Textes :C. trav., art. L. 1225-4 ; C. trav., art. L. 1225-28 ; C. trav., art. L. 1225-38 ; C. trav., art. R. 1225-1.
◗ Quelle est l’étendue et la durée de la protection de la femme enceinte ou du salarié qui adopte un enfant ?
La grossesse médicalement constatée, le congé maternité ou le congé d’adoption puis les dix semaines qui suivent ce congé sont des périodes protégées (C. trav., art. L. 1225-4 ; C. trav., art. L. 1225-38). Concrètement :
Remarque :si la salariée pose des congés payés immédiatement après le terme de son congé maternité, la période de protection relative de dix semaines est suspendue et son point de départ est reporté à la date de la reprise du travail par la salariée (C. trav., art. L. 1225-4).
Pour bénéficier de la protection liée à la grossesse et à la maternité, la salariée doit envoyer à l’employeur, par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé, un certificat médical attestant de sa grossesse et mentionnant la date présumée d’accouchement ou la date effective de celui-ci et, s’il y a lieu, l’existence et la durée prévisible de son état pathologique nécessitant un allongement de la période de suspension de son contrat de travail (C. trav., art. R. 1225-1).
Remarque :même si le licenciement d’une salariée reposant sur un motif réel et sérieux a été notifié avant le début de la protection découlant de sa grossesse, il ne peut prendre effet pendant la période protégée. Si le congé maternité intervient pendant le préavis, ce dernier est suspendu le temps du congé et reprendra lors du retour de la salariée à son poste de travail (Cass. soc., 2 mai 1989, no 86-45.343).
La protection contre le licenciement bénéficie au père en cas de décès de la mère après l’accouchement lorsqu’il prend un congé postnatal (C. trav., art. L. 1225-28). Il est alors protégé pendant la durée du congé postnatal auquel il a droit et durant les dix semaines suivant ce congé.
Plus généralement, sauf faute grave ou impossibilité de maintenir le contrat de travail pour un motif étranger à l’arrivée de l’enfant, le contrat de travail d’un salarié ne peut être rompu pendant les dix semaines suivant la naissance de l’enfant (C. trav., art. L. 1225-4-1).
L’interdiction de licencier la femme enceinte s’applique en cas d’interruption de grossesse. Elle prend fin à la date de l’intervention. En revanche, elle ne joue pas pendant la période d’essai (voir no 145-15) et ne fait pas obstacle à l’échéance d’un CDD.
La rupture conventionnelle n’est pas concernée par cette interdiction : sauf fraude ou vice du consentement, une rupture conventionnelle peut être conclue pendant la durée du congé maternité et pendant les dix semaines suivant l’expiration de ce congé (Cass. soc., 25 mars 2015, no 14-10.149).
Remarque :en l’absence de renouvellement, en cours d’exécution du contrat de travail, de l’autorisation de travail d’une salariée enceinte de nationalité étrangère, les dispositions protectrices de la femme enceinte interdisant ou limitant les cas de licenciement ne sont pas applicables. Les dispositions de l’article L. 8251-1 du Code du travail, qui interdisent d’employer un étranger non muni d’une autorisation de travail, sont en effet d’ordre public (Cass. soc., 15 mars 2017, no 15-27.928).
◗ La protection joue-t-elle si la grossesse est révélée après la notification du licenciement ?
Oui. Les dispositions légales prévoient une possibilité d’annulation du licenciement lorsque la grossesse est révélée dans les 15 jours qui suivent la notification de celui-ci. La salariée doit, dans ce délai, adresser à son employeur par lettre recommandée avec avis de réception le certificat médical justifiant de sa grossesse (C. trav., art. L. 1225-5 ; C. trav., art. R. 1225-2).
L’envoi d’une attestation justifiant l’arrivée au foyer d’un enfant placé en vue de son adoption dans un délai de 15 jours conduit également à l’annulation du licenciement (C. trav., art. L. 1225-39).
