Textes :C. trav., art. L. 3121-4 ; C. trav., art. L. 3121-5 ; C. trav., art. L. 3121-7 ; C. trav., art. L. 3121-8.
◗ Quels sont les trajets assimilés à du temps de travail effectif ?
Trajet du domicile à l’entreprise. — Le temps habituel de trajet entre le domicile et l’entreprise n’est pas considéré comme un temps de travail effectif (C. trav., art. L. 3121-4 ; Cass. soc., 5 nov. 2003, nº 01-43.109 ; Cass. soc., 2 juin 2004, nº 02-42.613). Par exception, si le salarié ne peut vaquer librement à ses occupations personnelles pendant le temps de trajet effectué pour regagner son domicile, la qualification de temps de travail effectif peut être tenue (Cass. soc., 31 oct. 2007, nº 06-43.834 ; Cass. soc., 14 déc. 2016, nº 15-19.723 ; voir no 120-15).
Si le temps de trajet entre le domicile du salarié et son lieu habituel de travail est augmenté en raison d’un handicap, il peut faire l’objet d’une contrepartie sous forme de repos (C. trav., art. L. 3121-5).
Remarque :même si les dispositions de l’article L. 3121-4 du Code du travail sont d’ordre public, des dispositions conventionnelles plus favorables peuvent prévoir que le temps de trajet entre le domicile et le lieu de travail constitue du temps de travail effectif (Cass. soc., 24 sept. 2014, nº 12-28.459).
Trajet du vestiaire à la pointeuse. — La question s’est posée : des salariés d’un parc d’attractions, tenus de porter un costume de travail, ont demandé le paiement comme temps de travail effectif du temps de trajet entre le vestiaire et l’appareil de pointage installé sur les lieux de leur affectation. Ils l’ont obtenu, car ce parcours devait s’effectuer à pieds à travers des zones ouvertes au public qui pouvait solliciter les salariés identifiés comme tels par leur costume et leur badge. En outre, des panneaux indiquant « en coulisses vous êtes sur scène, soyez présentables
» et interdisant de fumer ou de manger, les intéressés devaient être considérés comme étant à la disposition de leur employeur sans pouvoir vaquer à leurs obligations personnelles (Cass. soc., 13 janv. 2009, nº 07-40.638).
Inversement, dès lors que le salarié n’est pas considéré comme étant à la disposition de l’employeur, ce temps ne peut être décompté comme du temps de travail effectif (Cass. soc., 31 oct. 2007, nº 06-13.232).
Trajet des portes de l’entreprise au poste de travail. — De même, le temps de trajet accompli au sein de l’entreprise avant la prise de poste ne peut s’analyser en temps de travail effectif que si le salarié démontre qu’il doit se tenir à la disposition de l’employeur et se conformer à ses directives, sans pouvoir vaquer librement à ses occupations personnelles.
Exemple :
tel n’est pas le cas d’un salarié travaillant dans une zone aéroportuaire qui devait, une fois les contrôles de sécurité passés, emprunter une navette pour rejoindre son poste de travail. Ce temps de déplacement dans l’enceinte de l’entreprise ne pouvait être qualifié de temps de travail effectif dès lors que le salarié ne démontrait pas qu’il recevait des directives de l’employeur et qu’il ne pouvait vaquer librement à des occupations personnelles (Cass. soc., 9 mai 2019, nº 17-20.470).
Trajet du siège de l’entreprise au lieu du chantier. — Le temps de trajet constitue un temps de travail effectif lorsque le salarié se tient à la disposition de son employeur en partant de l’entreprise et qu’il ne peut vaquer à des occupations personnelles.
Exemples :
le trajet est qualifié de temps de travail effectif lorsque :
A contrario, en cas de passage volontaire du salarié par le siège de l’entreprise, le trajet entre ce lieu et le chantier ne peut pas constituer un temps de travail effectif puisqu’un tel passage n’est pas imposé par l’employeur. Cela vise notamment l’hypothèse du salarié qui a la simple faculté (et non l’obligation) de passer par l’entreprise le matin afin de bénéficier des moyens de transport mis à disposition par l’employeur pour se rendre sur les chantiers. Cependant, cette faculté offerte au salarié doit faire apparaître une réelle liberté dans le choix des modalités de transport et la possibilité de se rendre directement au chantier (Circ. DRT nº 2003-06, 14 avr. 2003). De même, lorsqu’à l’issue de leur service, les salariés se rendent volontairement au siège de l’entreprise pour des convenances personnelles, ils ne peuvent être considérés comme étant à la disposition de leur employeur durant ce trajet. Il ne s’agit donc pas de travail effectif (Cass. soc., 26 mars 2008, nº 05-41.476).
Trajet du domicile au lieu du chantier. — Il ne s’agit pas de travail effectif si le salarié a la possibilité de se rendre directement sur le chantier, sans avoir à passer par l’entreprise (voir ci-dessus). Cette solution ne vaut que lorsque le salarié est affecté en permanence sur un même chantier. Mais lorsqu’il se rend régulièrement sur des chantiers situés en des lieux différents, il est dans la situation du salarié qui se rend sur les lieux de sa mission (Cass. soc., 2 juin 2004, nº 02-42.613 ; voir ci-après).
◗ Le trajet du domicile au lieu d’une mission doit-il être rémunéré ?
Le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu du travail n’est pas un temps de travail effectif. Par conséquent, il ne donne pas lieu à rémunération et n’est pas pris en compte pour le calcul des heures supplémentaires. Toutefois, s’il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail (salarié devant se rendre chez un client, formateur itinérant, etc.), ce temps de déplacement doit faire l’objet d’une contrepartie, soit sous forme de repos, soit financière (C. trav., art. L. 3121-4).
