♦ Caractéristiques de l’astreinte
Définition
L’astreinte est un moyen de pression exercé contre un débiteur récalcitrant pour qu’il exécute une décision dans les délais impartis. Elle est prononcée par le juge du fond ou le juge des référés, et se matérialise par le paiement d’une somme d’argent par unité de temps de retard.
Le montant définitif de cette condamnation ne sera connu que lorsque, l’obligation ayant ou non été exécutée, il sera procédé à la liquidation de cette astreinte.
Une astreinte apparaît, au moins au départ, comme une dérogation au principe posé par l’article 1142 du Code civil selon lequel toute obligation de faire ou ne pas faire se résout, en cas d’inexécution, en des dommages-intérêts.
Ainsi, peut être assortie d’une astreinte la condamnation de l’employeur à délivrer certains documents (Cass. soc., 23 févr. 2005, no 04-42.503 ; Cass. soc., 3 nov. 2005, no 05-40.915) ou à réintégrer un représentant du personnel irrégulièrement licencié (Cass. soc., 6 juill. 2005, no 03-44.987 ; Cass. soc., 28 sept. 2005, no 04-40.048) ou encore la condamnation d’un salarié à cesser l’activité entreprise au mépris d’une clause de non-concurrence (Cass. soc., 24 mai 2005, no 03-42.620).
Point de départ
Il était de règle que l’astreinte ne puisse commencer à courir qu’à partir de la notification de la décision qui l’avait ordonnée (Cass. 3e civ., 14 nov. 1990, no 89-12.798 ; Cass. soc., 9 févr. 1999, no 97-44.535) « l’astreinte prend effet à la date fixée par le juge, laquelle ne peut pas être antérieure au jour où la décision portant obligation est devenue exécutoire » (D. no 92-755, 31 juill. 1992, JO 5 août, art. 51).
Toutefois, le deuxième alinéa de cet article dispose que l’astreinte « peut prendre effet dès le jour de son prononcé si elle assortit une décision qui est déjà exécutoire », autrement dit si elle tend à l’exécution d’une décision déjà passée en force de chose jugée, ce qui est le cas lorsque le juge de l’exécution assortit d’une astreinte la décision prononcée par une autre juridiction. Ainsi, la partie qui doit restituer une somme qu’elle détenait en vertu d’une décision de justice exécutoire n’en doit les intérêts au taux légal qu’à compter de la notification, valant mise en demeure, de la décision assurant droit à restitution, et non à compter du jour où la somme lui a été effectivement versée (Cass. soc., 9 juin 1999, no 96-43.380).
L’astreinte ne court que si la décision portant l’obligation qu’elle assortit est exécutoire. Il en résulte qu’en cas de pourvoi non suspensif, la cassation de l’arrêt qui a infirmé une ordonnance de référé portant condamnation sous astreinte restitue dès son prononcé à cette ordonnance son caractère exécutoire, mais ne permet pas la liquidation de l’astreinte pour la période comprise entre l’arrêt infirmatif et l’exécution de l’obligation intervenue avant l’arrêt de cassation. La cour d’appel qui a constaté que l’obligation qui était assortie de l’astreinte avait été exécutée avant le prononcé de l’arrêt de cassation, a exactement décidé que le cours de l’astreinte qui avait débuté huit jours après la notification de l’ordonnance, avait cessé des suites de l’arrêt infirmatif et n’avait pas repris (Cass. soc., 28 mai 2008, no 06-10.839 ; Cass. soc., 28 mai 2008, no 06-13.043 ; Cass. soc., 28 mai 2008, no 06-14.556).
Règlement
Les plaideurs croient souvent qu’ils sont obligés de payer le montant exact de l’astreinte. En réalité, le paiement ne peut intervenir qu’après la « liquidation » de l’astreinte, ce qui suppose une nouvelle demande.
♦ Les acteurs de l’astreinte
L’astreinte prononcée par le juge prud’homal
Aux termes de l’article R. 1454-27 du Code du travail, « les conseils de prud’hommes ne connaissent pas de l’exécution forcée de leurs jugements ». Il existe cependant une exception à ce principe. L’article L. 131-1 du Code des procédures civiles d’exécution dispose en effet que : « tout juge peut, même d’office, ordonner une astreinte pour assurer l’exécution de sa décision ». Le conseil de prud’hommes peut donc prononcer une astreinte.
Sur l’astreinte en matière prud’homale, voir également nos 401-3 et s.
