◗ L’essentiel à savoir
L’exercice du droit d’alerte par un membre du CHSCT intervient lorsque le représentant de l’institution estime qu’il existe une situation de danger grave et imminent pour les salariés. Il fait généralement suite à l’exercice d’un droit de retrait par un salarié.
L’exercice de ce droit impose à l’employeur de réagir immédiatement. A ce stade, il n’a pas à apprécier la pertinence du danger grave et imminent. Il doit respecter une procédure strictement définie par le Code du travail et encadrée par des délais courts.
Il doit ainsi dans un premier temps procéder sur le champ à une enquête avec le membre du CHSCT qui a signalé le danger.
En cas de désaccord sur la réalité du danger ou la façon d’y remédier, l’employeur doit convoquer en urgence le CHSCT dans les 24 heures pour statuer sur ce droit d’alerte.
Si au cours de cette réunion, aucun accord n’est trouvé, l’inspecteur du travail est saisi en vue de statuer sur l’existence d’un danger grave et imminent et les mesures à prendre.
Pendant toute la période que dure la procédure de droit d’alerte, les salariés bénéficient du régime de la faute inexcusable de l’employeur si le risque signalé par le membre du CHSCT se réalise.
◗ Questions à se poser et précautions à prendre
Qu’est-ce qu’un danger grave et imminent ?
Cette question est importante car elle va déterminer le caractère fondé ou non de la procédure de droit d’alerte mais, précisons-le tout de suite, elle ne va en aucun cas permettre à l’employeur de s’y opposer.
Il n’existe pas de définition légale du danger grave et imminent. Celui-ci est laissé à l’appréciation des parties et, en cas de désaccord, c’est l’inspecteur du travail et le cas échéant le juge qui seront amenés à trancher.
La circulaire DRT no 93-15 du 25 mars 1993 a toutefois tenté de donner une définition.
Ainsi, est grave « tout danger susceptible de produire un accident ou une maladie entraînant la mort ou paraissant devoir entraîner une incapacité permanente ou temporaire prolongée » et est imminent « tout danger susceptible de se réaliser brutalement dans un délai rapproché » (1).
D’une manière générale, on peut considérer que toute menace réelle, non inhérente à la tenue du poste lui-même (2) et donc « inhabituelle » qui est susceptible « raisonnablement » de causer un préjudice grave (et non simplement léger) à un salarié pourra être constitutif d’un danger grave et imminent.
De même, il faut distinguer le danger grave et imminent du simple risque (un poste de commercial itinérant implique forcément des risques car la personne utilise son véhicule régulièrement) ou du désagrément, ce qui n’est pas toujours évident ou en tout cas donne lieu à interprétation.
Le danger grave et imminent suppose donc une situation « exceptionnelle » qui nécessite une réponse « urgente » de l’employeur pour éviter qu’un « drame » se produise.
Remarque :L’exercice préalable d’un droit de retrait par un salarié n’est en aucun cas une condition nécessaire pour que soit reconnu un danger grave et imminent. De même, l’exercice du droit de retrait ne permet en aucun cas de déduire « automatiquement » l’existence d’un danger grave et imminent.
Ne pas empêcher le membre du CHSCT de se rendre sur les lieux d’un danger signalé
Lorsque un danger grave et imminent est signalé par un salarié, le plus souvent suite à un droit de retrait, l’employeur ne peut s’opposer à ce qu’un membre du CHSCT se rende sur place pour se rendre compte de la situation ni lui refuser de lui fournir les moyens nécessaires pour s’y rendre (un véhicule par exemple) (3).
Remarque :Le temps passé à l’exercice du droit d’alerte s’impute sur le crédit d’heures dont dispose les membres du CHSCT et correspond à des circonstances exceptionnelles au sens de l’article L. 4616-6 du Code du travail permettant au représentant de dépasser son crédit d’heures légal (4).
Faire constater le danger grave et imminent par écrit par le membre du CHSCT qui l’a signalé
L’article D. 4132-1 du Code du travail (5) est très clair sur ce point, le membre du CHSCT doit consigner par écrit le danger grave et imminent constaté dans le registre spécial ouvert à cet effet par l’employeur dont les pages doivent être numérotées et authentifiées par le CHSCT. Le membre du CHSCT doit a minima noter : les postes de travail concernés, la nature et la cause du danger constaté, les noms des salariés exposés ainsi que signer et dater l’avis.
