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Changement d’employeur ou clause de mobilité inter-entreprises

Partie 2 – 
L’emploi et les mouvements de personnel
Titre 1 –
Recruter et construire le contrat de travail
Etude 204 –
Contenu du contrat de travail
Section 3 –
Transfert des salariés au sein du groupe
204-25 –
Changement d’employeur ou clause de mobilité inter-entreprises
La mobilité inter-entreprises à l’intérieur d’un groupe peut être l’effet d’un choix ou le résultat d’une obligation.
En effet, un salarié peut, dans le cadre du déroulement de sa carrière, être amené à considérer une proposition de mutation d’une société à l’autre ; dans un tout autre ordre d’idées, il peut se voir proposer cette même mutation dans le cadre d’un reclassement consécutif à un projet de licenciement économique ou encore pour faire suite à son inaptitude physique à tenir son poste (sur l’obligation de reclassement, se reporter à l’étude no 224).
a)
Mobilité inter-entreprises et mobilité géographique : ne pas confondre
Bien que désignées sous un même terme de « mobilité », il ne faut pas confondre la clause de mobilité inter-entreprises et la clause de mobilité géographique et leur appliquer les mêmes règles.
Une clause de mobilité inter-entreprises ne suppose pas forcément un déplacement géographique, alors que telle est la vocation d’une clause de mobilité géographique.
Remarques
Rares sont les conventions collectives qui envisagent la mobilité inter-entreprises ; lorsque la mobilité est évoquée par les partenaires sociaux, elles désignent habituellement, dans leur esprit, la mobilité géographique.
b)
A proscrire : la clause de mobilité inter-entreprises dans le contrat initial
Est-il opportun de prévoir à l’avance, lors de l’embauche d’un salarié dans une entreprise faisant partie d’un groupe, qu’il devra accepter d’être muté chez un autre employeur en vue de favoriser la mobilité au sein du groupe ?
Dans un arrêt du 1er avril 2003, la Cour de cassation énonçait très clairement que la mise à disposition ne constitue pas en soi une modification du contrat de travail (Cass. soc., 1er avr. 2003, no 02-14.680, Bull. civ. V, no 128). En l’espèce, il apparaissait que le pouvoir de direction et le pouvoir disciplinaire étaient toujours exercés par l’employeur d’origine, qu’il n’y avait qu’un seul contrat de travail, que ni le lieu, ni la qualification, ni la rémunération, ni la durée du travail des salariés n’avaient été modifiés.
Dans un arrêt du 5 mai 2004, la Cour de cassation a affirmé, au contraire, que « le transfert du salarié d’une société à une autre constitue une modification du contrat de travail qui ne peut intervenir sans son accord, peu important que ces sociétés aient à leur tête le même dirigeant » (Cass. soc., 5 mai 2004, no 02-42.580, Bull. civ. V, no 120). Dans cette affaire, l’employeur avait proposé à une salariée sa mutation dans une autre société du groupe distincte de celle où elle était employée. Il ne s’agissait pas d’une simple mise à disposition sans rupture avec le premier employeur. Par conséquent, le licenciement prononcé à la suite du refus de la salariée de la mutation est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Ainsi, le changement d’employeur que réalise le transfert du contrat de travail constitue une modification du contrat et suppose l’accord du salarié.
Remarques
Si l’arrêt du 5 mai 2004 va bien dans le sens d’un autre arrêt du 28 mars 2000 selon lequel le refus par un salarié d’une mutation dans une autre société (même détenue à 100 %) ne saurait constituer un acte d’insubordination susceptible de justifier un licenciement pour ce motif, dès lors qu’il s’agit d’une entité juridique distincte (Cass. soc., 28 mars 2000, no 97-44.410, Bull. civ. V, no 128), il semble remettre en cause une jurisprudence postérieure qui réservait l’hypothèse d’une mutation effectuée dans le cadre d’entreprises constituant ensemble la même entité économique (voir, Cass. soc., 9 mai 2001, no 99-40.840, Bull. civ. V, no 154).
