Textes :C. trav., art. L. 2314-32 ; C. trav., art. R. 2314-23 à C. trav., art. R. 2314-25 ; Ord. no 2017-1386, 22 sept. 2017, JO 23 sept. ; Ord. no 2017-1718, 20 déc. 2017, JO 21 déc. ; D. no 2017-1819, 29 déc. 2017, JO 30 déc. ; L. no 2018-217, 29 mars 2018, JO 31 mars.
Remarque :la jurisprudence citée dans cette fiche, rendue à propos des élections au comité d’entreprise ou des délégués du personnel est, selon nous, transposable au comité social et économique.
◗ Comment le juge d’instance doit-il être saisi ?
Le tribunal d’instance est saisi par voie de déclaration au greffe (C. trav., art. R. 2314-24). L’envoi d’une télécopie au greffe du tribunal ne constitue pas un mode de saisine valable (Cass. soc., 16 janv. 2008, no 06-60.289).
Toutefois, une saisine par lettre recommandée avec avis de réception n’entraîne pas la nullité du recours dès lors qu’il n’existe aucun risque de confusion quant à l’identité de l’auteur de la lettre et que l’irrégularité ne cause aucun grief aux défendeurs (Cass. soc., 3 mai 1995, no 94-60.223).
En outre, la saisine doit être effectuée par une personne habilitée à cet effet. Doit donc disposer d’un mandat pour agir en justice :
Cette saisine n’a pas un caractère suspensif et les élections professionnelles continuent donc à produire leurs effets.
Remarque :si une requête est présentée au tribunal d’instance afin de voir annulées des élections professionnelles au sein d’une unité économique et sociale, l’action ne doit pas être dirigée contre l’unité économique et sociale, puisqu’elle n’a pas la personnalité juridique, mais contre chacune des entités qui la composent. La requête qui ne vise qu’une seule de ces sociétés est régulière si le greffe dispose d’éléments permettant de convoquer les autres entités (Cass. soc., 14 janv. 2014, no 13-60.165).
◗ Le juge d’instance peut-il être saisi en référé ?
Le juge saisi en référé peut ordonner toutes les mesures ne se heurtant à aucune contestation sérieuse, notamment pour fixer les modalités d’organisation et de déroulement des opérations électorales. Cependant, il ne peut pas trancher le litige au fond et donc se prononcer sur la validité des élections professionnelles (Cass. soc., 28 oct. 1997, no 96-60.369).
En pratique, du fait des délais très brefs impartis au juge d’instance, dans la majeure partie des cas, il n’est pas nécessaire de le saisir en référé.
◗ Qui le juge d’instance doit-il convoquer ?
Le juge d’instance doit convoquer toutes les parties intéressées au litige trois jours à l’avance par simple avertissement (C. trav., art. R. 2314-25).
Cette convocation est adressée à leur domicile personnel et non à l’adresse de la société (Cass. soc., 3 mars 1999, no 97-60.807).
De plus, l’avertissement doit être transmis par le tribunal d’instance en temps utile pour que chaque partie puisse se préparer et se présenter à l’audience dans le respect du principe du contradictoire. Ce n’est pas le cas d’une personne avertie la veille de l’instance (Cass. soc., 25 févr. 1985, no 84-60.637).
ATTENTION :le demandeur doit fournir, dans sa demande, l’identité de tous les « défendeurs nécessaires », à savoir, au choix, l’employeur, les candidats élus, ou les candidats à l’élection si le recours est formé durant son déroulement, en vue de leur convocation. À défaut, sa demande est irrecevable (Cass. soc., 26 mars 2003, no 01-60.932).
Les parties intéressées sont les électeurs, les candidats, l’employeur et les organisations syndicales. Parmi elles, figurent les « défendeurs nécessaires » qui sont directement concernés par l’irrégularité invoquée et doivent impérativement être avertis. Ainsi doivent être convoqués, sous peine d’annulation de la décision de justice :
En revanche, il n’y a pas lieu de convoquer obligatoirement les membres du bureau de vote en cette qualité (Cass. soc., 7 juill. 1981, no 81-60.510).
À noter que les candidats non élus ne sont pas des « parties intéressées » au sens de l’article R. 2314-25 du Code du travail (Cass. soc., 28 janv. 2015, no 14-60.423).