Remarque :Si plusieurs CHSCT sont constitués, il faut selon nous constituer autant de registres spéciaux qu’il y a de CHSCT.
Ne pas contester « a priori » l’exercice du droit d’alerte
Même si l’employeur considère que l’exercice du droit d’alerte n’est pas fondé sur un motif pertinent, il ne lui est pas possible de refuser d’appliquer la procédure sans que cela lui soit reproché.
Dit autrement, même si l’employeur ne se trouve manifestement pas face à un cas de danger grave et imminent, il est toutefois dans l’obligation de mener la procédure jusqu’à son terme sauf à faire reconnaître par le membre du CHSCT qui a déclenché le droit d’alerte ou bien la majorité des membres du CHSCT qu’il n’y a pas danger grave et imminent.
Remarque :Partant de ce principe et de l’obligation qui est faite à l’employeur de donner suite au droit d’alerte, certains membres du CHSCT peuvent être tentés de le détourner de sa vocation première pour que soient abordés des sujets que l’employeur ne souhaite pas porter à l’ordre du jour du CHSCT et qui ne sont en aucun cas des dangers graves et imminents. Face à une telle pratique, l’employeur est « démuni » et doit mener la procédure jusqu’à son terme.
Se rendre immédiatement sur les lieux signalés par le membre du CHSCT
Une fois le danger grave et imminent signalé et consigné dans le registre spécial, le Code du travail précise que l’employeur ou son représentant se rend « immédiatement » sur les lieux du danger signalé (6).
Il n’est pas question ici d’invoquer une réunion ou un empêchement, l’employeur doit se rendre au plus vite sur les lieux signalés. En cas d’impossibilité matérielle, il peut désigner un représentant qui doit toutefois disposer d’une délégation de pouvoirs suffisante pour pouvoir prendre, dans l’urgence, toutes les mesures qui pourraient s’imposer pour remédier au danger signalé (arrêt de machines, commande d’éléments de protection, …). En pratique, le président du CHSCT peut être une bonne alternative au déplacement de l’employeur.
Une fois sur place, l’employeur ou son représentant procède à une enquête avec le membre du CHSCT qui a signalé le danger.
Cette enquête a pour objectif d’aboutir à des mesures à prendre pour remédier au danger grave et imminent.
Remarque :Il peut y avoir un désaccord entre le membre du CHSCT et l’employeur sur les mesures à prendre mais non sur l’existence du danger grave et imminent. Dans un tel cas, le CHSCT devra être réuni en urgence (voir infra). Toutefois, dans l’attente, l’employeur doit prendre les mesures qui lui semblent s’imposer même si le membre du CHSCT les juge insuffisantes ou inadaptées. L’absence d’accord ne doit en aucun cas avoir pour conséquence l’absence de prise de mesures (hormis l’hypothèse où l’employeur estime qu’il n’y a pas danger grave et imminent bien entendu).
Face à un désaccord mineur, une alternative est de convenir avec le membre du CHSCT que ce dernier lève son droit d’alerte et qu’en contrepartie, ce sujet soit mis formellement à l’ordre du jour du prochain CHSCT.
Réunir le CHSCT dans les 24 heures si un désaccord existe sur la réalité d’un danger grave et imminent ou bien sur les mesures à prendre
Si, à l’issue de l’enquête, l’employeur et le membre du CHSCT n’arrivent pas à se mettre d’accord sur les mesures à prendre ou bien sur l’existence même d’un danger grave et imminent, le CHSCT doit être réuni en urgence dans les 24 heures.
Bien que cela ne soit pas précisé, le délai de 24 heures court selon nous à compter de la fin de l’enquête et par conséquent du constat du désaccord.
Au regard des délais très brefs qui lui sont impartis, cette réunion du CHSCT n’est pas précédée du même formalisme que les réunions ordinaires ou extraordinaires (préparation conjointe d’un ordre du jour, convocation écrite, …). Cette réunion peut donc être convoquée par tout moyen (mail, téléphone, fax, …) et ne portera que sur la situation qui a fait l’objet de l’alerte.
