Autrement dit, le chef d’établissement ne saurait rester inactif ou silencieux lorsqu’il lui est rapporté des agissements pouvant relever d’un harcèlement car cette inaction pourrait lui être reprochée ultérieurement. Ainsi, il est tenu de sanctionner un salarié procédant à des agissements de harcèlement moral ou sexuel (C. trav., art. L. 1153-6 ; C. trav., art. L. 1152-5). À défaut, le salarié victime pourrait prendre acte de la rupture de son contrat de travail ou demander la résiliation judiciaire du contrat aux torts de l’employeur (Cass. soc., 22 mars 2006, no 03-44.750).Dès lors, pour protéger la victime et sanctionner le salarié fautif, il convient de mettre en place une procédure interne efficace permettant de vérifier que les faits sont avérés et appellent une réaction disciplinaire réfléchi de l’employeur.
Cette procédure doit être mise en œuvre rapidement : s’il tarde trop, le licenciement du salarié auteur du harcèlement peut être qualifié de licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 29 juin 2011, no 09-70.902). Cependant, l’employeur ne peut sanctionner le salarié que si les faits sont établis, il ne peut se contenter de présomptions (Cass. soc., 7 févr. 2012, no 10-17.393).
RemarquesAttention néanmoins à ne pas réagir trop vite et trop fort. En effet, si l’employeur a l’obligation de prévenir et de faire cesser les agissements de harcèlement moral, celle-ci ne doit pas le conduire à licencier systématiquement pour faute grave le salarié harceleur (Cass. soc., 22 oct. 2014, no 13-18.862).
Cette procédure interne comporte généralement une dizaine d’étapes. Nous en proposons un modèle.
RemarquesLe défaut de prévention cause à lui seul un préjudice indemnisable, distinct de celui causé par les faits constitutifs de harcèlement (Cass. soc., 6 juin 2012, no 10-27.694).
a) Révélation d’un cas de harcèlement possible
L’employeur ou son représentant (service DRH) pourra être informé d’une possible situation de harcèlement moral :
b) Préenquête
L’employeur ou son représentant procédera à :
Nous proposons à cet effet un questionnaire d’enquête (voir no F306-1).
c) Résultat de la préenquête
La préenquête aboutira soit à un classement sans suite, soit à l’ouverture d’une enquête.
d) Information des intéressés en cas de classement sans suite
L’employeur ou son représentant pourra alors envoyer une lettre expliquant les raisons pour lesquelles la plainte est classée sans suite.
e) Prise de mesures conservatoires
Si l’employeur ou son représentant arrive à la conclusion qu’un de ses collaborateurs s’est probablement rendu coupable de harcèlement, il doit agir immédiatement pour protéger la victime.
Dès lors, il pourra décider de « neutraliser » le harceleur et procéder pour cela à :
RemarquesTant que les tribunaux ne se sont pas encore prononcés sur le harcèlement, l’auteur des actes litigieux reste présumé innocent. L’employeur ne peut donc pas lui reprocher un harcèlement sexuel ou moral. En revanche, il peut, sans attendre, sanctionner le salarié sur la base des faits dont il a connaissance.
Si le « harceleur » ne peut être neutralisé rapidement (situation de harcèlement institutionnel, par exemple), en concertation avec la victime et le médecin du travail, il pourra être judicieux, pour éviter que la situation ne se dégrade un peu plus, d’affecter la victime dans un autre service.
Il est également possible de prendre une mesure de mise en disponibilité provisoire du harceleur durant le temps nécessaire à l’enquête interne, avant même l’engagement de la procédure disciplinaire (Cass. soc., 8 mars 2017, no 15-23.503).