ATTENTION :les « défendeurs nécessaires » peuvent demander l’annulation de la décision s’ils n’ont pas pu défendre leurs intérêts devant le juge (Cass. soc., 11 mars 1992, no 91-60.163).
En revanche, les parties qui ont été régulièrement convoquées à l’audience ne peuvent se prévaloir de l’absence de convocation d’un autre « défendeur nécessaire » pour faire annuler la décision du juge (Cass. soc., 8 déc. 2010, no 10-60.211).
◗ Dans quels délais le juge d’instance rend-il sa décision ?
Le juge doit en principe statuer dans les 10 jours (C. trav., art. R. 2314-25). Toutefois, un dépassement de ce délai n’emporte pas la nullité de la décision (Cass. soc., 5 déc. 2000, no 99-60.396).
◗ Que peut décider le juge d’instance ?
Le juge doit proclamer les résultats s’il ne constate pas d’irrégularités, en les rectifiant en cas de besoin (Cass. soc., 19 juill. 1983, no 82-60.378). Ainsi, s’il constate, par exemple, que les électeurs n’ont pas été informés avant le scrutin d’une répartition particulière des suffrages entre les syndicats présentant une liste commune et que les suffrages obtenus par cette liste ont été attribués aux syndicats intéressés suivant une répartition inégalitaire, il doit rétablir les résultats en opérant la répartition des suffrages obtenus par cette liste à parts égales entre les syndicats concernés (Cass. soc., 2 mars 2011, no 10-17.603).
Remarque :en revanche, le juge ne peut répartir le personnel entre les différents collèges : cette tâche revient, en l’absence d’accord, à l’inspecteur du travail (Cass. soc., 20 juin 2012, no 11-19.643).
À l’inverse, si le juge constate une irrégularité, il peut annuler :
S’il est saisi avant les élections professionnelles, le tribunal d’instance peut également :
Remarque :le tribunal d’instance statuant sans frais, le juge ne peut pas condamner l’une des parties à payer les dépens (Cass. soc., 24 nov. 1992, no 91-60.368 ; Cass. soc., 12 mars 2008, no 07-60.330).
◗ Une irrégularité constatée dans l’organisation et le déroulement des élections professionnelles entraîne-t-elle automatiquement l’annulation des élections ?
Toutes les irrégularités ne justifient pas l’annulation des élections professionnelles. Seuls trois types d’irrégularités constituent une cause d’annulation du scrutin :
Les irrégularités contrevenant aux principes généraux du droit électoral. — Elles justifient, à elles seules, l’annulation des élections professionnelles sans qu’il soit nécessaire de démontrer une éventuelle influence de ces manquements sur le résultat du vote. Parmi les circonstances qui entraînent de plein droit l’annulation des élections professionnelles, on peut citer :
Les irrégularités qui ont exercé une influence sur le résultat des élections professionnelles. — En l’absence d’atteinte aux principes généraux du droit électoral, les irrégularités commises dans l’organisation et le déroulement du scrutin ne peuvent constituer une cause d’annulation que si elles ont exercé une influence sur le résultat des élections professionnelles (Cass. soc., 17 déc. 2014, no 14-12.401 ; Cass. soc., 10 mars 2016, no 15-19.544).
Les irrégularités déterminantes pour la représentativité des organisations syndicales ou le droit pour un candidat d’être désigné délégué syndical. — Cette dernière hypothèse a été dégagée par la Cour de cassation pour tenir compte de la fonction des résultats du premier tour des élections du comité social et économique, même lorsque le quorum n’est pas atteint, dans l’appréciation de la représentativité des syndicats et de la capacité des salariés à exercer un mandat de délégué syndical (voir no 115-80 ; no 120-15 et no 120-20).
Mais cette règle ne s’applique que pour l’appréciation de la représentativité des syndicats dans le périmètre où sont organisées les élections professionnelles. Si des irrégularités commises au cours des élections du comité social et économique d’établissement sont sans incidence sur le calcul de la représentativité des syndicats dans le périmètre de cet établissement, elles ne justifient pas l’annulation des élections professionnelles, quelles que soient leurs éventuelles incidences sur le calcul de la représentativité d’un syndicat au niveau de l’entreprise ou de l’unité économique et sociale (Cass. soc., 2 mars 2011, no 10-60.101).