Sa compétence en la matière est expressément prévue :
Le conseil de prud’hommes n’étant pas habilité à prononcer une condamnation personnelle contre un mandataire de justice qui suppose la mise en œuvre de sa responsabilité professionnelle ne saurait faire l’objet d’une réclamation prud’homale au titre de la liquidation d’une astreinte (Cass. soc., 29 juin 2005, no 02-45.885).
RemarqueLes décisions par lesquelles soit le bureau de conciliation, soit la formation de référé aura prononcé une astreinte et l’aura liquidée, n’auront, par elles-mêmes, qu’un caractère provisoire, peu important que l’astreinte soit provisoire ou définitive.
Les ordonnances de référé n’auront pas l’autorité de la chose jugée au principal (CPC, art. 488).
Ces décisions, n’ayant qu’un caractère provisoire, ne s’imposeront donc pas au juge du fond et ce dernier aura la faculté de réviser le montant de l’astreinte, voire même de la supprimer totalement (Cass. 2e civ., 4 mai 1977, no 74-14.917).
L’astreinte ne court que si la décision portant l’obligation qu’elle assortit est exécutoire, de sorte qu’en cas de pourvoi non suspensif, la cassation de l’arrêt qui a infirmé l’ordonnance de référé portant condamnation sous astreinte, restitue dès son prononcé à cette ordonnance son caractère exécutoire, mais ne permet pas la liquidation de l’astreinte pour la période comprise entre l’arrêt infirmatif et l’exécution de l’obligation intervenue avant l’arrêt de cassation (Cass. soc., 28 mai 2008, no 06-10.839).
L’astreinte prononcée par le juge de l’exécution
« Le juge de l’exécution peut assortir d’une astreinte une décision rendue par un autre juge si les circonstances en font apparaître la nécessité » (CPC exéc., art. L. 131-1).
Ainsi, la partie intéressée pourra s’adresser à lui pour obtenir le prononcé d’une astreinte si le conseil de prud’hommes s’est abstenu sur ce point.
Par dérogation au principe formulé par l’article 5 du Code de procédure civile selon lequel le juge ne peut se prononcer que sur ce qui lui a été demandé, la loi permet au juge de prononcer d’office une astreinte.
Le juge de l’exécution a, en outre, une compétence de principe pour liquider les astreintes.
Les fonctions de juge de l’exécution sont exercées par le président du tribunal de grande instance, mais elles peuvent être déléguées à un ou plusieurs juges du tribunal de grande instance (C. org. jud., art. L. 213-5).
Le premier président peut ordonner le sursis à exécution de toutes les décisions du juge de l’exécution, à l’exception de celles qui, dans les rapports entre créanciers et débiteurs, statuent sur des demandes dépourvues d’effet suspensif, à moins qu’elles n’ordonnent la mainlevée d’une mesure (Cass. 2e civ., 25 mars 1999, no 97-15.645, Bull. inf. C. cass. no 760, 15 juin 1999).
♦ Liquidation de l’astreinte
L’astreinte, qu’elle soit provisoire ou définitive, doit être liquidée. En principe, selon l’article L. 131-3 du Code des procédures civiles d’exécution, cette liquidation incombe au juge de l’exécution (Cass. 2e civ., 17 déc. 1997, no 95-14.189).
Mais ce principe comporte des exceptions. L’astreinte pourra, en effet, être liquidée par le juge prud’homal lui-même qui l’aura prononcée dans deux cas :
Si, par application des règles qui précèdent, le juge saisi d’une demande de liquidation d’astreinte est incompétent, l’article 52 du décret d’application du 31 juillet 1992 (D. no 92-755, 31 juill. 1992, art. 52, JO 5 août) dispose qu’il doit relever d’office son incompétence. Encourt dès lors la cassation l’arrêt qui liquide l’astreinte prononcée par le conseil de prud’hommes, alors que ce dernier s’en était expressément réservé le pouvoir (Cass. soc., 9 mai 2007, no 05-46.029 à Cass. soc., 9 mai 2007, no 05-46.041).
Cette décision peut faire l’objet d’un contredit dans les conditions prescrites par le Code de procédure civile.
Voir sur ce point no 314-9.
Les décisions prises par le juge dans le domaine de la liquidation de l’astreinte sont, aux termes de l’article 37 de la loi no 91-650 du 9 juillet 1991, exécutoires de plein droit par provision.
