Partie 1 –
Mise en place et fonctionnement des institutions représentatives du personnel
Titre 2 –
Modes de mise en place des institutions représentatives du personnel
Thème 115 –
Elections professionnelles : CE/DP/DUP
Section 3 –
Etablissement des listes de candidats
115-35 –
À quelles conditions un salarié peut-il se présenter aux élections ?
Vous devez déterminer l’éligibilité de vos salariés afin qu’ils puissent poser leur candidature en tant que délégué du personnel ou membre du comité d’entreprise. Autrement dit, tout salarié qui souhaite être élu à un mandat de représentant du personnel doit répondre à une série de conditions relatives à l’électorat, à l’âge, au lien de parenté, à l’ancienneté et à l’activité dans l’entreprise. Hormis le cas des salariés mis à disposition, ces conditions sont les mêmes qu’il s’agisse des élections des délégués du personnel ou du comité d’entreprise et s’apprécient à la date du premier tour du scrutin.
Textes :
C. trav., art. L. 2314-16 ; C. trav., art. L. 2324-15 ; Circ. DGT no 20, 13 nov. 2008, fiche no 6.
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Tous les électeurs sont-ils également éligibles ?
La première condition à remplir pour être éligible est d’abord d’être inscrit sur la liste électorale
(voir nos 115-25 et 115-26). Ainsi, un salarié titulaire d’une délégation particulière d’autorité établie par écrit et permettant de l’assimiler au chef d’entreprise, ou encore celui qui représente l’employeur lors des réunions avec les institutions représentatives du personnel, ne peut pas présenter sa candidature aux élections (
Cass. soc., 26 sept. 2002, no 01-60.670). Lorsque les élections ont lieu au niveau d’une UES, le principe est le même : ne peut exercer un mandat de représentation du personnel (ou un mandat syndical) au sein d’une UES dont fait partie l’entreprise qui l’emploie, le salarié qui, en raison de son assimilation au chef d’entreprise, ne remplit pas les conditions pour exercer un tel mandat au sein de cette entreprise. Par voie de conséquence, le salarié qui dispose d’une délégation particulière d’autorité établie par écrit pour l’établissement qu’il dirige, n’est pas éligible au niveau de l’UES ; peu importe que la délégation soit circonscrite à l’établissement et que ce salarié n’exerce aucune fonction transversale au sein de l’UES (
Cass. soc., 16 avr. 2008, no 07-60.382).
Vos salariés peuvent être électeurs mais ne pas être éligibles, l’électorat ne constituant que l’une des conditions nécessaires pour qu’ils puissent être candidats. Toutefois, vous devez vérifier que le salarié éligible remplit toutes les conditions nécessaires pour le qualifier d’électeur (
Cass. soc., 6 févr. 2002, no 00-60.481).
Remarque :
les salariés appartenant à un établissement de l’entreprise ne peuvent, pour l’élection des délégués du personnel et des membres du comité d’établissement, être électeurs et éligibles dans un autre établissement (
Cass. soc., 27 oct. 2004, no 03-60.443).
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Un âge ou une capacité spécifiques sont-ils requis ?
Vos salariés doivent avoir au moins 18 ans pour être éligibles. Vous pouvez toutefois abaisser cette condition d’âge par une disposition conventionnelle (
Cass. soc., 17 oct. 1973, no 73-60.106).
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Les parents du chef d’entreprise sont-ils éligibles ?
Vous ne pouvez pas considérer comme étant éligibles le conjoint, les ascendants, les descendants, les frères et sœurs et les alliés au même degré (beaux-parents, gendres, belles-filles, belles-sœurs et beaux-frères) du chef d’entreprise (
Cass. soc., 14 janv. 1987, no 86-60.358).
Seules les personnes ayant directement un lien de parenté avec le chef d’entreprise sont concernées. Ce n’est pas le cas pour les personnes apparentées à un simple directeur (
Cass. soc., 10 oct. 1990, no 89-61.356).
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Quelle ancienneté les salariés de votre entreprise doivent-ils avoir acquis pour être éligibles ?
Vos salariés doivent avoir acquis un an d’ancienneté pour être éligibles (C. trav., art. L. 2314-16 ; C. trav., art. L. 2324-15).
Pour apprécier cette ancienneté, vous devez parfois prendre en compte la durée des contrats effectués dans d’autres entreprises :
De plus, vous devez apprécier si les périodes au cours de cette année correspondent à du temps de travail effectif ou à des périodes assimilées. Ainsi, des heures de délégation, traitées comme du temps de travail, doivent être prises en compte (
Cass. soc., 20 nov. 1991, no 90-60.397). Par contre, vous ne devez pas retenir la durée d’un simple stage (
Cass. soc., 26 nov. 2003, no 02-60.624).