Remarque :il s’agit d’une nullité de plein droit : l’employeur ne peut pas considérer que le licenciement est seulement suspendu jusqu’à l’issue de la période de protection de la salariée et qu’il prendra donc effet à cette date. S’il souhaite maintenir sa décision de licencier, il devra par conséquent engager une nouvelle procédure à l’issue du congé maternité et des dix semaines de protection qui s’ensuivent (Cass. soc., 7 avr. 2004, no 02-40.333 ; Cass. soc., 3 févr. 2010, no 08-45.105).
Le délai de 15 jours commence à courir du jour où la notification du licenciement a été effectivement portée à la connaissance de la salariée, c’est-à-dire au jour où elle a reçu la lettre de licenciement. Ce délai étant exprimé en jours, le jour de la notification ne compte pas (CPC, art. 641 ; Cass. soc., 16 juin 2004, no 02-42.315).
Remarque :lorsque la lettre de licenciement est revenue à l’employeur avec la mention « non réclamée » et qu’elle est ensuite remise en main propre à la salariée, le délai de 15 jours court à compter de la remise en main propre dans la mesure où c’est à cette date que la salariée a eu effectivement connaissance de la rupture (Cass. soc., 8 juin 2011, no 10-17.022).
En réalité, les juges considèrent que les formes prescrites par l’article R. 1225-1 du Code du travail ne sont pas substantielles : leur non-respect (le certificat ne fait pas mention de la date d’accouchement même présumée, envoi par lettre simple, courrier non accompagné d’un certificat médical, etc.) n’a pas d’incidence sur la possibilité pour la salariée de faire annuler son licenciement. Ce qui compte, c’est que l’employeur soit informé de la grossesse (Cass. soc., 9 juill. 2008, no 07-41.927 ; Cass. soc., 11 déc. 2013, no 12-23.687). En revanche, si aucun document médical n’est fourni à l’employeur dans les 15 jours, la simple déclaration ou attestation de sécurité sociale fournie dans ce délai n’est pas suffisante (Cass. soc., 10 mai 2012, no 11-14.338).
Dès lors que le certificat est envoyé dans le délai de 15 jours, le licenciement doit être annulé à réception du certificat. L’employeur doit manifester immédiatement sa décision de renoncer au licenciement et proposer au plus vite une réintégration de la salariée enceinte.
Le licenciement doit être annulé même si la salariée n’était pas enceinte au jour de la notification, dès lors qu’elle tombe enceinte dans les 15 jours suivant ce licenciement et adresse un certificat médical à son employeur dans ce délai.
Exemple :
la rupture du contrat de travail d’une salarié était intervenue le 15 octobre et le certificat médical établi par le médecin traitant indiquait qu’à la date du 30 octobre, sa grossesse avait débuté depuis 10 à 15 jours environ soit, dans le cas le plus favorable à la salariée, le 16 octobre, donc postérieurement au licenciement. La Cour de cassation a néanmoins accordé le bénéfice de la protection à la salariée (Cass. soc., 2 juill. 2014, no 13-12.496).
La salariée ne peut en principe refuser la réintégration. Si elle la refuse, la rupture du contrat de travail lui est imputable et fait obstacle à toute demande de dommages et intérêts (Cass. soc., 8 mars 1984, no 81-42.140 ; Cass. soc., 4 nov. 1988, no 86-42.669).
Toutefois, lorsque l’employeur tarde à annuler le licenciement, la salariée n’est pas tenue d’accepter la réintégration. La salariée peut dans ce cas opter pour l’indemnisation correspondant à un licenciement nul (voir no 145-25). Si les textes n’imposent aucun délai, les juges ont déjà précisé qu’un délai d’un mois avant de proposer la réintégration était excessif (Cass. soc., 9 juill. 2008, no 07-41.927 ; Cass. soc., 15 déc. 2015, no 14-10.522).
◗ La salariée peut-elle demander l’annulation du licenciement si elle a envoyé le certificat médical de grossesse hors délai ?