Remarque :Le CHSCT doit être convoqué dans les 24 heures. Toute latitude est donc laissée à l’employeur pour fixer l’horaire de la réunion et il n’est pas précisé que celui-ci doit se tenir pendant le temps de travail… En conséquence, et pour tenter de contrer des procédures de danger grave et imminent initiées alors que manifestement, elles ne répondent pas « objectivement » à leur définition, certains employeurs peuvent être tentés de fixer les réunions à des horaires très tardifs pour inciter le membre du CHSCT à retirer son droit d’alerte. Une telle attitude est formellement déconseillée lorsque le danger grave et imminent est manifestement avéré.
La réunion du CHSCT va permettre l’examen collégial de la situation et des mesures à prendre.
Cet examen doit nécessairement aboutir à une délibération avec vote.
Si la majorité des représentants du personnel au CHSCT avalise les mesures envisagées, la procédure s’arrête, et les mesures sont mises à exécution. A défaut, l’inspecteur du travail est obligatoirement saisi.
Saisir l’inspecteur du travail en cas de désaccord avec la majorité du CHSCT
A défaut d’accord avec le CHSCT et en application de l’article L. 4132-4 du Code du travail, l’employeur doit saisir immédiatement l’inspecteur du travail afin que ce dernier statue sur la procédure de danger grave et imminent et les mesures à prendre.
L’inspecteur du travail dispose de plusieurs moyens pour mettre fin à cette procédure.
Il peut tout d’abord agir de manière amiable en arbitrant le désaccord, le cas échéant par écrit, ou en aidant les protagonistes à le résoudre. C’est la voie à privilégier et il ne faut pas, selon nous, hésiter à inviter l’inspecteur du travail à une réunion du CHSCT pour trouver une solution qui mette fin à la procédure.
Il dispose également de moyens plus contraignants (7) :
◗ Risques encourus
A partir du moment où un danger grave et imminent est signalé par un membre du CHSCT, les salariés peuvent se prévaloir du régime de la faute inexcusable de l’employeur s’ils sont victimes d’un accident du travail ou bien d’une maladie professionnelle ayant pour origine le risque porté à la connaissance de l’employeur (10).
Cette présomption de faute inexcusable incite l’employeur à faire vite pour que la procédure d’alerte pour danger grave et imminent soit terminée au plus vite.
Par suite, quels sont les risques encourus par l’employeur si ce dernier n’est pas diligent pour se rendre sur les lieux avec le membre du CHSCT pour mener l’enquête ou bien tarde à réunir le CHSCT suite à un désaccord ?
Les textes ne prévoient pas de sanctions spécifiques. Toutefois, à partir du moment où la procédure est enclenchée, sa faute inexcusable est présumée commise. Plus il tarde à mener la procédure et plus longtemps il reste soumis à cette présomption.
De plus, en ne respectant pas la procédure en cas de danger grave et imminent, l’employeur se rend coupable d’un délit d’entrave prévu par l’article L. 4742-1 du Code du travail (11).
Remarque :Comme évoqué supra, on a pu constater que certains membres du CHSCT « détournent » la procédure d’alerte pour contraindre l’employeur à évoquer des sujets qui ne relèvent pas de cette procédure. Si de tels agissements devaient se multiplier, on pourrait, en théorie, menacer de poursuivre pour délit d’entrave le membre qui, en agissant de la sorte, empêche le fonctionnement régulier de l’institution ou du moins en perturbe le fonctionnement. Toutefois, en pratique, il nous semble qu’un juge retiendra difficilement une telle qualification.
(2) CA Aix-en-Provence, 9ème ch., 8 nov. 1995, no 92/6287, « Que l’employeur ne pouvait en effet garantir une absence de risque, dès lors que celui-ci est inhérent à la fonction exercée et initialement acceptée par ce salarié » (à propos d’un poste de convoyeur de fonds).
(3) Cass. soc., 10 oct. 1989, no 86-44.112 : « L’employeur ne saurait refuser au présentant du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail concerné de se rendre sur les lieux ni de lui fournir à cet effet les moyens nécessaires ».
