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115-100 Comment contester les irrégularités intervenues lors des élections professionnelles ?

Partie 1 –
Mise en place et fonctionnement des institutions représentatives du personnel
Titre 2 –
Modes de mise en place des institutions représentatives du personnel
Thème 115 –
Élections professionnelles
Section 6 –
Contentieux électoral
115-100 Comment contester les irrégularités intervenues lors des élections professionnelles ?
Le juge judiciaire peut être amené à se prononcer sur des irrégularités survenues lors des élections professionnelles, s’il est saisi dans les délais par une personne ayant capacité et intérêt à agir. Autrement dit, seul le tribunal d’instance valablement saisi peut se prononcer sur le litige lié aux élections.

Textes :C. trav., art. L. 2314-30 ; C. trav., art. L. 2314-32 ; C. trav., art. R. 2314-24 ; Ord. no 2017-1386, 22 sept. 2017, JO 23 sept. ; Ord. no 2017-1718, 20 déc. 2017, JO 21 déc. ; D. no 2017-1819, 29 déc. 2017, JO 30 déc. ; L. no 2018-217, 29 mars 2018, JO 31 mars.

Remarque :la jurisprudence citée dans cette fiche, rendue à propos des élections au comité d’entreprise ou des délégués du personnel est, selon nous, transposable au comité social et économique.

Qui peut agir en justice pour contester une éventuelle irrégularité ?

Pour contester les élections professionnelles, il faut avoir qualité et intérêt à agir.

C’est le cas de :

  • l’employeur ou de son représentant qui organise les élections professionnelles (Cass. soc., 15 janv. 2002, no 00-60.276). Ainsi, le chef d’un établissement distinct investi du pouvoir d’organiser les élections professionnelles dans son établissement peut saisir le tribunal d’instance de tout litige relatif à l’organisation et à la régularité des élections (Cass. soc., 4 avr. 2007, no 06-60.112) ;
  • tout électeur, mais uniquement pour les élections de son collège électoral (Cass. soc., 10 mai 2012, no 11-13.197). Il n’a pas d’intérêt à contester les élections professionnelles intervenues dans un autre collège que le sien (Cass. soc., 16 mai 1990, no 88-60.797). De même, n’a aucun intérêt à agir, le salarié qui invoquerait la non-convocation de certains syndicats à la négociation du protocole d’accord préélectoral (Cass. soc., 7 avr. 1993, no 91-60.247). En revanche, un salarié qui revendiquerait l’existence d’une unité économique et sociale est admis à demander l’annulation des élections professionnelles effectuées dans sa seule société (Cass. soc., 14 janv. 1982, no 81-60.802). Un salarié qui a été licencié n’a plus ni intérêt, ni qualité à agir. Cependant, il retrouve intérêt et qualité à contester la régularité de l’élection dès lors que sa réintégration est ordonnée (Cass. soc., 21 nov. 2007, no 07-60.102) ;
  • tout candidat, pour l’élection du collège auquel il appartient (Cass. soc., 27 févr. 2013, no 11-60.195), même s’il a été élu et s’il a signé sans réserves le procès-verbal de dépouillement des résultats (Cass. soc., 21 nov. 2007, no 07-60.058 ; voir no 115-90) ;
  • tout syndicat, même non représentatif, qui n’a pas participé à la négociation du protocole d’accord préélectoral ou qui n’a pas présenté de candidat, dès lors qu’il a des adhérents dans l’entreprise (Cass. soc., 12 juill. 2006, no 05-60.353 ; Cass. soc., 14 déc. 2015, no 15-15.947). Tous les syndicats ont en effet qualité et intérêt à agir, car la régularité des élections professionnelles met en jeu l’intérêt collectif de la profession. Le syndicat qui souhaite contester les élections mandate à cet effet un représentant, par exemple un délégué syndical (Cass. soc., 31 janv. 2001, no 99-60.392). Ce représentant doit, s’il n’est pas avocat, justifier d’un pouvoir spécial ou d’une disposition des statuts du syndicat l’habilitant à agir en justice. Ce pouvoir doit être produit en justice avant l’expiration du délai de 15 jours pour contester l’irrégularité des élections professionnelles. Passé ce délai, le défaut de pouvoir entraîne l’irrecevabilité de la demande (Cass. soc., 20 déc. 2006, no 06-60.017 ; Cass. soc., 14 mars 2018, no 17-16.265).

Remarque :la section syndicale, qui n’a pas de personnalité morale, n’a pas la capacité pour contester les élections professionnelles (Cass. soc., 18 juill. 1979, no 79-60.118).

Quel est le tribunal compétent ?

