La seule contrainte légale consiste à respecter un délai de prévenance, lequel est fonction de la durée de présence du salarié dans l’entreprise.
Par ailleurs, la convention collective applicable peut prévoir un formalisme allégé ou un préavis plus long.
En outre, cette rupture n’échappe pas à l’ensemble des autres règles du droit du travail : principe de non-discrimination, garanties disciplinaires, statuts protecteurs.
Enfin, comme pour l’exercice de tout droit, elle ne doit pas intervenir dans des conditions abusives.
◗ Les précautions à prendre
Avant de décider de rompre la période d’essai, il convient de procéder à un audit de la situation. A quel stade de l’essai se trouve-t-on ? Quelles sont les raisons pour lesquelles l’essai n’est pas concluant ? Le salarié bénéficie-t-il d’une protection particulière ?
Maîtriser son calendrier
On ne peut rompre l’essai n’importe quand, ni n’importe comment.
La loi impose en effet de respecter certains délais, tant en ce qui concerne l’information du salarié que la date de rupture
Il faut donc avoir présentes à l’esprit aussi bien la date d’arrivée du salarié dans l’entreprise, que celle de la fin de sa période d’essai.
• Vérifier en amont la date d’expiration de la période d’essai
Il s’agit là d’une précaution élémentaire. La rupture de la période d’essai doit intervenir à temps
Une notification qui interviendrait après l’expiration de la période d’essai s’analyse en un licenciement (2), nécessairement irrégulier et de surcroît sans cause réelle ni sérieuse pour défaut de motivation de la notification du licenciement.
Il est donc crucial de déterminer avec certitude le terme de la période d’essai afin de ne pas la rompre hors-délai.
Sauf dispositions conventionnelles ou contractuelles contraires, il n’y a pas lieu de se référer aux règles de computation des délais de procédure civile (3).
Ainsi, une période d’essai de trois mois commençant le 3 janvier prend fin le 2 avril à minuit, et non pas le 3 avril à minuit. Il en résulte que tout essai qui expire normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, n’est pas prorogé jusqu’au premier jour ouvrable suivant (4).
Par ailleurs, lorsque la période d’essai est stipulée en jours, sans autre précision, elle doit être décomptée en jours calendaires et non en jours travaillés (5).
L’essai s’entend de travail effectif. Par conséquent, lorsque la période d’essai a été suspendue suite à la maladie ou l’accident, professionnels ou non, du salarié, ou encore à la fermeture de l’entreprise pour congés payés (6), son terme peut être reporté d’autant. L’employeur dispose dans ce cas de ce délai complémentaire pour rompre l’essai.
ObservationsS’agissant d’un arrêt de travail pour maladie ou accident dont la durée nécessite une visite de reprise auprès du médecin du travail (7), la période de suspension se prolonge jusqu’à ladite visite de reprise qui, en cas de décision d’inaptitude, est constituée par deux examens médicaux espacés de deux semaines.
• Avertir suffisamment tôt le salarié de la rupture
Par ailleurs, la loi impose le respect d’un délai de prévenance avant que la rupture ne prenne effet. En matière de CDI (pour les CDD, voir encadré, infra), il faut prévenir le salarié au minimum (8) :
Le respect de cette règle ne pose aucun problème en l’absence de disposition conventionnelle ou contractuelle contraire.
En revanche, quel préavis faut-il appliquer si la convention collective ou le contrat en prévoit également un, le préavis légal, conventionnel ou contractuel ?
En pareil cas, le principe général de faveur qui régit le droit social conduit à envisager deux alternatives assorties de deux solutions :
En pratique, la plupart des conventions collectives prévoient un préavis de rupture calculé en fonction de la durée de la période d’essai alors que, comme nous venons de le voir, le délai légal tient compte de la durée de présence du salarié au moment où la rupture est décidée.
C’est donc au jour où on choisit de rompre qu’il faut se placer pour déterminer lequel des deux délais est le plus long, et donc applicable.
ObservationsPour apprécier si le délai de prévenance a été respecté, il convient, selon nous, de se placer à la date à laquelle l’information est parvenue à l’intéressé, et non pas au jour de l’envoi du courrier de notification.
EXEMPLE
La convention collective prévoit une période d’essai de trois mois renouvelable pour un cadre, avec un préavis de rupture de sept jours à respecter.
Jean-Philippe Mercier a été embauché le 5 janvier en qualité de chef de projet (assimilé cadre).
Le 12 février, son manager constate le caractère très insuffisant d’un rapport d’activité remis récemment par Mercier : imprécis, dénué de sens et sans apport significatif.
