Les candidats doivent pouvoir se manifester auprès du personnel afin de défendre équitablement leur liste. Autrement dit, vous devez veiller, dans une attitude de neutralité, à la bonne transmission de la propagande électorale afin que celle-ci ne fausse pas les résultats des scrutins.
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Qui peut avoir recours à la propagande électorale ?
Tous les salariés de votre entreprise qui se portent candidats peuvent faire campagne et avoir recours à la propagande électorale. Ainsi, vous devez autoriser tout syndicat qui a présenté une liste à faire campagne. En outre, un syndicat qui n’aurait pas présenté de liste peut tout de même recourir à la propagande électorale s’il est reconnu que les tracts émis ne portent pas atteinte à la libre détermination des électeurs (
Cass. soc., 27 juin 1990, no 87-60.027). Toutefois, au premier tour des élections, la propagande électorale est réservée aux listes présentées par certains syndicats
(voir no 115-40). Vous ne devez donc pas autoriser des candidats libres souhaitant se présenter à un éventuel second tour, à se manifester avant l’issue de ce premier tour (
Cass. soc., 14 janv. 2004, no 01-60.788). Dès lors que cette manifestation porte atteinte à la libre détermination des électeurs, vous devez la faire cesser. La violation de votre obligation de neutralité pourra être déduite de votre absence d’intervention (
Cass. soc., 7 nov. 2012, no 11-60.184).
ATTENTION :
Vous ne pouvez pas prévoir, par le biais d’un accord ou d’une convention collective, d’octroyer aux seules organisations syndicales représentatives le droit à l’affichage et à la diffusion des communications syndicales à l’intérieur de l’entreprise. En effet, aux termes des
articles L. 2142-3 à L. 2142-7 du Code du travail, ce droit est lié à la constitution par les organisations d’une section syndicale. Ainsi, en facilitant la communication des seules organisations syndicales représentatives, l’employeur contrevient au principe d’égalité (
Cass. soc., 11 janv. 2012, no 11-14.292).
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Jusqu’à quel moment peut-elle se manifester ?
Contrairement à une élection politique, la campagne peut se tenir jusqu’au jour du scrutin à condition que cette propagande tardive ne fausse pas les résultats des élections et ne porte pas atteinte à la libre détermination des électeurs. Ainsi, le scrutin n’est pas faussé si :
À l’inverse, la distribution la veille du scrutin d’un tract remettant en cause un syndicat concurrent en lui reprochant ses positions dans l’entreprise peut conduire le juge à annuler les élections s’il estime que les résultats ont été modifiés par cette communication tardive (
Cass. soc., 18 févr. 1988, no 87-60.027). De même, la distribution d’un tract, au ton très polémique diffusé en dehors de la période de propagande prévue dans le protocole préélectoral justifie l’annulation des élections (
Cass. soc., 23 juin 2004, no 02-60.848).
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Par quels moyens matériels la propagande électorale peut-elle se manifester ?
Il n’existe pas de disposition législative réglementant la diffusion de la propagande électorale. Vous pouvez donc vous en tenir aux éventuelles dispositions conventionnelles qui régissent votre entreprise ou en déterminer les modalités dans le protocole d’accord préélectoral.
La transmission de la propagande peut consister en la distribution de tracts aux heures d’entrée et de sortie du personnel ou en un affichage sur des panneaux que vous pouvez réserver aux communications électorales ou encore les panneaux syndicaux (C. trav., art. L. 2142-3 ; C. trav., art. L. 2142-4).
En outre, vous pouvez mettre à disposition des candidats des pages réservées à la propagande électorale sur un intranet ou autoriser une communication par e-mails. Il est cependant recommandé d’encadrer strictement l’usage de ce moyen de communication afin d’éviter tout abus et de ne pas perturber le bon fonctionnement de votre système informatique.
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Comment assurer l’acheminement de la propagande en cas de vote par correspondance ?
Si vous avez convenu d’organiser un vote par correspondance, la propagande électorale doit également être diffusée aux salariés absents de l’entreprise qui y auront recours.
À cette fin, vous pouvez communiquer aux candidats les coordonnées personnelles des salariés absents. En pratique, il est recommandé de ne pas divulguer ces informations et il semble préférable que vous vous chargiez directement de la transmission de la propagande électorale en même temps que du matériel de vote, notamment en le prévoyant au protocole d’accord préélectoral (
Cass. crim., 30 mai 1989, no 87-83.411). À défaut d’accord préélectoral, le juge d’instance peut décider des modalités d’acheminement de la propagande électorale (
Cass. soc., 6 juill. 1983, no 83-60.746).
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Pouvez-vous intervenir durant la campagne ?
