat imputable à l’entreprise.
Il avait été débouté par la Cour d’appel de Lyon.
Celle-ci avait considéré que le très gros volume d’heures que ce directeur comptable avait effectuées, y compris certains week-ends et jours fériés, était principalement la conséquence de son addiction au travail.
La Cour de cassation balaye cette argumentation pour le moins surprenante et qu’elle n’examine pas. Elle relève d’office un autre moyen, en s’attachant exclusivement à la vérification de la validité du forfait en jours qui était appliqué.
Ces sanctions sont, selon nous, également applicables en cas de non-tenue de l’entretien annuel prévu à l’article L. 3121-46 du Code du travail.
L’entretien avec le salarié porte sur la charge de travail du salarié, l’organisation de son travail dans l’entreprise, l’articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle et familiale, ainsi que sur sa rémunération.
Les dossiers d’évaluation issus des entretiens annuels doivent donc établir que ces échanges ont bien eu lieu avec le management.
Quelles sont les sanctions encourues en cas de surcharge de travail ?
Une surcharge récurrente de travail peut caractériser une utilisation abusive du forfait en jours, qui est sanctionnée comme telle (voir infra).
Comment recalculer le forfait annuel en jours en cas d’année incomplète ou de droit à congés payés insuffisants ?
Cette question est susceptible de se poser dans différents cas, au demeurant très fréquents dans les entreprises. Comment recalculer le nombre de jours de travail équivalent à un temps complet lorsqu’un collaborateur entre en cours d’année ou, étant entré après le 1er juin de l’année précédente, ne dispose pas d’un droit intégral à congés payés pour l’année civile suivante. La même question peut par ailleurs se poser lorsque l’intéressé est absent en cours d’année.
L’article L. 3121-44 du Code du travail fixe à 218 (en tenant compte de la journée de solidarité ; voir no 450) le nombre de jours maximal habituel de travail pour une année civile complète de travail. Ce chiffre tient compte d’un droit intégral à congés payés.
Une première démarche consiste à considérer que ce forfait correspond en fait à 10 jours de repos supplémentaires. Sur la base de 365 jours calendaires, et déduction faite de 104 jours de repos hebdomadaire, de 25 jours ouvrés de congés payés et de 8 jours fériés chômés coïncidant avec des jours consacrés au travail, le forfait est en effet de 228 jours, soit un différentiel de 10 jours par rapport à 218.
En cas d’entrée en cours d’année, ce raisonnement conduit donc à refaire le calcul précédent, mais en tenant compte des droits réels à congés payés pour l’année en cours.
EXEMPLE :
Selon cette méthode, le collaborateur entré le 1er juillet 2012 doit à l’entreprise 123 jours de travail [184 jours calendaires (du 1er juillet au 31 décembre 2012) – 53 jours de repos hebdomadaire (26 week-ends × 2 + 1 dimanche) – 3 jours fériés tombant en pleine semaine (15 août, 1er novembre et 25 décembre) – 5 jours de repos (10 jours de repos × 184/365)] et non pas 109 jours de travail (218 / 2), ce qui conduirait indirectement à faire bénéficier l’intéressé d’un droit à congés pour l’année en cours auquel il ne peut prétendre. Or, l’intéressé n’a, dans ce cas précis, aucun droit à congés payés jusqu’au 31 décembre 2012.
Bien que le résultat arithmétique soit sensiblement le même, il est préférable d’adopter en la matière une démarche plus appropriée à la philosophie du forfait en jours. Celui-ci repose en effet sur un nombre de journées de travail dû annuellement à l’entreprise et non sur l’attribution de jours de repos supplémentaires. Il convient donc, selon nous, de recalculer tout d’abord le nouveau forfait réduit hors congés payés et jours fériés chômés, c’est-à-dire sur la base de 251 jours (218 + 25 jours ouvrés de congés payés et 8 jours fériés coïncidant avec un jour ouvré). Le chiffre ainsi obtenu doit être ensuite proratisé en 365e, voire en jours ouvrés en fonction de la date d’entrée du collaborateur. Le résultat doit enfin être diminué du nombre de jours fériés tombant un jour habituellement travaillé à échoir avant la fin de l’année.
EXEMPLE :
Transposé à notre exemple cela donne le calcul suivant :
251 jours « ouvrés » × 184/365 = 126 jours. Ce salarié n’ayant aucun droit à prise de congés payés jusqu’à la fin de l’année et alors qu’il n’y aura que 3 jours fériés qui tomberont en semaine entre le 1er juillet et le 31 décembre, il doit 123 jours de travail à l’entreprise, soit 126 jours – 3 jours fériés chômés.
Il convient également de procéder à un ajustement du forfait pour la deuxième année au cours de laquelle le salarié ne bénéficie pas d’un droit intégral à congés payés.