En outre, désigné chef d’une petite équipe de 3 salariés, son arrivée a coïncidé avec les premiers dysfonctionnements au sein du service, lequel tarde à retrouver toute sa sérénité.
Bref, son manager considère que Mr Mercier ne fait pas l’affaire, et souhaite donc rompre sa période d’essai. Quel préavis de rupture appliquer ?
Conformément à la loi, il faut dans ce cas respecter un préavis de deux semaines puisque la rupture intervient après un mois de présence.
Ce délai est plus long que celui prévu par la convention collective (7 jours), c’est donc celui-ci (le délai légal) qui doit être respecté.
• Privilégier la rupture de l’essai avant son terme plutôt que le respect du délai de prévenance
L’application du délai de prévenance ne doit pas soulever trop de difficultés lorsque le manager cerne rapidement les limites et les carences du salarié à son poste.
Mais quid si ce constat est établi tardivement, en toute fin de période d’essai ?
Faut-il prolonger la durée de celle-ci, pour que le délai de prévenance aille à son terme ?
Non, selon la loi. Le respect du délai de prévenance ne doit pas avoir pour effet de prolonger la durée de l’essai (renouvellement compris) (10).
Ce qui signifie qu’il faut être vigilant et ne surtout pas allonger l’essai de la durée du délai de prévenance restante à courir si l’on a décidé de rompre tardivement.
Le fait que la totalité du délai de prévenance ne puisse se dérouler pendant la période d’essai n’ouvre droit, en effet, et sauf grave de ce dernier, qu’au versement au salarié d’une indemnité compensatrice égale au montant des salaires et avantages qu’il aurait perçus s’il avait accompli son travail jusqu’à l’expiration du délai de prévenance, indemnité compensatrice de congés payés comprise (11).
Alors que maintenir le salarié à son poste au-delà de la date de la fin de la période d’essai pour respecter le délai de prévenance aurait pour effet de rendre son embauche « définitive ». Avec pour seul recours si l’on souhaite s’en séparer, le déclenchement d’une procédure de licenciement.
De ce point de vue, il est parfaitement inopérant de rompre l’essai avant son terme et de demander au salarié de venir travailler au-delà de cette période pour respecter le délai de prévenance légal. La poursuite des relations de travail après le terme de l’essai ayant rendu le contrat définitif, la rupture s’analyse en un licenciement qui, non motivé, est sans cause réelle et sérieuse (12).
EXEMPLE
Un cadre a été embauché pour 3 mois renouvelable une fois, conformément aux dispositions de son contrat de travail et de la convention collective.
Ayant effectué plusieurs missions importantes qui avaient semblé donner satisfaction, la DRH envisage de le « confirmer » lorsque, 15 jours avant le terme des 6 mois de l’essai, les résultats de travaux antérieurs lui parviennent, et semblent médiocres.
Aussi son responsable ne souhaite pas le garder.
La convention collective étant muette quant à l’existence d’un délai de prévenance à respecter, il faut appliquer la loi.
Conformément aux prévisions de celle-ci, il faut informer le salarié de la rupture au moins un mois avant que celle-ci ne soit effective.
Or, la période d’essai expire normalement dans 15 jours. Que faire ?
La réponse est claire : il faut rompre l’essai le plus vite possible, en tout cas avant le terme prévu. Et ce, même si le délai de prévenance, n’est, finalement, pas respecté.
Le problème de ce non-respect du délai de prévenance se réglera au moment du solde de tout compte (cf. infra), par le versement d’une indemnité correspondant aux jours que le salarié aurait dû effectuer.
Lorsque celle-ci est inférieure à une semaine, aucun délai de prévenance n’est à respecter.
Il en va différemment pour tous les CDD qui fixent une durée supérieure.
En pareil cas, le salarié doit être averti :
Comme pour le CDI, le non-respect du délai de prévenance devrait se solder par le versement d’une indemnité correspondant aux jours excédentaires, c’est-à-dire un ou deux jours de salaire.
Et comme c’est le cas en matière de rupture de l’essai d’un CDI, l’application du délai de prévenance ne doit pas avoir pour effet de prolonger l’essai. Il faut surtout veiller à ne pas laisser le salarié continuer à travailler au-delà de la période d’essai pour respecter cette obligation.
Cela aurait pour effet de rendre (comme pour le CDI) son embauche « définitive », et la rupture anticipée du CDD illicite (car hors des cas autorisés par la loi : commun accord, faute grave, force majeure). Avec à la clé le versement de dommages et intérêts correspondant à l’intégralité des salaires dus jusqu’à la fin du contrat !