Exemples :
le fait que 34 bulletins de votes par correspondance soient parvenus à l’entreprise plusieurs jours après la clôture du premier tour justifie l’annulation des élections professionnelles, dès lors que la prise en compte de ces votes aurait permis à un syndicat d’atteindre le seuil de 10 % des suffrages exprimés, peu important que l’employeur ait été ou non défaillant dans l’organisation du scrutin (Cass. soc., 10 mars 2010, no 09-60.236).
Le fait que sept salariés n’aient pas reçu leur matériel de vote par correspondance entraîne l’annulation des élections professionnelles dès lors que cette irrégularité a pu avoir une incidence sur le résultat des élections en terme de représentativité des organisations syndicales (Cass. soc., 22 janv. 2014, no 13-18.396 : en l’espèce, il manquait quatre voix à la CGT, dont le score atteignait 9,74 %, pour atteindre le seuil des 10 %).
◗ Quels sont les effets de la décision du juge d’instance ?
Le jugement est applicable aux parties dès sa notification effectuée dans les trois jours par le greffe du tribunal en lettre recommandée avec avis de réception (C. trav., art. R. 2314-25).
En cas d’annulation des élections professionnelles, l’employeur doit en organiser de nouvelles, en reprenant l’intégralité du processus électoral dans un délai qui peut être fixé dans le jugement (Cass. soc., 23 juin 1983, no 82-60.658).
L’annulation des élections professionnelles n’a pas d’effet rétroactif sur les mandats et sur les prérogatives exercées à ce titre (Cass. soc., 15 avr. 2015, no 14-19.139). Autrement dit, l’annulation des élections ne fait perdre aux salariés élus leur qualité de membres du comité social et économique qu’à compter du jour où elle est prononcée (Cass. soc., 2 déc. 2008, no 07-41.832), ce qui permet de couvrir les actes réalisés par ces derniers avant l’annulation.
Ainsi :
◗ Quels sont les recours contre la décision du juge d’instance ?
Le juge d’instance statuant en dernier ressort, tout recours doit prendre la forme d’un pourvoi en cassation dans les 10 jours à compter de la notification de la décision (C. trav., art. R. 2314-25). Aucun appel ou tierce opposition n’est possible (Cass. soc., 10 oct. 1990, no 90-60.009). Ce délai de 10 jours est également applicable dans les départements et territoires d’outre-mer, et il n’y a pas de prorogation spécifique (Cass. soc., 24 sept. 2008, no 07-60.420).
Le pourvoi peut être formé par toute personne intéressée disposant d’un mandat à cet effet. À défaut de mandat, le pourvoi est irrecevable (Cass. soc., 10 oct. 1990, no 88-60.711).
Ce recours n’étant pas suspensif, le jugement continue à s’appliquer (Cass. soc., 1er déc. 1993, no 93-60.002).
Remarque :si la Cour de cassation casse le jugement qui a annulé les élections professionnelles, le nouveau scrutin organisé entre-temps par l’employeur n’est pas pour autant annulé. En l’absence de contestation formée à l’encontre de ce nouveau scrutin dans le délai de 15 jours, la représentativité d’un syndicat se mesure en fonction de l’audience obtenue lors de celui-ci (Cass. soc., 12 avr. 2016, no 15-18.652).
En cas de saisine du tribunal d’instance, avant le scrutin, d’une contestation relative au déroulement des élections professionnelles, le jugement rendu est susceptible d’un pourvoi en cassation (Cass. soc., 23 sept. 2009, no 08-60.535). L’employeur ne peut plus soumettre au juge d’instance la même contestation, après les élections professionnelles et former un pourvoi uniquement contre ce second jugement.
Remarque :si la Cour de cassation casse le jugement, l’affaire est renvoyée devant un autre juge d’instance. Toutefois, le tribunal de renvoi n’est plus compétent si de nouvelles élections professionnelles sont intervenues et devenues définitives (Cass. soc., 13 janv. 1983, no 82-60.312).
La décision du tribunal d’instance ne peut faire l’objet ni d’un appel, ni d’une opposition (Cass. soc., 14 janv. 2014, no 12-29.253).
Sachez-le :si les élections professionnelles sont annulées, les candidats qui s’y sont présentés n’en perdent pas pour autant leur statut de salarié protégé en tant que candidat aux élections professionnelles (Cass. soc., 11 mai 1999, no 97-40.765) et les anciens élus restent protégés au titre de la période d’exercice effectif du mandat et durant les six mois qui suivent (Cass. soc., 2 déc. 2008, no 07-41.832).
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