Pour être éligible dans l’un des établissements de votre entreprise, le salarié doit avoir acquis une ancienneté d’un an
dans l’entreprise, et non dans l’établissement en cause. Ainsi, un protocole préélectoral conclu dans un établissement ne peut valablement réserver l’éligibilité aux salariés travaillant depuis au moins 12 mois dans cet établissement (
Cass. soc., 30 janv. 2008, no 07-60.121).
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L’ancienneté d’un an s’entend-elle d’une ancienneté continue ?
Pour être candidat aux élections, le salarié doit avoir travaillé
depuis un an au moins dans l’entreprise (
C. trav., art. L. 2314-16 ;
C. trav., art. L. 2324-15). Depuis une ordonnance du 1
er décembre 2005, cette ancienneté n’a plus à être ininterrompue (
Ord. no 2005-1478, 1er déc. 2005, JO 2 déc. ; voir
no 115-5).
L’ancienneté peut donc très bien avoir été acquise dans le cadre d’un précédent contrat conclu au sein de l’entreprise, les interruptions liées à une rupture de contrat n’annulant pas l’ancienneté acquise.
Exemples :
un salarié a travaillé dans le cadre d’un CDD de 9 mois au sein d’un établissement. Il est réembauché en CDI un an plus tard, dans un autre établissement de l’entreprise. À la date de son réembauchage, il faut considérer qu’il bénéficie de 9 mois d’ancienneté et si, passé 3 mois, des élections ont lieu, le salarié pourra s’y porter candidat.
Un salarié travaillant depuis le 1
er mars 2001 dans une entreprise est licencié le 23 mai 2005 puis réembauché par cette même entreprise le 1
er septembre 2005 ; pour les juges, le salarié dispose de l’ancienneté nécessaire pour être éligible car peu importe que cette ancienneté résulte de contrats distincts séparés par des périodes d’interruption (
Cass. soc., 3 oct. 2007, no 06-60.063).
Vous devez a fortiori considérer comme éligibles :
Peu importe que le contrat de travail de l’un vos salariés ait fait l’objet d’une suspension car les périodes de suspension du contrat de travail (maladie, maternité, etc.) n’annulent pas l’ancienneté acquise antérieurement (
Cass. soc., 15 mai 1991, no 90-60.483 ;
Cass. soc., 26 sept. 2002, no 01-60.708). Par ailleurs, certaines périodes de suspension du contrat de travail sont assimilées par la loi à du travail effectif et entrent donc en compte dans le calcul de l’ancienneté d’un an (congé de formation économique, sociale et syndicale, congés liés à la formation professionnelle, congé maternité, congé parental d’éducation pour la moitié de sa durée, congés pour événements familiaux… mais pas un congé sabbatique ou pour création d’entreprise).
Remarque :
une salariée qui ne présente pas toutes les conditions requises pour être candidate, ne peut se présenter au second tour même si entre-temps sa situation a changé (
Cass. soc., 30 oct. 2001, no 00-60.341).
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Des dérogations à cette ancienneté d’un an sont-elles possibles ?
En outre, l’inspecteur du travail peut vous imposer une ancienneté plus réduite, après consultation des organisations syndicales représentatives, si l’exigence légale ne permet pas une organisation normale des opérations électorales (C. trav., art. L. 2314-20 ; C. trav., art. L. 2324-18).
Le but de la dérogation est de pallier un manque ou une insuffisance de candidatures afin d’assurer un choix aux électeurs. C’est par exemple le cas lorsque la seule organisation syndicale présente dans l’entreprise éprouve des difficultés pour présenter une liste de candidats (CE, 22 juin 1988, no 70.987).
Dans l’attente d’une décision de l’administration sur une éventuelle dérogation, vous devez continuer à appliquer l’exigence légale d’une année d’ancienneté (
Cass. soc., 25 mars 1985, no 84-60.715).
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Les salariés à temps partiel ou en forfait-jours sont-ils éligibles dans les différentes entreprises dans lesquelles ils travaillent ?
Certains de vos salariés occupés à temps partiel ou bénéficiant d’un forfait annuel en jours peuvent également travailler chez un autre employeur. Ils peuvent alors être électeurs dans les deux entreprises mais doivent choisir celle dans laquelle ils se porteront candidats (
C. trav., art. L. 2314-16 ;
C. trav., art. L. 2324-15 ;
Cass. soc., 16 nov. 2011, no 11-13.256).