S’il est évidemment préférable de respecter cette obligation en étant attentif au calendrier, il ne faut surtout pas se tromper de priorité : la rupture de l’essai avant son terme prime largement le respect du délai de prévenance qui aboutirait à une rupture hors délai.
En pratique, et compte tenu des durées maximales des périodes d’essais autorisées par la loi en matière de CDD (voir nos 110-30 et 110-31, Embaucher sous CDD), cette règle est susceptible de concerner tous les CDD de plus de deux mois, ce qui vise un nombre non négligeable de situations.
Un cas impossible : la rupture après instauration d’une période probatoire
Lorsqu’au cours de la période d’essai le salarié fait l’objet d’une promotion assortie d’une période probatoire, celle-ci a pour effet de mettre fin à l’essai (13). Inutile donc dans ce cas précis, si le salarié ne fait pas l’affaire et qu’il regagne son poste initial, de penser pouvoir s’en séparer sans motif. La période d’essai s’est achevée avec la période probatoire.
Vérifier les raisons de la rupture envisagée
Bien qu’en principe la décision de rupture de la période d’essai relève du pouvoir discrétionnaire de l’employeur, ce qui le dispense d’avoir à justifier du motif de cette rupture (14), celle-ci doit reposer sur un motif en rapport avec les capacités professionnelles du salarié. Il s’agit donc ici de s’assurer que la véritable raison de la rupture n’est pas illicite ou qu’elle ne relève pas de ce qu’on appelle l’abus de droit.
Par ailleurs, dans de rares cas, la convention collective peut restreindre les motifs de rupture de la période d’essai (15). Il est préférable de vérifier ce point.
• Débusquer le motif illicite
L’employeur doit faire en sorte que les circonstances dans lesquelles il met fin à la période d’essai ne laissent pas supposer que sa décision a été prise en réalité pour des motifs tombant sous le coup d’une discrimination prohibée (16).
Il en est ainsi, par exemple, d’une rupture d’essai intervenue très peu de jours après le retour du salarié d’un arrêt de travail pour maladie (17).
De la même façon, se révèle abusive une rupture de l’essai pendant un arrêt maladie au prétexte que les absences avaient troublé le fonctionnement de l’entreprise au point de rendre indispensable l’embauche d’un salarié. Valable en cas de licenciement pour trouble objectif, ce motif est non recevable pendant la période d’essai dès lors que la perturbation engendrée par l’absence est étrangère à l’appréciation des compétences du salarié, qui est l’objet de l’essai (18).
ObservationsLa vigilance s’impose eu égard au spectre très large des causes possibles de discrimination (activité syndicale, grève, mœurs, état de santé, situation de famille…) et surtout au régime particulier de la preuve qui facilite la tâche du salarié (19). Il faut savoir, en effet, que la moindre suspicion d’une discrimination illicite (par exemple, une rupture de période d’essai intervenant juste après la participation du salarié à un mouvement de grève) va contraindre l’employeur à démontrer que la rupture de l’essai était motivée par des considérations sans lien avec cette circonstance. D’où la nécessité de procéder à un bilan régulier du déroulement de la période d’essai (pour un modèle, voir no 115-51, Renouveler un essai – Comment procéder ?), surtout lorsque son issue ne se présente pas sous les meilleures auspices.
• Débusquer l’abus de droit
L’employeur ne doit pas faire un usage abusif de son droit de résiliation discrétionnaire (20).
Il y a abus de droit lorsque la rupture révèle une intention de nuire et/ou est mise en œuvre avec une légèreté blâmable (précipitation intempestive, totale désinvolture, simple soupçon de malhonnêteté, etc.), ou encore lorsqu’elle constitue un détournement de l’objet de la période d’essai.
Lorsqu’il est reconnu, l’abus de droit résulte souvent d’un faisceau d’indices.
Les juges se montrent attentifs au temps qui a été laissé au salarié pour révéler ses véritables qualités et sa capacité professionnelle à occuper son poste (21).
La rupture doit par ailleurs être en relation avec l’essai. L’abus de droit peut être caractérisé lorsque la rupture laisse apparaître dès l’origine l’intention de l’employeur de limiter l’emploi du salarié à la seule durée de l’essai (22) ou lorsque la rupture a en réalité pour origine la suppression de l’emploi occupé par l’intéressé (23).
Elle doit donc avoir pour cause des considérations professionnelles, c’est-à-dire reposer sur l’insuffisance des capacités du salarié, qu’il s’agisse de son savoir-faire ou de son savoir-être. C’est ainsi qu’ont été jugées abusives des ruptures d’essai consécutives au refus de l’intéressé d’accepter une clause de mobilité (24) ou à l’absence de vacance du poste qui lui était promis (25).