EXEMPLE :
Prenons l’exemple d’un collaborateur entré le 1er décembre. Celui-ci ne bénéficiera pour l’année suivante que de 13 jours ouvrés de congés payés (25/12 × 6). Son nombre de jours travaillés devrait donc être égal à 230 jours (soit : 218 jours + 25 jours virtuels de congés payés pour une année de référence complète – 13 jours de congés réellement acquis).
Cet exemple démontre qu’il n’est pas possible, dans ce cas précis, de respecter le plafond de 218 jours, sauf à autoriser une prise par anticipation des 12 jours ouvrés de congés payés ou à négocier, dès l’embauche, un congé sans solde équivalent pour la deuxième année.
Observations :
Le principe posé en matière de modulation, selon lequel le seuil de déclenchement des heures supplémentaires de 1 607 heures n’a pas à être augmenté en raison de l’insuffisance des droits à congés payés (Cass. soc., 14 nov. 2013, no 11-17.644) est selon nous transposable au forfait en jours. Si l’ancien article L. 3121-49 du Code de travail (abrogé par la loi du 20 août 2008) qui avait prévu que le dépassement du plafond annuel prévu par l’accord collectif pouvait avoir pour effet de réduire le plafond de l’année suivante en permettant la compensation des jours travaillés en plus, au cours du 1er trimestre, peut encore survivre au travers des accords conclus sous l’empire de cette réglementation, il ne devrait plus s’appliquer aux accords conclus postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi du 20 août 2008. Le salarié qui dépasse de ce fait le nombre de jours annuels prévus par l’accord bénéficie donc de la majoration de 10 % pour chaque jour travaillé au-delà.
Une autre solution consiste à faire coïncider la période servant de cadre d’appréciation au plafond annuel de jours travaillés avec la période d’acquisition et de prise de congés payés légaux. Rien n’interdit, par exemple, de substituer à l’année civile la période du 1er juin de l’année n au 31 mai de l’année n + 1, à condition d’anticiper le début de la période de prise des congés payés au 1er juin de l’année n.
Les dispositions de l’article L. 3141-13 du Code du travail autorisent en effet les partenaires sociaux (ce qui impose la signature d’un accord) à fixer librement la période des congés payés pour autant qu’elle permette au salarié de prendre les congés dans une période comprise entre le 1er mai et le 31 octobre, ce qu’une telle anticipation continuerait de permettre. A moins que la période de référence pour l’acquisition des droits à congés payés soit elle-même modifiée pour coïncider avec l’année civile, et pour autant que la période de prise des congés payés débute au 1er janvier.
La modification de la période de référence semble plus problématique dans la mesure où elle n’est expressément autorisée par l’article L. 3141-11 du Code du travail que dans le cadre d’une organisation plurihebdomadaire du temps de travail. L’adoption d’un décompte en jours ne figure pas dans les dérogations autorisées. La seule solution semble résider dans une gestion plus rigoureuse des congés payés en imposant la prise du reliquat au plus tard avant la fin de l’année civile, ce que la législation sur les congés autorise. Sauf à s’exposer à un nombre de jours travaillés supérieur au plafond légal lorsque les congés n’auront pas été totalement soldés avant la fin de l’année et à devoir explorer la piste du compte épargne-temps.
Ce qui vaut pour un droit à congés incomplet vaut également pour un report de repos d’une année sur l’autre. Le nombre de jours travaillés dus sur l’année suivante doit alors être diminué du nombre de congés reportés.
EXEMPLE :
Prenons l’exemple d’un cadre en forfait en jours qui n’a pas pris la totalité de ses droits à congés payés au cours d’une année et qui reporte un reliquat de 5 jours sur l’année suivante.
Son nombre de jours travaillés sera de 223 jours au cours de la première année (218 jours + 5 jours de congés payés non pris) et de 213 jours l’année suivante (218 jours – 5 jours de congés payés reportés).
Observations :
Bien que ce report ne soit plus prévu par le Code du travail, il peut résulter de dispositions conventionnelles l’autorisant. Il peut s’agir notamment d’accords collectifs conclus avant la loi du 20 août 2008, alors que l’ancien article L. 3121-49 prévoyait un tel report.
Comment traiter les absences ?
La question ne se pose pas dans les mêmes termes selon que l’absence dure un ou plusieurs jours ou seulement quelques heures en cours de journée.
Absence de un ou plusieurs jours
Le traitement des incidences des absences de un ou plusieurs jours en cours d’année est assez simple.
Bien qu’aucun texte ne prohibe expressément leur récupération, il semble risqué de ne pas déduire les absences indemnisées, les congés et les autorisations d’absence d’origine conventionnelle ainsi que les absences maladie non rémunérées du nombre annuel de jours travaillés fixé dans le forfait. Sauf à reprendre d’une main ce qui est dû au salarié de l’autre. Ces absences doivent, selon nous, être purement et simplement déduites du forfait annuel (réduit, le cas échéant, pour tenir compte des entrées ou sortie en cours d’année).