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À quelles conditions les salariés mis à disposition par une entreprise extérieure sont-ils éligibles ?
La loi du 20 août 2008 a posé de nouvelles règles déterminant les conditions d’électorat
(voir no 115-26) et d’éligibilité des salariés mis à la disposition d’une entreprise utilisatrice (par un sous-traitant ou un prestataire de services). Il en résulte que, dans l’entreprise utilisatrice, les salariés mis à disposition :
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ne sont pas éligibles aux fonctions de membre du comité d’entreprise, quelle que soit leur ancienneté dans l’entreprise utilisatrice (C. trav., art. L. 2324-17-1) ;
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sont en revanche éligibles aux fonctions de délégué du personnel s’ils remplissent trois conditions : être présents dans ses locaux et y travailler depuis au moins 24 mois continus ; ne pas être recrutés pour remplacer un salarié dont le contrat est suspendu ; et renoncer à se présenter au scrutin organisé dans l’entreprise d’origine (C. trav., art. L. 2314-18-1). Dès lors qu’un salarié mis à disposition est élu au sein de l’entreprise utilisatrice, cette dernière doit en informer sans délai le prestataire ou le sous-traitant (Circ. DGT no 20, 13 oct. 2008, fiche no 6) ;
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sont également éligibles à la délégation unique du personnel s’ils remplissent ces mêmes conditions (Cass. soc., 5 déc. 2012, no 12-13.328).
Par conséquent, seuls les salariés de votre entreprise peuvent se porter candidats aux fonctions de membre du comité d’entreprise et ce, même s’ils ont été mis à disposition d’une entreprise utilisatrice. En revanche, pour les élections des délégués du personnel, sont éligibles :
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les salariés de votre entreprise – sauf s’ils sont à la disposition d’une autre entreprise, y travaillent depuis au moins 24 mois continus, sont présents dans ses locaux et ont choisi d’y exercer leur droit de vote ;
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et les salariés qui sont à la disposition de votre entreprise, sont présents dans ses locaux, y ont travaillé depuis au moins 24 mois continus et ont choisi d’y exercer leur droit de vote et de candidature.
Ce droit d’option conféré au salarié mis à disposition est fractionnable selon l’élection concernée. En effet, ce dernier peut décider d’être électeur et candidat aux élections des membres du comité d’entreprise dans son entreprise d’origine puis être électeur et candidat pour les élections des délégués du personnel dans son entreprise d’accueil (Cass. soc., 28 sept. 2011, no 10-27.374).
Les entreprises de propreté ont manifesté leur opposition à ces nouvelles règles relatives à l’électorat et à l’éligibilité des salariés mis à disposition. Invoquant la spécificité de leur activité et le souci de l’administration que ces règles ne conduisent pas à « dessécher le dialogue social au sein des entreprises sous-traitantes qui disposent elles-mêmes d’instances de représentation au sein desquelles il est important que les salariés mis à disposition soient représentés », les organisations patronales et syndicales du secteur de la propreté ont conclu un accord de branche qui écarte la possibilité, pour les salariés des entreprises de propreté mis à disposition d’une entreprise utilisatrice, d’exercer leurs droits de vote et d’éligibilité dans cette entreprise (Avenant du 12 déc. 2008 à la CCN de la propreté). Cependant, le ministre du Travail a refusé d’étendre cet accord, considérant qu’il était contraire aux dispositions du Code du travail.
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Un salarié licencié mais ayant obtenu sa réintégration en justice peut-il poser sa candidature ?
Un salarié protégé que vous auriez précédemment licencié et dont le juge a ordonné la réintégration dans l’entreprise est éligible, même si la réintégration n’est pas encore effective (
Cass. soc., 21 nov. 2007, no 07-60.102). Ce sera le cas :
Si un salarié licencié pour faute et estimant que son licenciement est discriminatoire, obtient sa réintégration provisoire en référé (dans l’attente de la décision des juges saisis au fond de l’action en annulation du licenciement), il peut dès son retour dans l’entreprise se porter candidat aux élections professionnelles. S’il est élu et que les juges le déboutent finalement de sa demande d’annulation du licenciement, vous êtes admis à mettre fin aux fonctions du salarié sans avoir à saisir l’inspecteur du travail pour autorisation (
Cass. soc., 1er avr. 2008, no 07-40.114).
Sachez-le :
il n’est pas nécessaire que les salariés de votre entreprise qui souhaitent se porter candidats puissent s’exprimer en français. Seuls les électeurs pourront, par leur vote, déterminer s’ils jugent que les candidats figurant sur une liste sont capables de les représenter efficacement.