Dans cet esprit, la rupture d’une période d’essai pour motif économique (26), pour procéder à des ajustements d’effectifs modulables au gré des événements (27) ou pour un motif étranger au salarié est à proscrire.
ObservationsL’absence de toute motivation de la lettre de rupture ne constitue pas une protection absolue pour l’employeur. Elle a principalement pour effet de faire supporter la charge de la preuve au salarié, sachant que le juge tient également compte des circonstances et de faisceaux d’indices pour déterminer la véritable cause de la rupture.
Vérifier si le salarié bénéficie d’une protection spéciale
Certaines législations protectrices l’emportent sur la liberté de résiliation du contrat de travail pendant l’essai. Il en va ainsi notamment des victimes d’accident du travail, des salariés protégés (représentants du personnel…). Par analogie, des précautions élémentaires doivent, selon nous, également être prises à l’égard des femmes enceintes et des salariés devenus physiquement inaptes à leur emploi.
• Accidentés du travail
La protection des accidentés du travail s’applique pendant la période d’essai (28).
Celle-ci ne peut donc être rompue pendant l’arrêt de travail qu’en cas de faute grave du salarié ou impossibilité de maintenir le contrat de travail par suite de circonstances indépendantes de l’intéressé (29).
Si l’arrêt a duré au moins 8 jours, et que la visite de reprise conclut à l’inaptitude du salarié à l’emploi qu’il occupait, la rupture de l’essai ne sera possible que si, après avis du médecin du travail et des délégués du personnel, son reclassement sur un autre poste s’avère impossible (30) (voir no 110-30 et no 110-31 Licencier pour inaptitude).
Si la recherche de reclassement aboutit, le salarié sera jugé sur un autre poste, mais attention : les compteurs de la computation de la période d’essai (qui a été suspendue par l’arrêt de travail, voir supra) ne sont pas remis à zéro. Autrement dit, le reclassement ne fait pas redémarrer une nouvelle période d’essai (31) et, selon le stade auquel est survenu l’accident du travail, il peut rester très peu de temps à l’employeur pour se forger une opinion.
ObservationsOn observera à quel point la protection des victimes d’accident du travail prime sur toute autre considération. Même si le salarié avait révélé son inadéquation au poste et que la rupture de son essai était inéluctable, la survenance de l’accident le fait basculer dans le régime protecteur institué par la loi et empêche l’employeur de se prévaloir de l’insuffisance professionnelle précédemment constatée.
• Inaptitude physique à l’emploi d’origine non professionnelle
Sauf s’il y a inaptitude constatée par le médecin du travail, la maladie ne peut jamais constituer en elle-même une cause de rupture du contrat de travail. A défaut, celle-ci est discriminatoire et expose l’employeur à une annulation. Cette règle s’applique également pendant la période d’essai.
Lorsque l’état de santé du salarié oblige néanmoins l’employeur à envisager la rupture de sa période d’essai, et que les circonstances ne permettent pas d’en occulter le véritable motif, il est conseillé de procéder comme pour les accidentés du travail (voir supra), à la seule différence qu’il n’y a pas, dans ce cas, à solliciter l’avis des délégués du personnel.
• Maternité
Contrairement au cas du salarié victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle (voir supra), la protection des salariées enceintes ne s’applique pas à la période d’essai (32). Cependant, l’article L. 1225-1 du Code du travail interdit à l’employeur de prendre en considération l’état de grossesse d’une salariée pour rompre sa période d’essai. En cas de litige, il lui impose de fournir au juge tous les éléments de nature à justifier sa décision. Ce qui, pour autant, ne signifie pas qu’il doive motiver la lettre de notification.
• Salariés protégés
La protection exceptionnelle dont bénéficient certaines catégories de salariés s’applique durant la période d’essai (33). Autrement dit, sa rupture doit, sous peine de nullité, être préalablement autorisée par l’inspecteur du travail.
Cette situation peut paraître bien théorique en raison de la condition d’ancienneté imposée pour être élu (DP, CE…) ou désigné (DS) au sein de l’entreprise. C’est sans compter avec certaines fonctions exercées à l’extérieur.
Cette règle est en effet applicable à tous les salariés protégés, et cela quelle que soit leur mission. Sont donc particulièrement visés les membres des conseils d’administration des organismes de sécurité sociale, les conseillers prud’homaux, les conseillers du salarié…
Reste à pouvoir les identifier (34). Ce problème devrait en principe avoir été réglé juste après l’embauche par le biais du questionnaire sur la situation personnelle et administrative du salarié (voir no 105-31).