EXEMPLE :
Prenons l’exemple d’un collaborateur absent pendant 4 mois, soit l’équivalent de 88 jours de travail. Son nouveau forfait de jours travaillés devrait être recalculé en principe à 130 jours (218 jours – 88 jours).
Il n’y a pas lieu, contrairement à une erreur souvent commise, d’augmenter le reliquat de jours travaillés du nombre de jours de repos que l’absence aurait fait perdre. Car c’est une illusion d’optique que de considérer que les collaborateurs en forfait en jours bénéficient de jours de repos supplémentaires. Ils doivent 218 jours de travail par an à l’entreprise, un point c’est tout. Autrement dit, la maladie le dispensant à due concurrence de son obligation contractuelle, cela signifie qu’une absence justifiée qui se prolongerait sur une période équivalente à 218 jours de travail, exempterait le collaborateur de toute activité pour le reste de l’année, à supposer bien sûr qu’il ait un droit intégral à prise de congés payés.
— Sur le traitement en paie, voir no 630-25.
Absence de quelques heures en cours de journée
Le forfait en jours n’imposant pas, en principe, l’exécution d’un nombre minimal d’heures de travail par jour, une absence de quelques heures ne devrait pas être considérée comme une absence et ne devrait entraîner aucune retenue sur salaire.
Saisie de cette question au sujet d’heures de grève, la Cour de cassation a adopté un point de vue différent, considérant qu’un tel abattement est tout à fait licite dès lors qu’il est proportionnel à la durée de l’absence (Cass. soc., 13 nov. 2008, no 06-44.608).
Si l’accord collectif est muet sur ce point, elle impose un mode de calcul précis qui s’applique aussi bien aux heures de grève qu’aux autres absences (voir infra).
Peut-on dépasser le forfait ?
Dans quels cas le nombre de jours fixé dans le forfait peut-il être dépassé ?
Sous l’empire de la législation antérieure à la loi du 20 août 2008, un cadre en « forfait en jours » pouvait travailler au-delà du nombre de jours fixé dans son forfait. Il disposait pour ce faire de trois possibilités :

  • la récupération du dépassement dans les trois premiers mois de l’année suivante (ancien art. L. 3121-49) ;

  • l’affectation de ses jours de repos dans un compte épargne-temps (ancien art. L. 3121-45) ;

  • le rachat direct de ses jours de repos (ancien art. L. 3121-46 ; L. no 2008-111, 8 févr. 2008, art. 1er)

Seules les deux dernières possibilités ont été maintenues par la loi du 20 août 2008. L’affectation des jours de repos des cadres en forfait en jours dans le CET est désormais régi uniquement par les dispositions relatives au CET. Leur rachat direct sans passage par un CET est, d’autre part, autorisé par le nouvel article L. 3121-45 du Code du travail (voir no 430-75).
Observations :
Le Code du travail n’évoque plus le report d’une année sur l’autre. A la lettre des nouveaux textes, ce n’est donc plus possible, sauf lorsque cela est autorisé par des dispositions conventionnelles. Il peut s’agir notamment d’accords collectifs conclus avant la loi du 20 août 2008, alors que l’ancien article L. 3121-49 prévoyait un tel report.
Il en résulte qu’en dehors de cette hypothèse l’employeur ne peut pas imposer à un salarié de dépasser son forfait, car tous les autres cas de dépassements, qu’ils soient consécutifs à un transfert des jours de repos dans un compte épargne-temps ou à leur rachat, reposent sur une démarche volontaire du salarié.
L’article L. 3121-45 du Code du travail plafonne les dépassements. Ce plafond est fixé par l’accord collectif. A défaut d’accord, les dépassements ne doivent pas conduire à ce qu’un cadre travaille plus de 235 jours par an.
Observations :
Bien que ce plafond soit uniquement associé aux rachats autorisés par l’article L. 3121-45, il convient selon nous de le respecter, que le dépassement résulte du report licite de jours de repos, du transfert de jours de repos dans le CET, voire de droits insuffisants à congés payés.
Le plafond conventionnel doit être compatible avec le respect des dispositions relatives au repos quotidien de 11 heures, au repos hebdomadaire de 35 heures, aux jours fériés chômés dans l’entreprise et aux 30 jours ouvrables de congés payés. Il peut donc atteindre en théorie 282 jours par an (365 jours – 52 dimanches – 30 jours ouvrables de congés payés – 1er mai).