Le tribunal d’instance est compétent pour apprécier la régularité des listes électorales, des candidatures et des opérations électorales ainsi qu’au non-respect des dispositions relatives à la parité des listes de candidats (C. trav., art. L. 2314-32). Il peut également être saisi des recours à l’encontre de certaines décisions de l’autorité administrative.

Le tribunal d’instance géographiquement compétent est celui dans le ressort duquel les opérations électorales ont lieu : l’établissement dans lequel les élections ont lieu ou le siège social de l’entreprise si les votes de l’ensemble des établissements y ont été dépouillés et les résultats proclamés (Cass. soc., 12 juin 1981, no 81-60.021).

Quelles sont les contestations possibles ?

Litiges liés à l’électorat. — Ils recouvrent les contestations relatives aux listes électorales et aux conditions d’électorat. En relèvent notamment les différends liés :

Remarque :l’employeur étant tenu d’établir la liste électorale, il lui appartient, en cas de contestation, de fournir les éléments nécessaires au contrôle de sa régularité (Cass. soc., 13 nov. 2008, no 07-60.434). Même si la contestation émane d’un syndicat, c’est donc bien à l’employeur de fournir les éléments permettant de déterminer l’effectif et l’électorat de l’entreprise et c’est au syndicat qui conteste ces éléments d’expliquer et de justifier le motif de sa contestation.

Litiges relatifs à la régularité de l’élection. — Ils recouvrent quant à eux toute irrégularité affectant la validité des élections professionnelles, soit notamment :

Certaines irrégularités, semblant relever a priori du contentieux de l’électorat, sont susceptibles d’influencer la validité des élections professionnelles et les résultats du scrutin. Ces litiges peuvent donc être introduits dans le délai de 15 jours prévu en matière de contestation de la régularité des élections professionnelles.

Exemples :

Tel est le cas s’agissant :

Remarque :le tribunal d’instance a compétence, en cas de contestation du procès-verbal des élections professionnelles, non seulement pour en vérifier la régularité, mais aussi, le cas échéant, pour y apporter les corrections nécessaires (Cass. soc., 28 nov. 2012, no 11-28.001 ; voir no 115-90).

Non-respect des dispositions relatives à la parité sur les listes de candidats. — Les dispositions légales imposent de respecter la parité et l’alternance dans les listes électorales (C. trav., art. L. 2314-30 ; voir no 115-50).

Si les listes de candidats ne respectent pas la part d’hommes ou de femmes devant figurer sur les listes pour chaque collège électoral, le tribunal d’instance peut annuler l’élection du ou des candidats du sexe surreprésenté sur la liste. Cette annulation s’applique en commençant par le dernier élu de la liste, puis en remontant l’ordre de la liste.

En outre, si les listes de candidats ne sont pas composées alternativement d’un candidat de chaque sexe jusqu’à épuisement des candidats d’un des sexes, le tribunal d’instance peut annuler l’élection du ou des élus dont le positionnement sur la liste ne respecte pas ces prescriptions (C. trav., art. L. 2314-32).

Recours contre certaines décisions du Direccte. — Relèvent du juge judiciaire les recours à l’encontre de la décision administrative concernant :

  • la répartition du personnel dans les collèges électoraux et la répartition des sièges entre les différentes catégories de personnel (C. trav., art. L. 2314-13 ; voir no 115-20) ;
  • la répartition des sièges entre les différents établissements et les différents collèges (C. trav., art. L. 2316-8) ;
  • les dérogations aux conditions d’ancienneté requise pour être éligible et/ou électeur (C. trav., art. L. 2314-25) ;
  • le nombre et le périmètre des établissements distincts (C. trav., art. L. 2313-5 ; C. trav., art. L. 2313-8 ; voir no 110-10 et no 110-35).

Dans quels délais le tribunal d’instance doit-il être saisi ?

Le juge d’instance doit être saisi dans un délai de (C. trav., art. R. 2314-24) :

  • trois jours suivant la publication de la liste électorale, pour le contentieux de l’électorat. Si la contestation est faite par lettre, celle-ci doit parvenir au greffe dans ce délai (Cass. soc., 20 avr. 2005, no 04-60.158) ;
  • 15 jours suivant les élections pour le contentieux de la régularité des élections professionnelles ou pour les contestations relatives au non-respect des dispositions légales relatives à la parité. Ce délai court à compter du lendemain de la proclamation des résultats (Cass. soc., 10 mars 2016, no 15-20.937) ;
  • 15 jours suivant la notification de la décision du Direccte mentionnée à l’article R. 2314-23 du Code du travail (C. trav., art. R. 2313-5).