Observations :Compte tenu des délais induits par le respect de la procédure administrative, l’employeur ne doit pas avoir attendu la fin de la période d’essai pour se poser la question de la confirmation ou non de la période d’essai. Par ailleurs, le respect de la procédure protectrice n’ayant pas pour effet de reporter le terme de la période d’essai, il est possible que l’autorisation n’intervienne que postérieurement à l’expiration de la période d’essai. Le problème se pose alors du régime de la rupture. Doit-on considérer que la demande d’autorisation produit les mêmes effets qu’une notification de rupture sous réserve (après tout, c’est à ce moment-là qu’est vraiment prise la décision de rompre, sa notification étant seulement subordonnée à l’autorisation de l’inspecteur du travail) ? Ou doit-on considérer que, la rupture étant intervenue par hypothèse hors période d’essai, les règles du licenciement doivent s’appliquer ? En l’absence de jurisprudence sur ce point, la prudence commanderait de notifier la rupture de la période d’essai comme un licenciement, c’est-à-dire par lettre recommandée avec accusé de réception, en faisant référence à l’autorisation administrative et en octroyant à l’intéressé, sauf faute grave, le préavis dû en cas de licenciement.
Date limite de notification de la rupture
Sauf les cas où le salarié bénéficie d’une protection spéciale impliquant recherche de reclassement et/ou demande d’autorisation administrative (voir supra), la décision de rupture peut intervenir jusqu’au dernier jour de la période d’essai, même si comme nous l’avons vu (cf. supra), il est préférable de le faire plus tôt, compte tenu de l’obligation faite par la loi (et, éventuellement, la convention) de respecter un délai de prévenance.
Toujours est-il qu’il est hors de question de laisser le salarié continuer à travailler après l’expiration de la date de sa période d’essai.
Le non-respect du délai de prévenance est un moindre mal, puisque comme nous l’avons vu, seule une indemnité compensatrice sera à verser au salarié. Alors que le laisser travailler au-delà de la fin de la période d’essai rendrait ipso facto son embauche « définitive », la seule issue étant alors la voie du licenciement.
RemarqueL’application du délai de prévenance peut, dans certains cas, soulever quelques difficultés.
En effet, si elle parait préjudiciable pour le salarié, la rupture de l’essai dans ses derniers instants a pour l’employeur le mérite de maintenir jusqu’au bout le salarié dans les meilleures conditions pour exécuter avec sérieux et application le travail demandé. Or, en avertissant l’intéressé un mois avant la date de rupture (lorsque le salarié est en poste depuis 3 mois ou plus) que l’essai ne débouchera pas sur une embauche ferme et définitive, le risque est grand que ce dernier se démobilise voire accomplisse dans certains cas extrêmes des actes répréhensibles. C’est la raison pour laquelle il peut être préférable, en pareil cas, de dispenser le salarié d’exécuter son « préavis » de rupture, en lui maintenant bien entendu sa rémunération sur cette même période.
Une autre technique consiste à notifier la rupture au dernier moment et à verser une indemnité compensatrice correspondant à la durée du délai de prévenance non respecté.
La date à prendre en compte pour vérifier si le contrat a été rompu au cours ou avant la fin de la période d’essai est celle à laquelle l’employeur a manifesté sa volonté d’y mettre fin, c’est-à-dire le jour de l’envoi de la lettre notifiant la rupture (35) et non pas celle de la première présentation par la Poste de la lettre de notification. En pratique, cela permet de maîtriser le calendrier, de ne pas subir (retard des services postaux, etc.) et de choisir la date de rupture.
◗ Les risques encourus
Les conséquences d’une rupture de l’essai qui reposerait en fait sur des motifs discriminatoires sont radicales : celle-ci est entachée de nullité. Ce qui signifie pratiquement la possibilité pour le salarié de demander réparation financière du préjudice subi ou sa réintégration assortie d’un rappel au moins partiel de salaire pour la période écoulée entre la rupture de son essai et son retour dans l’entreprise.
RemarqueDans cette hypothèse toutefois, il faut noter que le salarié ne peut en outre pretendre à l’indemnité compensatrice correspondant au préavis (36).
Il en va de même lorsque la rupture intervient en méconnaissance du statut protecteur dont le salarié pourrait bénéficier.
En cas de rupture abusive, l’entreprise s’expose seulement à des dommages-intérêts. En effet, l’abus n’est pas à lui seul une cause de nullité de la rupture de l’essai. Pour ce faire, il faudrait qu’il y ait eu par ailleurs discrimination.
Le montant des dommages-intérêts est en général assez minime, sauf lorsque la rupture abusive a été prononcée à l’encontre d’un salarié ayant démissionné de son précédent emploi pour rejoindre l’entreprise.