Compte tenu de la critique faite par le Comité européen des droits sociaux selon laquelle le dispositif peut conduire le salarié à accomplir 78 heures hebdomadaires (6 journées de 13 heures), ce qui constitue une durée du travail non raisonnable, il nous paraît indispensable de limiter ce nombre de jours de dépassement en se rapprochant de la limite « légale » de 235 jours par an.
Quelles sont les contreparties dues en cas de dépassement du forfait ?
En dehors des dispositifs de dépassement prévus par la loi, le dépassement de forfait à l’initiative du salarié, sans l’accord de l’employeur, ouvre droit pour le salarié, non à une majoration de salaire, mais à des dommages-intérêts en application de l’article L. 3121-47 du Code du travail lequel octroie au salarié en forfait en jours, dont la rémunération est manifestement sans rapport avec les sujétions, une indemnité en fonction du préjudice subi (Cass. soc., 7 déc. 2010, no 09-42.626).
Dans cette affaire, un directeur de golf, embauché selon un forfait en jours, réclamait une majoration de salaire de 25 % pour les jours effectués au-delà de son forfait, au titre de dépassements entre avril 2002 et mars 2005, soit l’application des contreparties alors prévues par la loi au titre des heures supplémentaires. Les cadres en forfait en jours n’étant toutefois pas visés par la réglementation sur les heures supplémentaires, sa demande ne pouvait qu’être rejetée.
Comme l’ont rappelé les juges du fond, la loi prévoyait alors une récupération au cours des trois premiers mois de l’année suivante, récupération dont le salarié n’avait toutefois pas bénéficié. De même qu’il n’avait pas profité d’un transfert de ses jours sur un compte épargne-temps, par la force des choses : l’entreprise contestait le dépassement du forfait.
Quelle règle alors appliquer ? Le salarié ne pouvant être privé de son droit à indemnisation, les juges du fond ont invoqué l’article 4 de la loi du 31 mars 2005, qui a prévu, jusqu’au 31 décembre 2008, la possibilité dans les petites entreprises de racheter des jours ou des demi-journées de repos accordés au titre de la réduction du temps de travail moyennant une majoration salariale de 10 %.
L’arrêt a été cassé, car ce dernier article n’était pas applicable au litige. Il n’est entré en vigueur que le 1er avril 2005. Or, le salarié réclamait le paiement de jours pour la période d’avril 2002 à mars 2005 et il supposait l’accord de l’employeur.
Selon les Hauts Magistrats, un texte, spécifique au forfait en jours, permettait toutefois de régler le différend. En effet, l’article L. 3121-47 du Code du travail octroie au salarié en forfait en jours dont la rémunération est manifestement sans rapport avec les sujétions, une indemnité en fonction du préjudice subi, quand bien même une clause interdirait toute revendication. Le texte donne deux indices : le préjudice doit être évalué en fonction du salaire pratiqué dans l’entreprise (et non du minimum conventionnel) correspondant à la qualification du salarié.
— Sur les conditions dans lesquelles peuvent être effectués ces dépassements de forfait, voir no 430-75.
Peut-on appliquer le forfait en jours aux CDD ?
Rien ne s’oppose, a priori, à ce que le forfait en jours soit appliqué dans le cadre d’un contrat de travail à durée déterminée (CDD) en adoptant le forfait annuel en fonction de la durée du contrat. Les clauses obligatoires du CDD n’imposent pas la fixation du temps de travail en heures. De plus, les dispositions légales et conventionnelles, ainsi que celles résultant des usages applicables aux salariés liés par un contrat à durée indéterminée, s’appliquent également aux CDD.
Le forfait en jours par CDD doit, bien entendu, respecter les dispositions légales spécifiques à ce type de contrat.
Comment s’articule le forfait en jours avec les heures de délégation des représentants du personnel ?
Forfaits en jours et heures de délégation : voilà deux dispositifs qui ne font pas bon ménage. Le législateur n’a pourtant rien prévu, pensant peut-être qu’un cadre autonome avait mieux à faire que d’être élu délégué du personnel ou de siéger au comité d’entreprise. Les DRH sont donc priés de s’en accommoder en évitant bien entendu la discrimination et le délit d’entrave. A moins que…
Le Code du travail prévoit que l’employeur est légalement tenu d’accorder aux représentants du personnel du temps pour l’exercice de leurs missions. Ce temps, variable selon les institutions et la taille de l’entreprise, est exprimé en heures.
Toute infraction à ces règles est constitutive d’un délit d’entrave.
Or, il n’est pas rare que le temps de travail de certains représentants du personnel soit déterminé sur la base d’un forfait exprimé en jours et apprécié dans un cadre annuel. Ce qui n’est pas alors sans soulever de sérieuses difficultés pratiques pour faire coexister cette unité de mesure avec un décompte en heures du temps de délégation, car les deux semblent a priori incompatibles.
