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420-7 Exécution provisoire de plein droit

Partie 4 –
Le jugement et ses suites
Titre 3 –
Actions post-jugement
Étude 420 –
Exécution du jugement prud’homal
Section 1 –
Nécessité d’une décision exécutoire
Sous-section 2 –
Décision exécutoire par provision
420-7 Exécution provisoire de plein droit

Définition

En vertu de la règle de l’effet suspensif des voies de recours, tant qu’une décision n’est pas définitive, la partie créancière ne peut pas en réclamer l’exécution. Ainsi, pendant un mois et pendant toute l’instance d’appel, tout acte d’exécution du jugement attaqué est interdit (CPC, art. 539). Cependant, deux nuances peuvent être apportées à ce principe. La première résulte du fait que le jugement attaqué constitue néanmoins un acte juridictionnel, pour sauvegarder ses droits, le gagnant pourra donc procéder à des mesures conservatoires (saisie conservatoire, inscription d’hypothèque conservatoire) :

  • —  ces mesures rendent les biens indisponibles dans le patrimoine du perdant ;
  • —  la seconde tient au prononcé d’une exécution provisoire.

Le mécanisme de l’exécution provisoire permet au gagnant d’un procès d’exécuter un jugement dès sa signification et ce, malgré l’effet suspensif du délai des voies de recours ordinaires ou de leur exercice. Son utilisation n’est toutefois pas sans risque.

Le créancier doit en effet s’attendre à se voir réclamer la restitution en cas d’infirmation dudit jugement par la cour d’appel, puisque « même autorisée à titre provisoire, l’exécution d’une décision de justice frappée d’appel n’a lieu qu’aux risques et périls de celui qui la poursuit, à charge pour lui de réparer, en cas d’infirmation, le préjudice qui a pu être causé par cette exécution » (Cass. soc., 23 mai 1957, no 46.997 ; Cass. soc., 18 janv. 2005, no 02-45.205). L’exécution provisoire produit un effet automatique indépendamment de la volonté des parties et du juge. Elle n’a ni à être demandée, ni à être ordonnée (Cass. soc., 17 juill. 1994, no 94-19.589).

RemarqueL’inexécution d’une décision assortie de l’exécution provisoire ne peut donner lieu à réparation lorsque cette décision est infirmée (Cass. 2e civ., 27 janv. 1993, no 87-19.661).

Reste que l’exécution forcée poursuivie en vertu d’un titre exécutoire à titre provisoire aux risques et périls du créancier n’est pas contraire aux exigences de l’article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (Cass. 2e civ., 10 févr. 2005, no 03-15.067 ; Cass. 2e civ., 10 févr. 2005, no 03-15.068).

Décisions exécutoires de droit par provision

De multiples projets de réforme ont été présentés tendant à la généralisation de l’exécution provisoire des jugements qui n’ont, pour l’heure, pas abouti. Les tenants de la thèse de l’exécution provisoire systématique sont nombreux en matière prud’homale et veulent traquer l’appel, perçu comme une manœuvre dilatoire. Les opposants, quant à eux, mettent en avant la nécessité de maintenir pleinement le double degré de juridiction. Une disposition en ce sens avait été prévue avant d’être finalement retirée du texte préparatoire devenu le décret no 2005-1678 du 28 décembre 2005 (JO 29 déc.) modifiant le Code de procédure civile. En matière prud’homale, l’exécution provisoire de droit est attachée à un certain nombre de créances pour l’essentiel de nature salariale. En revanche, les dommages-intérêts n’en bénéficient pas de plein droit.

En vertu de l’article R. 1454-28 du Code du travail, sont de plein droit exécutoires par provision les jugements des conseils de prud’hommes qui :

  • –  ne sont susceptibles d’appel que par suite d’une demande reconventionnelle ;
  • –  ordonnent la remise de certificats de travail, de bulletins de paie ou de toute pièce que l’employeur est tenu de délivrer (attestation Pôle emploi, etc.) (Cass. soc., 7 déc. 2005, no 04-42.111) ;
  • –  ordonnent le paiement de sommes dues au titre des rémunérations et indemnités mentionnées au 2º de l’article R. 1454-14 du Code du travail dans la limite maximum de neuf mois de salaire, calculées sur la moyenne des trois derniers mois de salaire.

Ces sommes sont celles pour lesquelles le bureau de conciliation, dans le cadre de ses pouvoirs juridictionnels, peut prononcer des condamnations à titre provisoire. Seul diffère le quantum : en effet, le bureau de conciliation ne peut prononcer de condamnation que dans la limite de six mois tandis que pour ces mêmes sommes, l’exécution provisoire est de droit dans la limite de neuf mois.