Si la rupture est prononcée avant le terme de l’essai, mais que le délai de prévenance n’a pas été respecté, on s’expose (si l’on a omis de verser au salarié une telle indemnité) au paiement d’une indemnité compensatrice correspondant aux jours excédentaires.
La rupture intervenant après l’expiration de la période d’essai constitue un licenciement irrégulier et sans cause réelle ni sérieuse. Mais compte tenu de la faible ancienneté du salarié, là aussi, les dommages-intérêts sont d’un montant assez minime.
En l’absence d’enjeu financier suffisamment important, le contentieux de la rupture de l’essai reste, en pratique, assez marginal.
Ces dispositions ne sont pas applicables pendant la période d’essai. »
(2) Cass. soc., 11 juill. 1991, no 90-41.755 : la notification de la rupture après l’expiration de la période d’essai constitue un licenciement.
(3) Cass. soc., 15 mars 2006, no 04-44.544 : « Les dispositions de l’article 641, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile, propres à la computation des délais de procédure, ne s’appliquent pas au calcul de la durée d’une période d’essai, laquelle, sauf disposition contraire, commence le jour même de la conclusion du contrat de travail, de sorte que la période d’essai d’un mois, renouvelée une fois pour une durée équivalente, ayant commencé à courir le 14 mai 2001, avait expiré le 13 juillet 2001 à minuit. »
(4) Cass. soc., 10 juin 1992, no 88-45.755 : « (…) Les dispositions propres à la computation des délais de procédure ne s’appliquant pas au calcul de la durée de la période d’essai, il en résulte que tout essai qui expire normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié, n’est pas prorogé jusqu’au premier jour ouvrable suivant (…) ».
(5) Cass. soc., 29 juin 2005, no 02-45.701 : « toute période d’essai exprimée en jours se décompte en jours calendaires ».
(6) Cass. soc., 5 mars 1997, no 94-40.042.
(7) C. trav. art. R. 4624-24 : absence d’au moins 21 jours en cas de maladie ou d’accident non professionnel, d’au moins 8 jours pour cause d’accident du travail.
(8) C. trav., art. L. 1221-25, al. 1 à 5 : délais de prévenance à respecter en fonction des durées de présence du salarié.
(9) Cass. soc., 15 avril 2016, no 15-12.588 : « (…) Attendu que, pour débouter le salarié de sa demande en paiement d’un rappel de salaire et de congés payés afférents, l’arrêt retient que le délai de prévenance mentionné dans le courrier de rupture, d’une durée de 48 heures est conforme aux dispositions de l’article L. 1221-25 du code du travail ;
Qu’en statuant ainsi, alors que les stipulations contractuelles prévoyaient un délai de prévenance d’une semaine pour une rupture du contrat de travail intervenant au cours des quatre premiers mois de la période d’essai, la cour d’appel, qui n’a pas appliqué au salarié ces dispositions plus favorables que la loi, a violé le texte susvisé (…) »
(10) C. trav., art. L. 1221-25, al. 6 : « La période d’essai, renouvellement inclus, ne peut être prolongée du fait de la durée du délai de prévenance ».
(11) C. trav., art. L. 1221-25, dernier al. : « Lorsque le délai de prévenance n’a pas été respecté, son inexécution ouvre droit pour le salarié, sauf s’il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice. Cette indemnité est égale au montant des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s’il avait accompli son travail jusqu’à l’expiration du délai de prévenance, indemnité compensatrice de congés payés comprise. »
(12) Cass. soc., 5 nov. 2014, no 13-18.114 : « (…) Attendu que pour décider que le contrat de travail avait été rompu pendant la période d’essai et débouter le salarié de ses demandes au titre de la rupture du contrat de travail, l’arrêt, après avoir relevé que la période d’essai de trois mois prenait fin le 16 avril 2011, retient que le salarié a bénéficié du délai de prévenance de deux semaines auquel il pouvait prétendre, du 8 avril au 22 avril 2011, l’employeur lui ayant notifié par lettre du 8 avril 2011 que son essai n’était pas concluant et que, pour respecter le délai légal de prévenance de quinze jours, son contrat de travail serait rompu à compter du 22 avril 2011 ;
Qu’en statuant ainsi, alors qu’elle constatait que la relation de travail s’était poursuivie au-delà du terme de la période d’essai, la cour d’appel a violé le texte susvisé (…) »
(13) Cass. soc., 20 oct. 2010, no 08-42.805 : « (…) Attendu, cependant, qu’en présence d’un avenant stipulant une période probatoire pour l’exercice de nouvelles fonctions, la période d’essai prévue dans le contrat de travail du salarié engagé pour occuper d’autres fonctions a nécessairement pris fin. »
(14) Cass. soc., 26 juin 1986, no 83-46.058 : durant la période d’essai, « chacune des parties dispose en principe d’un droit de résiliation discrétionnaire, sans avoir à alléguer de motifs ».