Si le délai de 15 jours n’est pas respecté, il convient de distinguer deux hypothèses :
Ainsi, le licenciement a-t-il été déclaré nul dans les cas suivants, l’employeur ayant été informé de la grossesse de la salariée par :
◗ L’existence d’une faute grave peut-elle, à elle seule, justifier le licenciement d’une salariée enceinte ?
La faute grave ne suffit pas à justifier le licenciement d’une femme enceinte : elle doit également ne pas être liée à l’état de grossesse (Cass. soc., 10 mai 2012, no 10-26.926). Or, la jurisprudence admet que la grossesse puisse modifier les comportements, exacerber certaines réactions, et se montre donc plutôt bienveillante à l’égard de la salariée enceinte.
Exemples :
une coiffeuse est licenciée pour faute grave. Il lui était reproché un manque d’initiative notamment pour nettoyer les locaux, son refus de coiffer les clientes sous prétexte qu’elles n’avaient pas rendez-vous, la mauvaise qualité des colorations et ses manières brusques lors de la pose de bigoudis. Le licenciement a été jugé nul car il n’était pas démontré que ces faits étaient sans lien avec la grossesse (Cass. soc., 8 mars 2000, no 97-43.797). Dans une autre affaire, une salariée avait quitté une première fois son poste pour passer une visite médicale de reprise en laissant sa caisse en grand désordre, ce qui a occasionné un surcroît de travail pour plusieurs de ses collègues, puis une seconde fois le lendemain, sans avoir arrêté sa caisse et justifié son solde, ce qui lui a valu un licenciement pour faute grave. La cour d’appel valide la faute grave et le licenciement. La Cour de cassation censure cette décision, les juges d’appel n’ayant pas vérifié que les manquements n’étaient pas en lien avec l’état de grossesse (Cass. soc., 18 avr. 2008, no 06-46.119). Une faute qualifiée de grave en temps normal peut donc perdre cet attribut lorsqu’elle est le fait d’une salariée enceinte.
De même, les absences injustifiées sont souvent considérées comme ayant un lien avec la grossesse et, de ce fait, n’autorisent pas un licenciement (Cass. soc., 16 juin 1998, no 95-42.263), même si ce grief s’ajoute à des fautes antérieures (Cass. soc., 19 déc. 1990, no 87-45.298). Même tolérance en ce qui concerne l’envoi tardif de justificatifs d’absence. Selon les juges, le seul fait d’envoyer un arrêt de travail tardivement ne peut être considéré comme une faute grave (Cass. soc., 12 mars 1997, no 94-42.382). Tout dépend néanmoins de l’emploi occupé car, dans le cas d’une salariée occupant un emploi à caractère familial impliquant une continuité des services (employée de maison), qui ne s’était plus présentée au travail sans justificatif et malgré deux mises en demeure, les juges ont estimé qu’il y avait bien faute grave justifiant un licenciement (Cass. soc., 7 juin 2006, no 04-48.083).
La maternité ne peut cependant pas tout excuser.
Exemples :
la faute grave a ainsi été retenue dans les affaires suivantes :
Remarque :d’un point de vue purement formel, la lettre de licenciement doit énoncer clairement les griefs reprochés à la salariée. Elle est suffisamment motivée si elle mentionne la faute grave comme motif de rupture. Elle n’a pas à faire mention de l’absence de lien avec la grossesse (Cass. soc., 18 avr. 2008, no 06-46.119).
L’employeur doit veiller à bien faire état d’une faute grave dans la lettre de licenciement. Si la lettre mentionne simplement une « faute sérieuse », le juge ne pourra pas aggraver la qualification de la faute retenue par l’employeur pour valider le licenciement (Cass. soc., 20 déc. 2017, no 16-17.199 ; Cass. soc., 13 févr. 2019, no 17-15.940).
◗ Dans quels cas peut être reconnue « l’impossibilité de maintenir le contrat de travail » permettant le licenciement d’une femme enceinte ?