L’employeur ou son représentant veillera ainsi à ce que la victime puisse bénéficier de mesures susceptibles de prévenir toute menace de représailles ou de poursuite de cette violence au travail. Si le changement proposé entraîne une modification du contrat, l’employeur devra recueillir par écrit l’accord du salarié (voir no F306-5).
f) Enquête interne approfondie
L’employeur ou son représentant doit ensuite se livrer à une étude plus approfondie de la situation. Il procédera pour cela à :
Nous proposons à cet effet un questionnaire d’enquête (voir no F306-1).
g) Constitution d’un dossier et rédaction du rapport d’enquête
Étant donné la gravité d’une situation de harcèlement qui justifie des poursuites pénales et risque d’entraîner l’expulsion du salarié fautif, voire la mise en cause de la responsabilité de l’employeur au titre de son obligation de sécurité de résultat, l’employeur ou son représentant a intérêt à constituer un dossier très complet et à rédiger un rapport d’enquête.
Pour ce faire, il procédera au recueil :
h) Transmission du dossier
Dans les entreprises où l’enquête a été menée par le service RH, ce dernier transmettra son rapport à la Direction générale avec des préconisations sur les mesures proposées (abandon des poursuites, engagement d’une procédure disciplinaire).
i) Procédure disciplinaire
Si un licenciement est envisagé et que le harceleur n’a pas été poursuivi en justice ou que le jugement n’est pas encore intervenu, la lettre de licenciement ne doit pas faire référence à la commission d’un harcèlement ; elle peut tout au plus indiquer que les faits cités ont provoqué l’engagement de poursuites pénales ou d’une action devant le conseil de prud’hommes (voir no F306-10).
En revanche, une fois le harcèlement reconnu judiciairement, l’employeur peut licencier le salarié en mentionnant, dans la lettre de licenciement, le motif de la rupture, à savoir le harcèlement.
Le salarié ne peut pas agir dans ce cas en diffamation non publique (C. pén., art. R. 621-1), sauf si la lettre relate par ailleurs les circonstances exactes et donc superflues du harcèlement dont le salarié s’est rendu coupable (Cass. crim., 12 oct. 2004, no 03-86.262).
Si la plainte pour harcèlement a abouti à un classement sans suite, une ordonnance de non-lieu ou un jugement de relaxe, il est impossible de licencier le salarié pour harcèlement, puisque celui-ci n’est pas reconnu. En revanche, si la procédure a démontré des fautes à reprocher au salarié (comportement grossier, insultes, etc.), celui-ci peut faire l’objet de sanctions disciplinaires, pour autant que le délai de deux mois pour sanctionner ne soit pas écoulé (sauf suspension liée à des poursuites pénales, l’employeur pouvant dès lors attendre l’issue de ces poursuites ; C. trav., art. L. 1332-4).
j) Reclassement ou licenciement de la victime suite à un avis d’inaptitude
Si le médecin du travail n’est pas habilité à qualifier une situation de harcèlement, il peut en revanche, devant l’état de détresse d’un salarié, le déclarer inapte à reprendre son poste.
Dans cette hypothèse, le médecin pourra proposer une mutation ou des transformations de poste justifiées par des considérations relatives à la santé mentale du salarié (C. trav., art. L. 4624-1).
L’impossibilité d’assurer le reclassement de la victime, notamment si le médecin a rendu un avis d’inaptitude au cours d’une seule visite en estimant que la victime se trouvait dans une situation de « danger immédiat » en application de l’article R. 4624-31 du Code du travail, pourra conduire la direction à envisager le licenciement du salarié pour inaptitude si le salarié refuse les possibilités de reclassement qui lui sont proposées (voir no F306-15).
Le salarié victime de harcèlement peut obtenir la nullité :
RemarquesEn aucun cas l’employeur ne devra proposer ou accepter une rupture conventionnelle avec un salarié subissant des faits constitutifs de harcèlement : du fait de la situation de violence morale que vivait le salarié au moment où il a signé la rupture conventionnelle, celle-ci pourra être annulée et la rupture du contrat de travail analysée comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 30 janv. 2013, no 11-22.332).
En revanche, en l’absence de vice de consentement, l’existence de faits de harcèlement moral ne suffit pas à invalider une convention de rupture conventionnelle. Pour obtenir la nullité d’une telle convention, il appartient au salarié de démontrer que la situation de harcèlement a exercé une contrainte sur sa personne, viciant ainsi son consentement lors de la signature de la convention (Cass. soc., 23 janv. 2019, no 17-21.550).
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