Vous ne pouvez intervenir au cours de la campagne électorale qu’en respectant une stricte neutralité par rapport aux listes de candidats qui ont été présentées. Vous devez éviter toute attitude tendancieuse, pression ou prise de position. Outre une condamnation pour délit d’entrave, vous risquez une annulation des élections si vous ne vous en tenez pas à cette obligation de neutralité et qu’il est démontré que cette violation a eu une influence sur les résultats (
Cass. soc., 11 juin 1986, no 85-60.640 ;
Cass. soc., 20 oct. 1999, no 98-60.425). À titre d’exemple, les élections sont susceptibles d’être annulées :
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si vous exercez des pressions sur les candidats (Cass. soc., 28 oct. 1997, no 96-60.260) ;
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si vous diffusez une note demandant de faire l’union autour d’un syndicat autonome (Cass. crim., 8 mars 1994, no 93-81.115) ;
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si vous distribuez des bulletins blancs le jour du scrutin (Cass. soc., 10 mai 1984, no 83-61.045) ;
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si vous invitez les syndicats à s’abstenir au premier tour dans le but de ne pas atteindre le quorum et ainsi faire échec aux listes présentées par un syndicat (Cass. crim., 20 mars 1979, no 78-92.967) ;
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si vous apportez une appréciation défavorable à l’encontre d’un candidat durant la campagne électorale (Cass. soc., 30 oct. 1991, no 91-60.058) ;
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si vous prenez parti pour l’une des listes de candidats cherchant à inciter les salariés à voter pour celle-ci (Cass. soc., 17 nov. 1971, no 71-60.206).
Vous ne pouvez pas être reconnu coupable de pressions exercées sur les candidats par certains de vos salariés qui invitent le personnel à voter blanc au premier tour (
Cass. soc., 16 mai 1974, no 74-60.025). Par contre, si cette propagande est diffusée par vos soins avant le premier tour, via un tract de propagande électorale pour le second tour au profit d’éventuels candidats libres, les élections sont susceptibles d’être annulées (
Cass. soc., 14 janv. 2004, no 01-60.788).
Remarque :
des candidats libres qui circulent dans l’entreprise avant le premier tour de l’élection, incitant le personnel à ne pas voter lors de ce premier tour (favorisant ainsi les chances de voir s’organiser un second tour, faute d’atteinte du quorum lors du premier) ne commettent pas d’irrégularité susceptible d’autoriser l’annulation des élections dès lors qu’aucune pression ou menace n’est exercée sur les salariés (
Cass. soc., 5 mai 2004, no 03-60.141).
Mise à jour par bulletin 44, Mars 2014
Propagande électorale : l’employeur peut-il, de son propre chef, rétablir l’égalité entre les syndicats ?
(Cass. soc., 14 janv. 2014, n° 13-60.165).
Oui. Lorsqu’un accord collectif, conclu avant l’entrée en vigueur de la loi du 20 août 2008, réserve des moyens de propagande électorale aux seuls syndicats représentatifs, l’employeur peut, unilatéralement, étendre les mesures en question aux syndicats non représentatifs
Dans une UES, un accord collectif, conclu en 2006, prévoyait d’accorder des moyens supplémentaires aux organisations représentatives, pour leur permettre de réaliser leur propagande électorale (accès aux instruments de communication interne ainsi que l’allocation de crédits supplémentaire d’heures de délégation syndicale). Cette faveur accordée aux organisations représentatives n’avait rien de choquant puisqu’à l’époque, seules les organisations représentatives pouvaient présenter des candidats au premier tour des élections professionnelles. La loi du 20 août 2008 a changé la donne. Désormais toutes les organisations syndicales qualifiées peuvent présenter des candidats au premier tour des élections. En conséquence, en vertu du principe d’égalité de traitement, tous les syndicats doivent disposer des mêmes moyens de propagande électorale. Dès lors, en vue des élections programmées en 2012 dans l’UES, l’employeur a tout simplement rectifié les choses, faisant en sorte que tous les syndicats au sein de l’UES puissent effectivement accéder aux mêmes moyens pour leur propagande électorale. Néanmoins, après les élections, un syndicat non représentatif demande l’annulation du protocole préélectoral signé en 2011. Il met en avant que ce dernier n’a prévu aucune mesure de nature à rétablir l’égalité d’accès aux moyens de propagande électorale et, partant l’égalité des chances, pendant la période électorale au profit des syndicats non représentatifs. Le tribunal d’instance a accueilli cette demande, retenant l’argument syndical selon lequel « l’employeur ne pouvait suppléer par son engagement unilatéral, la volonté collective avec laquelle devaient être adoptées les mesures de nature à rétablir l’égalité de traitement ».
Fort heureusement, la Cour de cassation rejette l’argumentation. La rupture d’égalité peut être rectifiée unilatéralement par l’employeur.
En effet, l’employeur porte la responsabilité d’organiser les élections mais aussi d’assurer que la stricte égalité entre les syndicats sera respectée, pendant tout le processus électoral. Si la négociation d’un protocole préélectoral est incontournable, tout ce qui touche à l’élection ne doit pas nécessairement passer par la voie de cet accord qui, rappelons le, est soumis à la règle de la double majorité (en nombre et en voix, conformément à l’article L. 2314-3-1 du Code du travail). L’employeur peut intervenir seul pour permettre le bon déroulement des élections. L’employeur peut aussi décider seul des modalités de déroulement de l’élection (lieu, délai pour les candidatures, date de l’élection, modalité de vote, etc.) à charge pour les organisations syndicales de saisir le tribunal d’instance en cas de désaccord sur ces différents points (Cass. soc., 26 sept. 2012, n° 11-60.231).