Au-delà, aucune contestation ne peut plus être exercée (Cass. soc., 26 janv. 2002, no 98-60.534). Dès lors que l’action a été introduite dans les délais, les arguments à l’appui de cette action peuvent être présentés ultérieurement (Cass. soc., 12 juill. 2006, no 05-60.353).

Une contestation sur la validité des élections professionnelles peut être engagée avant la fin des élections si l’irrégularité est déjà découverte (Cass. soc., 27 janv. 1983, no 82-60.327).

De plus, une contestation supplémentaire peut se joindre après expiration de ces délais à une première contestation engagée dans les délais, si elle a un lien suffisant avec la demande originaire (Cass. soc., 16 oct. 1984, no 84-60.373).

Les délais courent-il à compter du premier ou du second tour ?

Le délai de 15 jours ouvert pour contester la régularité des opérations électorales court, s’agissant des résultats du premier tour qui déterminent la représentativité des syndicats, à compter de ce premier tour (Cass. soc., 26 mai 2010, no 09-60.453).

L’employeur doit donc saisir le tribunal d’instance dès les résultats du premier tour, c’est-à-dire à compter du lendemain de la proclamation des résultats ou de la publication du procès-verbal de carence (Cass. soc., 31 janv. 2012, no 11-60.139), s’il entend contester une irrégularité affectant les résultats du premier tour, ou déterminant la représentativité d’un syndicat, ou la capacité d’un salarié à être désigné délégué syndical.

En revanche, en l’absence d’élus au premier tour, le délai ne court qu’à compter du lendemain de la proclamation des élus au second tour (Cass. soc., 7 mai 2002, no 00-60.229).

Remarque :si l’employeur a proclamé les résultats à l’issue du premier tour alors qu’il y avait encore des sièges à pourvoir, le tribunal d’instance peut être saisi au-delà du délai de 15 jours afin qu’il lui soit ordonné d’organiser un second tour (Cass. soc., 8 nov. 2006, no 06-60.036 ; voir no 115-80).

ATTENTION :même si un recours a été formé avant la tenue du premier tour de scrutin pour contester les listes électorales, cela ne dispense pas le requérant de saisir à nouveau le tribunal d’instance, dans le délai de 15 jours à compter de la proclamation des résultats, pour obtenir l’annulation des élections professionnelles qui se seraient déroulées sur la base des listes contestées. En effet, la rectification des listes électorales par le juge d’instance n’implique pas automatiquement l’annulation des élections qui ont eu lieu (Cass. soc., 19 déc. 2007, no 07-60.016).

Comment décompter ces délais ?

L’employeur doit décompter ces délais en jours calendaires, c’est-à-dire en prenant en compte chaque jour civil, jusqu’à la 24e heure du dernier jour. Toutefois, il peut dépasser ce nombre de jours jusqu’au premier jour ouvrable suivant si le délai expire un samedi, un dimanche ou un jour férié (Cass. soc., 24 juin 1981, no 81-60.519).

Le jour servant de point de départ n’est pas comptabilisé. En effet, lorsqu’un délai est exprimé en jours, celui de l’événement qui le fait courir ne compte pas. Le délai court donc seulement à compter du lendemain :

  • de l’affichage des listes pour le contentieux de l’électorat (Cass. soc., 23 mars 1994, no 92-60.121) ;
  • de la proclamation des résultats pour le contentieux de la régularité de l’élection (Cass. soc., 10 mars 2016, no 15-20.937).

Exemple :

si les résultats sont proclamés le 29 janvier, le délai court à compter du 30 janvier et n’expire que le 13 février au soir, et non le 12.

Lorsque le recours est formé par déclaration écrite adressée au greffe du tribunal d’instance (voir no 115-105), c’est la date d’envoi de cette déclaration qui compte pour déterminer si le recours est effectué dans le délai de 15 jours, peu important qu’elle soit reçue au greffe après son expiration (Cass. soc., 6 janv. 2011, no 09-60.398). Cette lettre doit donc être expédiée avant l’expiration du délai de 15 jours.

Lorsque la contestation concerne une décision du Direccte, pour déterminer le point de départ du délai de contestation de 15 jours, le Direccte doit justifier auprès du tribunal d’instance :

  • de l’accomplissement de la notification de sa décision (décision explicite) ;
  • ou, en cas de décision implicite, de sa réception de la contestation (afin de décompter le délai de deux mois dont elle dispose pour rendre sa décision ; C. trav., art. R. 2314-24).

Sachez-le :lorsque des syndicats n’ont pas été invités à la négociation du protocole d’accord préélectoral, le délai de 15 jours pour contester la régularité des élections professionnelles ne court qu’à compter du jour où ils ont eu connaissance des résultats du scrutin, et non à compter de la proclamation des résultats (Cass. soc., 24 oct. 2007, no 07-60.020).

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