Liquidation de l’astreinte provisoire
Le juge dispose d’un large pouvoir d’appréciation au stade de la liquidation de l’astreinte, qui peut aller jusqu’à la suppression. La liquidation ne va pas s’opérer en tenant compte du préjudice subi, mais de la gravité de la faute commise. Ce principe dégagé par une jurisprudence constante sous le régime de la loi du 5 juillet 1972 (L. no 72-626, 5 juill. 1972) conserve toute sa valeur sous le régime de l’article L. 131-4 du Code des procédures civiles d’exécution d’après lequel « le montant de l’astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l’injonction a été adressée et des difficultés qu’il a rencontrées pour l’exécuter » (CPC exéc., art. L. 131-4).
C’est à la partie tenue d’exécuter l’obligation de prouver qu’elle s’en est bien acquittée et non au créancier venu réclamer la liquidation (Cass. soc., 14 déc. 2005, no 04-40.561). Lorsque l’astreinte n’a produit aucun effet, et donc en cas d’inexécution de l’obligation, la demande de liquidation prend tout son sens ; le juge détermine alors le montant de la somme à acquitter par la partie négligente sans être lié par le montant arrêté dans sa décision initiale. En effet, le juge du fond jouit d’un pouvoir souverain d’appréciation pour en déterminer le montant (Cass. soc., 31 oct. 2005, no 04-46.830). Toutefois, l’astreinte, même provisoire, ne peut être liquidée sur une base majorée mais seulement dans la limite fixée par la décision qui en est assortie (Cass. soc., 12 avr. 2005, no 02-46.323). Dans son calcul, il tiendra compte, comme l’indique le premier alinéa de l’article L. 131-4 du Code des procédures civiles d’exécution, « du comportement de celui à qui l’injonction a été adressée et des difficultés qu’il a rencontrées pour l’exécuter ». Le juge aura donc à tenir compte, outre l’importance du retard dans l’exécution de l’obligation, des facultés pécuniaires des parties et de l’intérêt que présentait par exemple le document dont la remise avait été ordonnée. Confronté à une demande de liquidation d’astreinte afférente à une réintégration non effectuée par l’employeur, le juge doit examiner les difficultés d’exécution dont il fait état, à savoir l’attitude d’obstruction systématique du salarié (Cass. soc., 2 juin 2009, no 08-41.185).
Dans une affaire, une association n’avait pas satisfait à l’obligation mise à sa charge par le jugement. Elle n’avait pas réintégré le salarié dans son emploi de directeur-adjoint. Le juge a liquidé l’astreinte à 10 000 € après avoir apprécié souverainement les difficultés rencontrées par l’association pour exécuter la décision (Cass. soc., 18 oct. 2006, no 05-41.418).
Liquidation de l’astreinte définitive
La faculté d’appréciation du juge est exclue lorsque l’astreinte aura été qualifiée de définitive.
Cela ne pourra intervenir que lorsqu’une première astreinte, nécessairement provisoire, sera demeurée sans effet.
« Le taux de l’astreinte définitive ne peut jamais être modifié lors de sa liquidation » (CPC exéc., art. L. 131-4, al. 2).
En conséquence, à partir du moment où un jugement a condamné l’employeur qui ne s’est pas exécuté à remettre divers documents à son ancienne salariée sous astreinte définitive de 100 € par jour de retard à compter du 15e jour suivant la notification et pour une durée maximum de 90 jours, le juge prud’homal ne saurait liquider le montant de l’astreinte à la somme de 1 000 € sans constater aucun cas de force majeure pouvant justifier une inexécution partielle (Cass. soc., 17 juin 2009, no 08-40.173). Cette réserve mérite une précision : le dernier alinéa de l’article L. 131-4 du Code des procédures civiles d’exécution dispose que l’astreinte, qu’elle soit provisoire ou définitive, est « supprimée en tout ou partie s’il est établi que l’inexécution ou le retard dans l’exécution de l’injonction du juge provient d’une cause étrangère ».
Par exemple, un arrêt d’appel avait condamné l’employeur à payer une somme à titre de liquidation de l’astreinte prévue par un jugement prud’homal ayant ordonné de faire figurer la qualification du salarié sur le bulletin de paie pour n’avoir pas obtempéré à l’obligation de mentionner la classification. La Cour de cassation censure cet arrêt, considérant que seul le dispositif visant précisément la qualification constituait l’injonction du juge (Cass. soc., 18 janv. 2006, no 04-40.940).