Quoi qu’il en soit, une modification de la durée du travail ou son aménagement ne peut avoir comme conséquence de modifier les règles relatives au crédit d’heures fixé par le Code du travail. Le volume des heures de délégation étant indépendant de l’horaire collectif pratiqué dans l’entreprise, par exemple, il n’est pas possible de les réduire en cas de réduction de la durée du travail dans l’entreprise (Rép. min., AN 23 déc. 1996, p. 6789 ; Sénat, 26 déc. 1996, p. 3525). Les seules réductions envisagées par les textes concernent les salariés à temps partiel et encore sont-elles précisément encadrées.
A noter que pour le temps partiel, l’article L. 3123-25 du Code du travail prévoit que le temps de travail mensuel d’un salarié ne peut être réduit de plus de un tiers par l’utilisation du crédit d’heures auquel il peut prétendre pour l’exercice de mandats détenus par lui dans l’entreprise. Mais le solde du crédit d’heures payées peut être utilisé en dehors des heures de travail.
Cette autonomie du régime des heures de délégation, qui relèvent du droit de la représentation du personnel, par rapport aux règles de décompte du temps travaillé, qui relève du droit de la durée du travail, laisse assez peu de marges de manœuvre aux DRH.
Peut-on exclure ès qualité les représentants du personnel du forfait en jours ?
Afin d’éviter la difficulté, il pourrait être tentant d’exclure du forfait en jours les représentants du personnel.
Sans compter avec l’injustice d’une telle discrimination, voilà une solution difficilement compatible avec le caractère temporaire des mandats. Compte tenu du caractère pérenne du forfait en jours et de sa formalisation par avenant au contrat de travail, une telle solution nécessiterait d’obtenir à chaque fois l’accord des représentants concernés soit pour quitter le forfait en début de mandat, soit pour l’adopter à son terme.
Avec à la clef la délicate question du calibrage du forfait adopté ou abandonné en cours d’année, sachant que les mandats coïncident très rarement avec l’exercice annuel servant de cadre au forfait en jours.
Doit-on maintenir le statu quo ?
Laisser coexister sans garde-fou un décompte en heures du temps de délégation avec un décompte en jours ou en demi-journées de la durée de travail pour les collaborateurs expose l’entreprise à permettre au cadre concerné de s’en prévaloir pour le décompte des jours qu’il doit à l’entreprise. Et c’est là que des dérives pourraient s’installer.
Imaginons un cadre travaillant dans une entreprise où l’accord n’impose aucune durée minimale de présence pour la validation d’une journée de travail. A raison d’une heure de délégation par jour, et sur la base d’un crédit mensuel de 15 heures de délégation, l’intéressé pourrait ainsi théoriquement s’exonérer de 15 jours de travail par mois.
Il est vrai que le caractère systématique d’un tel comportement relèverait de l’abus et pourrait exposer l’intéressé à des sanctions. Reste à en établir la preuve.
À part le faisceau d’indices concordants tiré notamment d’écarts importants constatés avec les objectifs fixés et de l’analyse des mentions figurant sur le bon de délégation, l’entreprise peut rester désarmée face à de telles pratiques.
Peut-on introduire un contrôle horaire dans les forfaits en jours ?
Afin d’éviter de telles dérives, certains accords font référence à un nombre minimal d’heures travaillées pour valider les jours de travail imputables sur le forfait.
Cette solution est dangereuse, car elle fragilise le forfait lui-même, lequel suppose l’absence de contrôle du temps réellement consacré à l’activité professionnelle et contredit l’autonomie dont doivent disposer les cadres concernés. Elle est de toute façon illusoire compte tenu des difficultés de réel suivi du temps de travail des intéressés. Elle laisse enfin sans réponse la question du traitement des heures travaillées en deçà du minimum journalier, lesquelles restent tout bonnement impayées à défaut d’entraîner la validation d’une journée de travail.
Doit-on abandonner le suivi du temps de délégation ?
La solution la plus sage serait sans doute d’abandonner tout décompte des crédits d’heures dès lors que le cadre est libre de son organisation et que les rapports de travail sont désormais fondés sur la confiance. Les risques de dérive sont par ailleurs endigués par la charge de travail confiée à l’intéressé, laquelle a été en principe évaluée ou réévaluée en tenant compte des mandats détenus. C’est l’accomplissement même de sa mission qui, dans ce cas, limitera les abus.
Pour séduisante qu’elle soit, cette démarche peut néanmoins être contestée par les représentants non cadres et les organisations syndicales en ce qu’elle crée une discrimination dans le traitement des crédits d’heures selon le statut de leurs bénéficiaires.
Peut-on convertir le crédit d’heures en jours ou en demi-journées ?