L’impossibilité, pour un motif étranger à la grossesse, à l’accouchement ou à l’adoption, de maintenir le contrat de travail suppose que l’employeur justifie de circonstances indépendantes du comportement de la salariée (Cass. soc., 27 avr. 1989, no 86-45.547). En pratique, c’est donc essentiellement un motif économique qui peut justifier un licenciement et notamment la suppression de l’emploi de la salariée, dans le cadre de difficultés financières (C. trav., art. L. 1233-3 ; Cass. soc., 16 juin 1999, no 97-42.490). Mais, selon la Cour de cassation, l’existence d’un motif économique ne constitue pas en soi une impossibilité de maintenir le contrat de travail (Cass. soc., 19 nov. 1997, no 94-42.540 ; Cass. soc., 6 janv. 2010, no 08-44.626).
Remarque :pour la CJUE en revanche, le licenciement d’une salariée enceinte dans le cadre d’un licenciement collectif est envisageable (CJUE, 22 févr. 2018, aff. C-103/16).
L’employeur doit, en outre, expliquer pourquoi il ne peut maintenir le contrat de travail de la salariée malgré sa grossesse.
La lettre de licenciement doit impérativement invoquer « l’impossibilité de maintenir le contrat de travail
» pendant la durée légale du congé maternité. À défaut, le licenciement est automatiquement jugé nul (Cass. soc., 25 mai 2011, no 09-72.613 ; Cass. soc., 10 mai 2012, no 10-28.510). En conséquence, la seule mention d’un motif économique est insuffisante (Cass. soc., 6 janv. 2010, no 08-44.626). Il convient en plus de préciser que ce motif économique rend impossible le maintien du contrat de travail de l’intéressée du fait par exemple de la cessation définitive de l’entreprise couplée à une impossibilité ou un refus de reclassement par exemple. Ainsi, est insuffisamment motivée et rend le licenciement nul, la lettre qui contient comme motif : « licenciement pour motif économique du fait de la suppression de votre poste de travail dans le cadre du plan de cession
», peu important qu’elle vise par ailleurs le jugement du tribunal de commerce arrêtant le plan de cession totale de l’entreprise (Cass. soc., 21 janv. 2009, no 07-41.841).
ATTENTION :de même, dans l’hypothèse où une salariée est déclarée inapte avant la déclaration de grossesse, le licenciement notifié au cours de la période de grossesse et fondé sur l’inaptitude à tout poste avec impossibilité de reclassement est nul. La lettre de licenciement doit en effet obligatoirement mentionner « l’impossibilité de maintenir le contrat de travail pour un motif étranger à la grossesse ou à l’accouchement
» (Cass. soc., 3 nov. 2016, no 15-15.333 ; Cass. soc., 7 déc. 2017, no 16-23.190).
L’impossibilité de maintenir le contrat de travail, permettant le licenciement d’une femme enceinte, a été reconnue dans le cadre d’une cessation d’activité, le reclassement de la salariée n’étant pas possible (Cass. soc., 26 sept. 2012, no 11-17.420), ou encore lorsque le poste de la salariée a été supprimé suite à la fermeture de l’établissement consécutive à des difficultés économiques (Cass. soc., 24 oct. 2012, no 11-21.500).
Remarque :un employeur ne peut pas licencier une femme enceinte au motif que ses arrêts maladie perturbent le bon fonctionnement de l’entreprise et nécessitent son remplacement définitif (Cass. soc., 28 oct. 1998, no 96-43.760).
Sachez-le :si une salariée enceinte démissionne puis se rétracte par lettre du même jour informant son employeur de sa grossesse et que l’employeur refuse cette rétractation, la rupture du contrat de travail produit les effets d’un licenciement nul (Cass. soc., 26 oct. 2011, no 10-14.139). En outre, lorsqu’elle est justifiée, la prise d’acte de la rupture du contrat de travail d’une salariée enceinte s’analyse en un licenciement nul (Cass. soc., 3 mai 2012, no 11-11.493). S’agissant d’une demande de résiliation judiciaire, celle-ci ne produit les effets d’un licenciement nul que si la salariée enceinte a informé son employeur de son état de grossesse au plus tard à la date de la demande de résiliation judiciaire. À défaut, la résiliation judiciaire produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 28 nov. 2018, no 15-29.330).
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