Une clause de mobilité inter-entreprises pourrait-elle être de nature à faire échec à cette jurisprudence, à l’instar de la clause de mobilité géographique qui permet d’éviter que le salarié invoque la modification de son contrat lorsqu’on déplace son lieu de travail ?
La Cour de cassation a répondu par la négative en affirmant très clairement qu’une clause de mobilité imposant une mutation au sein d’une autre société du groupe ou d’une unité économique et sociale est nulle (Cass. soc., 23 sept. 2009, no 07-44.200, no 1805 FS-P+B+R).
Ainsi, le licenciement fondé sur le refus du salarié d’accepter une mutation dans une autre société du groupe opéré en application d’une clause de mobilité inter-entreprises est nécessairement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Cette position s’explique par le fait que la personne de l’employeur est un élément essentiel du contrat de travail qui n’est pas plus interchangeable que le salarié.
Par conséquent, hors le cas de l’article L. 1224-1 du Code du travail, le salarié ne peut renoncer à l’avance à l’identité de son employeur.
c)
Aménager contractuellement une mutation emportant changement d’employeur
1.
Un accord tripartite
La clause de mobilité inter-entreprises étant condamnée par la jurisprudence, il convient de prévoir une telle mobilité dans le cadre d’un accord mettant en jeu trois parties, la société d’origine, la société d’accueil et le salarié.
Remarques
Il ne peut désormais plus être procédé à l’envoi d’un simple courrier adressé au salarié, en application d’une clause de mobilité inter-entreprises, comme si le passage d’une société à l’autre, à l’intérieur du groupe, était une opération du même type que le transfert d’un établissement à l’autre d’une même entreprise.
En fait, il y aura rupture ou suspension du contrat de travail avec le premier employeur et établissement d’un nouveau contrat avec la société d’accueil.
On peut, évidemment, procéder comme si aucun lien n’existait entre les deux sociétés, comme si la mutation n’était pas une opération concertée, mais ce choix pose le problème du motif de licenciement dans la société d’origine. Pour contourner l’obstacle, il faut alors obtenir du salarié qu’il démissionne, ce qu’il ne fera pas sans demander des garanties, ou encore, ce qui semble le procédé le plus adéquat, formaliser une rupture conventionnelle.
2.
Avoir le réflexe de consulter les conventions collectives
Deux articles sont à consulter dans la convention collective de branche (ou les deux conventions collectives si les deux sociétés relèvent de conventions différentes) avant de rédiger le contrat de travail : l’article relatif au décompte de l’ancienneté (généralement inséré dans les clauses générales) et l’article sur l’indemnité de licenciement (correspondant à la catégorie du salarié).
Ces clauses conventionnelles peuvent en effet imposer la reprise de l’ancienneté dans certains cas et, dans l’autre sens, la déduction de l’indemnité de licenciement déjà versée auparavant. Une clause contractuelle ne pourra, bien entendu, pas aller à l’encontre de ces clauses conventionnelles.
Mais attention à ne pas faire d’extrapolation : la convention collective de branche régit généralement les transferts au sein d’une même entreprise, pas la mobilité inter-entreprises. C’est en revanche l’objet même de la convention inter-entreprises.
Il existe, malgré tout, des conventions collectives, non des moindres, qui contiennent des dispositions sur la mobilité inter-entreprises (comme celle des ingénieurs et cadres des industries chimiques, par exemple, qui organise la reprise d’ancienneté lorsque le salarié est transféré dans une entreprise relevant de la même convention).
3.
Quelles clauses étudier ?
Les clauses à étudier sont :

  • la suspension du contrat de travail initial ou, plus simplement, une clause de réintégration ;

  • le versement immédiat ou différé de l’indemnité de licenciement ;

  • la reprise de l’ancienneté ;

  • la période d’essai ou la période probatoire ;

  • la clause de retour ou de repentir ;

  • la clause de garantie d’emploi ;

  • les clauses créant des obligations nouvelles ou maintenant des avantages.

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