Une autre approche vise à convertir le crédit d’heures dans la même unité de mesure que celle retenue pour le décompte du temps de travail, c’est-à-dire en jours ou en demi-journées.
La licéité de cette substitution est subordonnée à son caractère plus favorable pour les intéressés. C’est du moins ce que laisse entendre a contrario une décision de la Cour d’appel de Versailles (CA Versailles, 1er déc. 1999, 14e ch., CGT-FO c/ Chambre syndicale du papier), laquelle souligne que « le temps de délégation des représentants du personnel se décompte en heures. La loi ne prévoit aucune dérogation à cette règle. Il en résulte que toute autre forme de décompte ne peut avoir force obligatoire si elle est susceptible de porter atteinte au libre exercice du mandat des représentants du personnel ».
Le caractère plus favorable d’un tel dispositif pourrait notamment résider dans la faculté de report du crédit d’un mois sur l’autre tout au long de l’année au contraire de ce que prévoit la loi pour le crédit d’heures mensuel. En effet, sauf dispositions conventionnelles ou usages plus favorables, le solde créditeur d’heures de délégation qui ressortent en fin de mois civil est définitivement perdu.
Encore faut-il que le nombre de jours ou de demi-journées de délégation soit au moins égal au temps alloué aux autres représentants du personnel.
C’est par l’application d’une règle de stricte proportionnalité que devrait donc s’effectuer cette conversion.
Elle se réalise ainsi en deux étapes.
Il faut tout d’abord déterminer quel est le pourcentage d’heures de délégation dont bénéficie chaque représentant du personnel par rapport à la durée de travail effectif pratiqué dans l’entreprise. Ce rapport peut être obtenu en divisant les crédits d’heures par l’horaire collectif, en les appréciant tous les deux dans le cadre annuel.
EXEMPLE :
Un membre élu titulaire au CE bénéficie de 20 heures de délégation.
Crédit d’heures mensuel : 20 heures.
Horaire collectif annuel : 1 589 heures.
Proportion des heures de délégation : (20 heures × 12 mois)/1 589 heures = 15,10 %.
Nombre de jours prévus par l’accord collectif au titre du forfait annuel : 217 jours.
Nombre annuel de jours de délégation :
217 jours × 15,10 % = 32,76 jours, arrondis à 33 jours ou 66 demi-journées.
Cette modalité de calcul est la moins contestable dans la mesure où elle établit un strict prorata avec le seul temps réellement travaillé (à l’exclusion des jours fériés et des congés payés) et dans la mesure où elle ne présuppose pas la prise des congés payés sur un mois complet (ce qui ferait perdre, dans ce cas, au représentant son crédit d’heures pour le mois considéré).
Ensuite, une fois cette proportion déterminée, il suffit d’appliquer le pourcentage obtenu au nombre annuel de jours prévu par le forfait journalier des cadres, ce qui permet d’obtenir un crédit annuel de jours de délégation.
Bien qu’apparemment frappée au coin du bon sens, cette méthode n’est pas totalement satisfaisante sur le plan juridique.
Elle n’échappe tout d’abord pas à la critique de la discrimination dans le décompte des temps de délégation des représentants selon leur statut. Mais ce qui est plus grave, c’est qu’elle semble imposer les modalités d’utilisation du temps de délégation : la journée ou la demi-journée, à l’exclusion de toute autre. Or, cette seule considération la disqualifie en ce qu’elle porte atteinte au libre exercice du mandat des représentants du personnel.
Quant à décompter une journée ou une demi-journée sur le crédit de délégation quel que soit le temps passé en délégation et sans tenir compte par ailleurs du travail éventuel réellement effectué au cours de la même journée ou demi-journée, voilà qui peut conduire à des solutions beaucoup moins favorables que le crédit d’heures mensuel.
Son application sans correctif est en effet de nature à réduire le nombre d’heures de délégation auquel la loi donne droit. Cela pourrait être le cas d’un représentant du personnel cadre de mission qui aurait de courtes absences comptabilisées forfaitairement en autant de demi-journées ou journées. Par exemple, 80 absences d’une heure sur 11 mois ne peuvent constituer 80 demi-journées de délégation alors que le représentant n’a utilisé effectivement que 80 heures sur son crédit annuel.
Quelle peut être la solution de compromis ?
A ce jour, la meilleure solution (ou du moins la moins mauvaise) semble donc de laisser coexister le décompte du temps de délégation en heures en l’enfermant, le cas échéant, dans un plafond en jours ou en demi-journées fixé à l’année et calculé selon la méthode de conversion décrite plus haut. Le collaborateur concerné disposerait ainsi du même crédit d’heures que les autres représentants en pouvant décompter comme journée de travail toute journée consacrée exclusivement à l’exercice de son mandat, à condition toutefois que l’exercice de celui-ci n’ait pas pour effet de réduire le nombre de jours travaillés qu’il doit à l’entreprise en deçà du nombre obtenu après la conversion des heures de délégation en jours non travaillés.