(15) Cass. soc., 5 mai 2004, no 01-47.071 : cas très particulier de la Convention collective nationale des transports publics urbains qui prévoit une période de « stage » de 12 mois à l’issue de laquelle il y a titularisation ou congédiement.
(16) C. trav. art. L. 1132-1 : les motifs discriminatoires sont ceux liés à l’origine, au sexe, aux mœurs, à l’orientation sexuelle, à l’âge, à la situation de famille, à la grossesse, aux caractéristiques génétiques, à l’appartenance ou la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, aux opinions politiques, aux activités syndicales ou mutualistes, aux convictions religieuses, à l’apparence physique, au nom de famille, et, sauf inaptitude constatée par le médecin du travail, à l’état de santé ou au handicap du salarié.
(17) Cass. soc., 16 févr. 2005, no 02-43.402 ; Cass. soc., 23 nov. 2005, no 04-40.119 : deux jours.
(18) Cass. soc., 10 avr. 2013, no 11-24.794 : « (…) la période d’essai étant destinée à permettre à l’employeur d’apprécier les qualités professionnelles du salarié, la cour d’appel, qui a retenu, sans inverser la charge de la preuve, et sans dénaturer les conclusions de l’employeur ni méconnaître les termes du litige, que la résiliation du contrat de travail était intervenue au cours de la période d’essai pour un motif non inhérent à la personne du salarié, a pu décider qu’elle était abusive (…) »
(19) C. trav. art. L. 1134-1 : « (…) le salarié (…) présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. »
(20) Cass. soc., 5 mai 2004, no 02-41.224 : « Si l’employeur peut discrétionnairement mettre fin aux relations contractuelles avant l’expiration de la période d’essai, ce n’est que sous réserve de ne pas faire dégénérer ce droit en abus. »
(21) Cass. soc., 5 mai 2004, no 02-41.224, précité : le peu de temps laissé au salarié pour faire ses preuves (une semaine pour un essai de trois mois), alors « qu’il n’avait pas encore été mis en mesure d’exercer les fonctions qui lui avaient été attribuées », joint au fait qu’il ait démissionné d’un précédent emploi et à un âge (45 ans) qui rendra la recherche d’emploi plus difficile, ont, selon les juges, participé ensemble de l’abus de droit.
Cass. soc., 15 nov. 2005, no 03-47.546 : idem s’agissant d’un directeur général adjoint dont l’essai a été rompu moins de deux semaines après son entrée dans l’entreprise, alors qu’il avait démissionné de son précédent emploi et avait été embauché après un long processus de négociation.
(22) Cass. soc., 5 oct. 1993, no 90-43.780 : « La cour d’appel, qui a retenu que l’intention de l’employeur, dès l’origine, de limiter l’emploi du salarié à la durée de l’essai était établie, a fait ressortir que la période d’essai avait été détournée de son objet. » Voir aussi Cass. soc., 31 oct. 2007, no 06-44.029 (embauche de quatre cadres supérieurs, à grand renfort de publicité, juste avant l’entrée en bourse de la société, puis rupture du contrat des intéressés en cours de période d’essai, dès que l’opération a été effectuée).
(23) Cass. soc., 20 nov. 2007, no 06-41.212 : « La période d’essai étant destinée à permettre à l’employeur d’apprécier la valeur professionnelle du salarié, la cour d’appel, qui a constaté dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation, que la résiliation du contrat de travail était intervenue au cours de la période d’essai pour un motif non inhérent à la personne du salarié [en l’occurrence la suppression de son emploi], a décidé à bon droit qu’elle était abusive. »
(24) Cass. soc., 4 juill. 2001, no 99-44.469 : « (…) la décision de rupture en cours de période d’essai était motivé par le refus du salarié d’accepter une proposition de l’employeur impliquant l’extension de son secteur d’activité à la Normandie au lieu de la seule région parisienne, ainsi que l’adjonction d’une clause de mobilité (…) la résiliation ne pouvait avoir pour cause l’insuffisance des capacités professionnelles du salarié (…) l’employeur avait commis un abus dans l’exercice de son droit de résiliation ».
(25) Cass. soc., 25 mars 1985, no 84-41.458 : « (…) après avoir laissé à Mr (…) un emploi stable lors de l’embauche, bien que la situation de la personne à laquelle il devait succéder ne fût pas clarifiée, la (…) l’avait licencié au seul motif que cette personne n’avait pas libéré son poste (…) a caractérisé la faute de l’employeur (…) ».