(4) Cass. Soc., 25 juin 2003, no 01-41.783 : « il en résulte nécessairement que le temps litigieux correspondait à des circonstances exceptionnelles au sens de l’article L. 236-7 du Même Code dès lors que les membres concernés des CHSCT avaient déjà utilisé leur crédit d’heures légal ».
(5) C. trav., art. D. 4132-1 : « L’avis du représentant du personnel au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, prévu à l’article L. 4131-2, est consigné sur un registre spécial dont les pages sont numérotées et authentifiées par le tampon du comité. Cet avis est daté et signé. Il indique : 1o Les postes de travail concernés par la cause du danger constaté ; 2o La nature et la cause de ce danger ; 3o Le nom des travailleurs exposés ».
(6) C. trav., art. L. 4132-2 : « Lorsque le représentant du personnel au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail alerte l’employeur en application de l’article L. 4131-2, il consigne son avis par écrit dans des conditions déterminées par voie réglementaire. L’employeur procède immédiatement à une enquête avec le représentant du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail qui lui a signalé le danger et prend les dispositions nécessaires pour y remédier ».
(7) C. trav., art. L. 4132-4 : « A défaut d’accord entre l’employeur et la majorité du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail sur les mesures à prendre et leurs conditions d’exécution, l’inspecteur du travail est saisi immédiatement par l’employeur. L’inspecteur du travail met en oeuvre soit l’une des procédures de mise en demeure prévues à l’article L. 4721-1, soit la procédure de référé prévue aux articles L. 4732-1 et L. 4732-2 ».
(8) C. trav., art. L. 4721-1 : « Le directeur départemental du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle, sur le rapport de l’inspecteur du travail constatant une situation dangereuse, peut mettre en demeure l’employeur de prendre toutes mesures utiles pour y remédier, si ce constat résulte : 1o D’un non-respect par l’employeur des principes généraux de prévention prévus par les articles L. 4121-1 à L. 4121-5 et L. 4522-1 ; 2o D’une infraction à l’obligation générale de santé et de sécurité résultant des dispositions de l’article L. 4221-1 ».
(9) C. trav., art L. 4732-1 : « Indépendamment de la mise en œuvre des dispositions de l’article L. 4721-5, l’inspecteur du travail saisit le juge des référés pour voir ordonner toutes mesures propres à faire cesser le risque, telles que la mise hors service, l’immobilisation, la saisie des matériels, machines, dispositifs, produits ou autres, lorsqu’il constate un risque sérieux d’atteinte à l’intégrité physique d’un travailleur résultant de l’inobservation des dispositions suivantes de la présente partie ainsi que des textes pris pour leur application : 1o Titres Ier, III et IV et chapitre III du titre V du livre Ier ; 2o Titre II du livre II ; 3o Livre III ; 4o Livre IV ; 5o Titre Ier, chapitres III et IV du titre III et titre IV du livre V. Le juge peut également ordonner la fermeture temporaire d’un atelier ou chantier. Il peut assortir sa décision d’une astreinte qui est liquidée au profit du Trésor ».
(10) C. trav., art. L. 4131-4 : « Le bénéfice de la faute inexcusable de l’employeur prévue à l’article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale est de droit pour le ou les travailleurs qui seraient victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle alors qu’eux-mêmes ou un représentant du personnel au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail avaient signalé à l’employeur le risque qui s’est matérialisé ».
(11) C. trav., art. L. 4742-1 : « Le fait de porter atteinte ou de tenter de porter atteinte soit à la constitution, soit à la libre désignation des membres, soit au fonctionnement régulier du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, notamment par la méconnaissance des dispositions du livre IV de la deuxième partie relatives à la protection des représentants du personnel à ce comité, est puni d’un emprisonnement d’un an et d’une amende de 3 750 €. En cas de récidive, l’emprisonnement peut être porté à deux ans et l’amende à 7 500 € » ; Pour un exemple d’action en délit d’entrave pour non respect de la procédure d’alerte : Cass. Crim., 27 sept. 1995, no 92-81.941 : « en ce que l’arrêt attaqué a dit non établi le délit d’entrave au fonctionnement d’un comité d’entreprise d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (…) aux motifs que (…)et la violation de l’article L. 231-9 concernant la procédure à observer en cas de danger grave et imminent ».
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