Le caractère plus favorable de ce dispositif de substitution peut, par exemple, résider dans l’adoption d’un décompte annuel du crédit d’heures dérogeant à la règle de non-report d’un mois sur l’autre, étendu le cas échéant aux autres représentants pour éviter la discrimination.
En l’absence d’une disposition législative, vivement souhaitée, voilà peut-être une alternative à celle qui consiste à appliquer telles quelles des heures de délégation aux représentants du personnel bénéficiaires d’une convention de forfait en jours.
Mise en place
Dès l’instant où la disposition est plus favorable que celle prévue par la loi, sa mise en œuvre peut se faire par une décision unilatérale de l’employeur. Initiative qui doit être précédée d’une information des représentants du personnel.
Sous les mêmes réserves, il semble tout à fait envisageable de négocier un accord collectif d’établissement ou d’entreprise sur ce thème.
Certains s’interrogent toutefois sur la possibilité, y compris pour les partenaires sociaux, d’intervenir dans ce domaine en l’absence de texte l’autorisant compte tenu du caractère d’ordre public qui y est attaché (« Les conséquences oubliées du forfait cadre en jours », Semaine Sociale Lamy no 975, 3 nov. 2000). Au risque, par ailleurs, du délit d’entrave et d’inopposabilité des dispositions négociées.
Comment s’articule le forfait en jours avec des heures pour recherche d’emploi ?
La plupart des conventions collectives et des accords d’entreprise accordent aux salariés dont le contrat est rompu du temps pour rechercher un emploi pendant leurs préavis. Ces temps sont pratiquement toujours exprimés en heures. Ces dispositions ont rarement été renégociées pour les adapter aux forfaits en jours.
Compte tenu de l’autonomie dont disposent les salariés concernés, on pourrait être tentés de considérer que ces dispositions ne leur sont pas applicables, d’autant plus qu’elles réintroduisent un décompte en heures auquel le forfait en jours tourne le dos.
Nous déconseillons d’adopter une telle position. Les salariés soumis à une convention de forfait en jours doivent, selon nous, bénéficier comme les autres des heures pour recherche d’emploi au même titre que les pauses journalières obligatoires (voir supra).
Il est judicieux d’aborder la question avec les intéressés au moment de la notification de la rupture.
Une solution peut consister à convertir ces heures en journées de repos.
Cette démarche consiste à accorder aux salariés en forfait en jours le même nombre de jours de recherche d’emploi que celui qui serait accordé, après conversion des heures en jours, à un salarié intégré à temps complet.
EXEMPLE :
Un salarié bénéficie d’un préavis de 2 mois et de 2 heures par jour pour rechercher un emploi. Ce préavis correspond à 44 jours de travail. Ce salarié a donc droit à 88 heures. Sur la base d’un horaire hebdomadaire de 35 heures, cela correspond donc à 12 jours et demi d’absence.
À défaut, il est conseillé d’alléger dans les mêmes proportions la charge de travail des salariés concernés en les laissant libres d’organiser, comme ils l’entendent, leur recherche d’emploi pendant leur préavis sous réserve d’accomplir leur mission allégée.
Comment s’articule le forfait en jours avec des heures de grève ?
Dans le cadre du forfait en jours, le décompte du nombre de jours travaillés est en principe indépendant du nombre d’heures de travail effectuées chaque jour par le salarié. Peu importe qu’il ait travaillé seulement une heure ou pendant 13 heures. Il est, dans les deux cas, réputé avoir effectué une journée de travail. C’est la conséquence de l’autonomie dont il dispose dans l’organisation de son temps de travail.
Cela devrait donc interdire toute retenue sur la rémunération d’un salarié en forfait en jours qui aurait été en grève pendant quelques heures au cours de sa journée de travail, dès lors que l’on ne peut pas en mesurer l’impact réel sur le volume de travail qui aurait été effectué ce jour-là.
Cette solution nous semble critiquable, car elle aboutit à une discrimination entre les grévistes selon qu’ils sont ou non soumis à un forfait en jours.
La Cour de cassation ne l’exclut toutefois pas lorsque aucune retenue sur salaire n’est pratiquée dans l’entreprise pour les autres absences de même durée. Ainsi, lorsqu’il résulte de la convention collective « qu’aucune suspension de contrat de travail inférieure à une journée entière ou à une demi-journée, selon la répartition choisie par le contrat de travail, ne peut entraîner une retenue sur salaire », l’employeur ne peut pas, selon elle, procéder à une retenue sur la rémunération des salariés n’ayant été en grève qu’une heure et demie (Cass. soc., 4 mars 2009, no 07-45.291).