(26) Cass. soc., 24 nov. 1999, no 97-43.054 : « La cour d’appel, qui a constaté que la période d’essai avait été rompue, pour des considérations qui n’étaient pas inhérentes à la personne du salarié, a caractérisé un abus dans l’exercice du droit de résiliation en cours de période d’essai. »
(27) Cass. soc., 15 déc. 2010, no 09-42.273 : « (…) Qu’en statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté que l’employeur faisait valoir qu’il avait dû fermer l’hôtel le 8 janvier en raison de l’absence de neige, ce dont elle aurait dû déduire que la rupture en période d’essai, pour un motif non inhérent à la personne de la salariée, était abusive, la cour d’appel a violé les textes susvisés (…) »
(28) C. trav., art. L. 1226-9 ; C. trav., art. L. 1226-13 : ces articles interdisent, sous peine de nullité, toute résiliation du contrat de travail durant les périodes de suspension dues à un accident du travail ou une maladie professionnelle, sauf « faute grave de l’intéressé [ou] impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l’accident ou à la maladie ».
(29) Cass. soc., 12 mai 2004, no 02-44.325 : « (…) la résiliation du contrat de travail pendant la période de suspension provoquée par un accident du travail, est nulle même si elle intervient pendant la période d’essai et (…) l’impossibilité de maintenir le contrat pendant cette même période ne peut résulter que de circonstances indépendantes du comportement du salarié. »
(30) C. trav., art. L. 1226-10 : la loi organise une procédure très contraignante de rupture du contrat de travail d’un salarié déclaré inapte par le médecin du travail, procédure qui implique une recherche de reclassement et y associe les délégués du personnel.
Cass. soc., 25 févr. 1997, no 93-40.185 : « (…) les dispositions des articles L. 122-32-5, L. 122-32-6 et L. 122-32-7 du Code du travail sont applicables au cas du salarié victime d’un accident du travail pendant la période d’essai ;
« Qu’en statuant comme elle l’a fait, sans préciser quelles étaient les conclusions écrites du médecin du travail et sans vérifier si l’employeur s’était trouvé dans l’impossibilité de reclasser la salariée, ce qui aurait justifié la rupture du contrat de travail, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision. »
(31) Encore que sur ce point la jurisprudence n’ait jamais eu l’occasion de se prononcer.
(32) Cass. soc., 21 déc. 2006, no 05-44.806 : « s’il est exact que les dispositions de l’article L. 122-25-2 du Code du travail relatives à l’annulation du licenciement d’une salariée en état de grossesse en cas de connaissance postérieure par l’employeur de cet état ne sont pas applicables à la rupture en période d’essai (…). »
(33) Cass. soc., 26 oct. 2006, no 03-44.751 : « Les dispositions législatives ou réglementaires qui assurent une protection exceptionnelle et exorbitante du droit commun à certains salariés, en raison du mandat ou des fonctions qu’ils exercent dans l’intérêt de l’ensemble des travailleurs, s’appliquent à la rupture du contrat de travail à l’initiative de l’employeur pendant la période d’essai. »
(34) Cass. soc., 22 nov. 2000, no 98-44.185 : « (…) les résultats des élections prud’homales étant opposables à tous et la liste des conseillers élus qui est publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture pouvant être consultée par l’employeur, celui-ci ne peut justifier du non-respect de la procédure spéciale de licenciement par son ignorance du statut de conseiller prud’homme du salarié. »
(35) Cass. soc., 11 mai 2005, no 03-40.650 : « Mais attendu que la rupture d’un contrat de travail se situe à la date où l’employeur a manifesté sa volonté d’y mettre fin, c’est-à-dire au jour de l’envoi de la lettre recommandée avec demande d’avis de réception notifiant la rupture. »
(36) Cass. soc., 12 sept. 2018, no 16-26.333 : “(…) Mais attendu que selon l’article L. 1231-1 du code du travail, les dispositions du titre III du livre II du code du travail relatif à la rupture du contrat de travail à durée indéterminée ne sont pas applicables pendant la période d’essai ;
Et attendu que la cour d’appel, qui a déclaré nulle la rupture de la période d’essai, a exactement retenu que la salariée ne pouvait prétendre à l’indemnité de préavis (…)”
Votre numéro de téléphone est uniquement utilisé pour nous permettre de vous rappeler. Pour en savoir plus sur la gestion de vos données dans le cadre de la gestion du suivi de notre relation précontractuelle et contractuelle, ainsi que sur vos droits, vous pouvez consulter notre politique de confidentialité.