Autre exemple : pour liquider l’astreinte, le juge ne peut pas se borner à relever que le salarié n’a pas été réintégré dans les fonctions qui étaient les siennes et que l’employeur persiste à ne pas satisfaire à une obligation qui pèse sur lui depuis plusieurs années, sans s’expliquer sur les difficultés d’exécution dont faisait état la société, qui invoquait l’attitude d’obstruction systématique du salarié (Cass. soc., 2 juin 2009, no 08-41.185).
Pour liquider à une certaine somme le montant de l’astreinte, le juge ne saurait se borner à analyser le comportement de la société condamnée sans préciser le point de départ de l’astreinte (Cass. 2e civ., 22 févr. 2007, no 05-21.697).
Pour rejeter la demande de liquidation d’astreinte, l’ordonnance de référé qui ne faisait état d’aucun fait nouveau énonce que la remise du certificat de congés payés n’est pas une obligation légale dans la mesure où l’employeur a la faculté de payer lui-même les congés payés, que la société a été condamnée pour remise tardive et non pour défaut de remise du certificat, et que le conseil de prud’hommes peut légitimement penser que la société s’est exécutée pour la remise dudit document (Cass. soc., 14 janv. 2009, no 07-40.263).
Le juge qui a constaté que le salarié était complètement rempli de ses droits peut souverainement décider qu’il n’y avait pas lieu de liquider l’astreinte (Cass. soc., 28 juin 2006, no 05-40.633).
Sur ces points, voir également no 401-7.
Si l’une des conditions requises pour le prononcé d’une astreinte définitive vient à faire défaut, soit que le juge l’ait ordonnée sans l’avoir faite précéder d’une astreinte provisoire, soit qu’il ait omis d’en préciser la durée, cette astreinte, bien que le juge l’ait mal qualifiée, sera liquidée comme une astreinte provisoire.
Lorsque, suite à un jugement de liquidation d’astreinte prononcé par un conseil de prud’hommes, la cour d’appel est saisie, il lui appartient de statuer sur la demande de liquidation en tenant compte du comportement de la partie à qui l’injonction avait été adressée et des difficultés rencontrées pour l’exécuter (Cass. soc., 16 janv. 2008, no 06-40.676).
♦ Effets de la liquidation
La liquidation entraîne deux conséquences principales. Du fait de la liquidation, l’astreinte devient une créance certaine liquide et exigible. Elle va donc être productrice d’intérêts au taux légal (Cass. com., 19 mars 1991, no 89-15.606).
Une fois la liquidation prononcée, il est possible de recourir aux voies d’exécution forcée afin d’en recouvrer son montant (ce qui n’était pas le cas tant qu’elle n’avait pas été liquidée). À cet égard, l’article 53 du décret no 92-755 du 31 juillet 1992 précise que : « avant sa liquidation, aucune astreinte ne peut donner lieu à une mesure d’exécution forcée. La décision qui ordonne une astreinte non encore liquidée permet de prendre une mesure conservatoire pour une somme provisoirement liquidée par le juge compétent pour la liquidation ».
L’autorité de la chose jugée attachée à une décision de liquidation d’astreinte ne fait pas obstacle à la présentation d’une nouvelle demande de liquidation pour une période postérieure, dès lors que l’astreinte n’était pas limitée dans le temps et que l’obligation qui en était assortie n’avait pas été exécutée (Cass. 2e civ., 22 mars 2006, no 04-13.933).
♦ Cumul de l’astreinte et des dommages-intérêts
Le premier alinéa de l’article L. 131-2 du Code des procédures civiles d’exécution précise que l’astreinte est indépendante des dommages-intérêts. L’astreinte peut « être prononcée accessoirement à une condamnation de payer une somme d’argent et se cumuler avec les intérêts légaux dont cette condamnation est assortie » (Cass. soc., 29 mai 1990, no 87-40.182).
L’astreinte est un moyen de pression destiné à contraindre le débiteur récalcitrant à se soumettre à l’injonction du juge, sans rapport avec le préjudice subi.
C’est pourquoi la liquidation ne peut prendre en considération le préjudice subi. Le juge de l’exécution qui liquide une astreinte n’a pas le pouvoir d’apprécier le préjudice subi en raison de la résistance abusive du débiteur de l’obligation assortie de l’astreinte.
Également, une astreinte définitive ne peut être liquidée pour un montant supérieur à celui du préjudice subi.
En définitive, le créancier pourra bénéficier cumulativement du montant de l’astreinte liquidée, des intérêts moratoires, et de dommages-intérêts censés réparer le préjudice subi, ce qui est de nature à lui procurer un certain enrichissement. Concernant le cumul, voir également no401-6 et s.
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