Si la convention ou un accord collectif contient des dispositions relatives aux retenues pour absences, ce sont ces dispositions qui s’appliqueront en cas d’absence pour grève de courte durée : « Lorsque l’absence pour fait de grève d’un salarié soumis à une convention de forfait en jours sur l’année est d’une durée non comptabilisable en journée ou en demi-journée, la retenue sur salaire opérée en cas de grève doit être identique à celle pratiquée pour toute autre absence d’une même durée » (Cass. soc., 13 nov. 2008, no 06-44.608).
En l’absence de dispositions conventionnelles sur ce point, la Cour de cassation propose les modalités de calcul des retenues à prendre en compte : il faut procéder, pour des arrêts de travail non comptabilisables en journées ou en demi-journées, en multipliant le nombre d’heures de grève par le salaire horaire, lequel est déterminé à partir du salaire mensuel ou annuel des intéressés, en tenant compte du nombre de jours travaillés prévus par la convention de forfait et prenant pour base soit la durée légale du travail, si la durée du travail applicable dans l’entreprise aux cadres soumis à l’horaire collectif lui est inférieure, soit, si elle lui est supérieure, la durée de travail applicable à ces cadres. Ce qui revient à convertir le nombre d’heures de grève en fraction journalière d’un salarié à temps complet (Cass. soc., 13 nov. 2008, no 06-44.608).
EXEMPLE :
Un salarié en forfait en jours fait grève deux heures au cours d’une journée dans une entreprise où la durée collective hebdomadaire du travail est de 35 heures répartie sur 5 jours.
La retenue à opérer est dans ce cas égale à 2/7 du salaire journalier.
L’accord collectif peut fixer d’autres modalités de calcul que celles prévues par la Cour de cassation, lesquelles ne doivent toutefois pas conduire à opérer une retenue plus que proportionnelle à la durée de l’arrêt de travail.
Une solution simple, qui n’est pas en contradiction avec les principes posés par la Cour de cassation, consiste à demander aux grévistes concernés de déclarer leur temps de participation à la grève en fraction de journée de travail : 1/4, 1/8… et d’effectuer une retenue équivalente sur leur rémunération journalière.
C’est en effet en principe à chaque gréviste de décider de la durée de leur participation au mouvement revendicatif. Il n’est donc pas absurde de s’en remettre à la déclaration du salarié lorsque celui-ci est maître de l’organisation de son temps.
Cette question pose moins de difficultés en cas d’arrêt de travail ayant duré une ou plusieurs journées ou demi-journées entières. La retenue se calcule dans ce cas sur la base du salaire journalier.
Quelles sont les conséquences d’une utilisation abusive du forfait en jours ?
L’article L. 3131-47 du Code du travail sanctionne par une indemnité compensant le préjudice subi le versement d’une rémunération sans rapport avec les sujétions imposées au salarié.
— Sur cette question, voir no 360-50.
Si elle ne porte ni sur la charge de travail, ni sur la rémunération, l’utilisation abusive du forfait annuel en jours peut, selon le cas, entraîner la condamnation de l’entreprise à des dommages-intérêts au profit du salarié, ou permettre au salarié de prendre acte de la rupture de son contrat par l’employeur, ou d’en demander la résolution judiciaire. Il en va par exemple ainsi en cas d’atteinte à l’autonomie dont doit disposer le salarié concerné.
L’utilisation abusive du forfait en jours ne doit pas être confondue avec son illégalité, laquelle vise les situations dans lesquelles les conditions de recours au forfait en jours ne sont pas remplies (voir infra).
Quelles sont les causes d’illicéité d’un forfait en jours et quelles en sont les conséquences ?
Le forfait est illicite lorsqu’il est appliqué à un salarié qui ne remplit pas les conditions d’autonomie pour en relever.
Il en va de même en cas de non-respect de ses modalités de mise en place (absence d’accord collectif ou d’acceptation écrite du salarié).
L’illicéité est également prononcée lorsque l’accord collectif relatif au forfait en jours ne prévoit pas de garanties suffisantes pour assurer la protection de la santé et de la sécurité du salarié (voir supra sur le suivi de l’amplitude et de la charge de travail).
Dans ces différentes situations, le forfait n’est pas opposable au salarié.
Celui-ci peut donc revendiquer l’application des règles de droit commun de décompte et de rémunération du temps de travail (Cass. soc., 29 juin 2011, no 09-71.107) complétée d’une indemnité pour travail dissimulé (Cass. soc., 19 févr. 2014, no 12-22.174 et no 12-28.170 ; Cass. soc., 2 juill. 2014, no 13-11.940).
Il peut aussi obtenir des dommages-intérêts, voire prendre acte de la rupture de son contrat de travail au tort de son employeur (Cass. soc., 26 sept. 2012, no 11-14.540).

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