Un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord collectif de branche prévoit les contreparties lorsque le temps de déplacement entre le domicile et le lieu de travail dépasse le temps normal de trajet (C. trav., art. L. 3121-7).
À défaut d’accord collectif, ces contreparties doivent être déterminées par l’employeur, après consultation du comité d’entreprise ou, à compter de sa mise en place, du comité social et économique (C. trav., art. L. 3121-8, 3º).
Mais attention, la part de ce temps de déplacement professionnel qui déborde sur l’horaire de travail ne doit pas entraîner de perte de salaire. Si le temps de déplacement qui coïncide avec l’horaire de travail doit être rémunéré, il ne constitue pas pour autant du travail effectif. Par conséquent, il ne doit pas être pris en compte pour le calcul des heures supplémentaires.
Exemple :
un salarié, qui travaille à Caen, commence habituellement à 9h00 du matin et son temps de trajet est de 30 mn. Il doit se rendre chez un client à Paris (2h30 de trajet). Il part de Caen à 7h00. Les 30 premières minutes correspondant à son trajet habituel ne sont pas du travail effectif et n’ont pas à être indemnisées. Les deux heures de déplacement qui excédent son temps habituel de trajet (soit de 7h30 à 9h30) ne sont pas non plus du travail effectif. Ces deux heures ne sont pas prises en compte pour le calcul des heures supplémentaires. Les 30 mn prises sur son horaire habituel (9h00) n’entraînent pas de réduction de salaire.
Le salarié doit percevoir une contrepartie (repos, prime) pour son temps de déplacement excédant son trajet habituel.
Remarque :il n’est pas possible, pour certains salariés itinérants (formateurs par exemple), de définir un lieu de travail habituel servant de référence au temps normal de trajet « domicile-lieu de travail
». Or, les dispositions légales ne prévoient pas de règles spécifiques pour ces salariés dépourvus de lieu de travail habituel. Ils sont donc soumis au même régime que les salariés sédentaires (C. trav., art. L. 3121-4). Pour tenir compte de leurs particularités, la Cour de cassation considère qu’il appartient aux juges du fond de rechercher si les temps de trajet d’un salarié itinérant pour se rendre de son domicile à ses différents lieux de travail dépassent le temps normal de trajet d’un travailleur pour se rendre de son domicile à son lieu de travail habituel (Cass. soc., 31 mai 2006, nº 04-45.217).
La position de la Cour de cassation n’est pas conforme à celle de la CJUE. Pour cette dernière en effet, les déplacements que les salariés sans lieu de travail fixe ou habituel effectuent entre leur domicile et les sites du premier et du dernier client de la journée constituent du temps de travail, et doivent donc être pris en compte dans le calcul des durées maximales de travail et des durées minimales de repos et donner lieu à rémunération. Le temps de trajet n’ouvre droit à contrepartie (financière ou sous forme de repos) que s’il dépasse le temps normal de trajet (CJUE, 10 sept. 2015, aff. C-266/14).
La Cour de cassation a réaffirmé sa position, au motif que la directive « temps de travail
» ne s’oppose pas à l’application de l’article L. 3121-4 du Code du travail pour la rémunération des temps de déplacement des salariés itinérants entre le domicile et les sites du premier et du dernier client. En effet, cette directive se borne à aménager certains aspects de l’aménagement du temps de travail et ne trouve donc pas à s’appliquer à la rémunération des travailleurs. Par conséquent, le mode de rémunération de ces derniers « relève non pas de la directive mais des dispositions pertinentes du droit national
» (Cass. soc., 30 mai 2018, nº 16-20.634).
◗ Qu’en est-il du temps de trajet entre deux lieux de travail ?
Principe. — Le temps de trajet entre deux lieux de travail (deux lieux de missions, deux chantiers, etc.) constitue du travail effectif (Cass. soc., 12 janv. 2005, nº 02-47.505 ; Cass. crim., 2 sept. 2014, nº 13-80.665).
Trajet en dehors des horaires habituels. — Dès lors que le salarié se tient à la disposition de l’employeur en partant de l’entreprise, le fait que le temps de trajet ne se situe pas pendant l’horaire habituel de travail ne remet pas en cause la qualification de travail effectif. Ainsi, doit être considéré comme temps de travail effectif le temps de trajet effectué en dehors de l’horaire habituel de travail du salarié qui conduit un véhicule nécessaire à son activité, notamment pour transporter du matériel ou du personnel (Cass. soc., 20 févr. 1990, nº 87-42.057). En revanche, dès lors qu’il n’est pas démontré que c’était pour se conformer aux directives de son employeur que le salarié effectuait ces déplacements hors temps de travail, ces temps de trajet ne constituent pas un temps de travail effectif (Cass. soc., 16 déc. 1997, nº 95-41.816). De manière générale, tout déplacement en dehors des périodes de travail constitue un temps de travail effectif dès lors qu’il est effectué à la demande de l’employeur.
Sachez-le :selon la Cour de cassation, le premier alinéa de l’article L. 3121-4 du Code du travail en vertu duquel le temps de déplacement pour se rendre sur le lieu d’exécution du travail ne constitue pas du travail effectif, ne s’applique pas au temps de déplacement accompli par un salarié au sein de l’entreprise pour se rendre à son poste de travail. En conséquence, le parcours effectué entre les vestiaires et la pointeuse avant prise de poste peut s’analyser en temps de travail effectif si les critères de définition de celui-ci sont remplis.
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