L’exécution provisoire de droit porte donc sur le versement :

  • de provisions sur les salaires et accessoires du salaire ainsi que les commissions. L’indemnité de non-concurrence est concernée par cette exécution provisoire de droit, dès lors que cette indemnité à une nature salariale (Cass. soc., 22 sept. 2011, nº 09-72.876) ;
  • de provisions sur les indemnités de congés payés, de préavis et de licenciement ;
  • de l’indemnité compensatrice et de l’indemnité spéciale de licenciement en cas d’inaptitude médicale consécutive à un accident du travail ou à une maladie professionnelle mentionnées à l’article L. 1226-14 du Code du travail ;
  • de l’indemnité de fin de CDD prévue à l’article L. 1243-8 du Code du travail et de l’indemnité de fin de mission mentionnée à l’article L. 1251-32 du Code du travail ;

Il revient au demandeur non seulement d’indiquer la moyenne des trois derniers mois de salaire, mais aussi de préciser ce qui a été effectivement perçu lors de ces trois derniers mois. Toutefois, « le défaut de mention dans le jugement du conseil de prud’hommes de la moyenne des trois derniers mois de salaires […] n’affectait pas le caractère exécutoire de droit par provision des condamnations prononcées » (Cass. soc., 17 juill. 1996, no 94-19.589, JCP G 1997, I, 4006, no 3, obs. Pierchon ; Cass. soc, 7 janv. 1998, no 97-40.266, Semaine sociale Lamy, no 870). Sur ce point, voir 401-2.

Sur les intérêts moratoires voir 401-23 et s.

En conséquence, le premier président d’une cour d’appel ne pouvait pas avant le 1er janvier 2005, date d’entrée en vigueur du décret du 20 août 2004 modifiant l’article 524 du Code de procédure civile l’autorisant à le faire), arrêter l’exécution d’un tel jugement, et ce même s’il estimait qu’elle entraînait pour « la partie condamnée des conséquences manifestement excessives » (Cass. soc., 28 juin 2001, no 99-43.831).

Cette absence de mention est constitutive d’une simple « difficulté d’exécution » (Cass. soc., 17 juill. 1996, nº 94-19.589).

Toute la question est alors de savoir comment la moyenne des trois derniers mois de salaire, en pratique nécessaire à l’exécution de la décision, va finalement être déterminée. Face à une telle situation, trois solutions sont envisageables pour le salarié au profit duquel la condamnation a été prononcée :

  • —  le créancier peut poursuivre l’exécution forcée du jugement en engageant une procédure de saisie, laissant ainsi au débiteur la charge de saisir le juge de l’exécution en invoquant une difficulté d’exécution née du défaut de mention dans le jugement de la moyenne des trois derniers mois de salaire ;
  • —  il peut aussi demander à la juridiction prud’homale de réparer son omission par voie de requête en rectification, s’il ne s’agit que d’une simple omission de la juridiction de reprendre dans le dispositif de sa décision des éléments par ailleurs discutés. Dans un arrêt du 24 janvier 1996, la Cour de cassation a considéré que le conseil de prud’hommes pouvait, par décision rectificative, réparer cette omission matérielle (Cass. soc., 24 janv. 1996, no 92-43.473). Le juge est saisi par simple requête de l’une des parties ou par requête commune. Il peut se saisir d’office (CPC, art. 462) ;
  • —  le salarié a enfin la possibilité de demander à la juridiction prud’homale de réparer son omission par voie de requête en omission de statuer, s’il s’agit d’un oubli total d’aborder la question de la moyenne des trois derniers mois de salaire malgré la demande en ce sens des parties. Dans cette dernière hypothèse, la demande doit être présentée un an au plus tard après que la décision soit passée en force de chose jugée.

Le juge est saisi par simple requête de l’une des parties ou par requête commune et statue après avoir entendu les parties ou celles-ci appelées (CPC, art. 463).

En tout état de cause, si le juge prud’homal n’a pas été saisi de la question de la moyenne des trois derniers mois de salaire en raison de la carence des parties, la compétence du juge de l’exécution apparaît très incertaine.

RemarqueSont, par ailleurs, toujours exécutoires de plein droit :

  • —  les ordonnances rendues par la formation de référé (C. trav., art. R. 1455-10 ; CPC, art. 489). Pour de plus amples développements sur ce point, voir nos 406-42 et s. ;
  • —  les ordonnances rendues par le bureau de conciliation dans le cadre de ses attributions juridictionnelles (C. trav., art. R. 1454-16) ;
  • —  les jugements qui statuent sur une demande en « requalification » en CDI d’un CDD, en vertu de l’article R. 1245-1 du Code du travail (Cass. soc., 23 nov. 2005, no 04-40.248) ;
  • —  les jugements qui statuent sur une demande en « requalification » en CDI d’une mission d’intérim, en vertu de l’article D. 1251-3 du Code du travail.

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