Texte :C. civ., art. 1103 ; C. trav., art. L. 1221-1.
◗ L’employeur peut-il modifier la rémunération contractuelle du salarié ?
Le salaire est un élément essentiel du contrat qui ne peut être modifié sans l’accord du salarié. L’employeur ne peut donc modifier unilatéralement le salaire contractuel, et ce, qu’il s’agisse du salaire de base, des commissions, des primes, des avantages en nature ou de toute autre indemnité. Il ne peut pas davantage insérer dans le contrat une clause lui donnant ce droit (voir no 105-130).Le salaire contractuel dont il est question est celui qui résulte de l’accord des parties (qui peut être oral). Le niveau de salaire indiqué sur le bulletin de paye peut être considéré comme la preuve du contrat « oral ».
À titre d’exemples, le salarié peut refuser :
Remarque :cette règle vaut même si la modification est minime (Cass. soc., 19 mai 1998, no 96-41.573).
◗ Qu’en est-il lorsque la modification du salaire est indirecte ?
Le salarié peut également refuser les modifications indirectes de sa rémunération. Ainsi, il peut s’opposer à :
Remarque :un salarié peut aussi demander un rappel de salaire lorsque, payé selon un système d’intéressement, il apparaît qu’il n’a pu réaliser son chiffre d’affaires en raison du comportement de l’employeur qui ne lui a pas donné les moyens d’accomplir son travail (Cass. soc., 10 févr. 2004, no 01-45.216).
◗ Peut-on, sans toucher au montant du salaire, modifier son mode de calcul ?
Pas plus que le montant du salaire, l’employeur ne peut modifier unilatéralement son mode de calcul ou sa structure (éléments qui le composent). Il ne peut que proposer une modification de ce type et le salarié est en droit de la refuser.
Quelques exemples de ce qu’un employeur ne peut pas imposer :
Le droit au même salaire et au même mode de calcul est un principe intangible qui s’applique dans tous les cas, y compris si le nouveau mode de calcul n’a pas d’incidence sur le montant de la rémunération (Cass. soc., 26 janv. 2005, no 03-40.501), si l’employeur estime qu’il est plus avantageux (Cass. soc., 19 mai 1998, no 96-41.573 ; Cass. soc., 12 mars 2002, no 99-42.993), y compris s’il l’est réellement (Cass. soc., 5 mai 2010, no 07-45.409).
Exemple :
l’employeur rémunérait un salarié à la commission (20 % jusqu’à 80 000 F de chiffre d’affaires, puis 21 % à partir de 80 000 F, etc.). Ultérieurement, la société l’avait informé que le tarif des produits était augmenté et que dorénavant les ventes effectuées en dessous de ce tarif seraient commissionnées au taux de 10 %. Selon la Cour de cassation, le salarié était en droit de refuser cette modification – peu importe que ladite modification soit minime ou le mode de rémunération plus avantageux selon l’employeur (Cass. soc., 19 mai 1998, no 96-41.573).
Remarque :la modification par l’employeur du mode de calcul de la rémunération du salarié ne justifie pas une résiliation judiciaire du contrat de travail lorsqu’elle n’entraine aucune baisse de rémunération (Cass. soc., 12 juin 2014, no 13-11.448) ou une baisse négligeable (Cass. soc., 12 juin 2014, no 12-29.063). La chambre sociale considère qu’une modification unilatérale de la rémunération (et, plus largement, du contrat de travail) n’empêche pas nécessairement la poursuite du contrat. Observons que si la Cour de cassation ferme quelque peu la voie de la résiliation judiciaire ou, par analogie de la prise d’acte – le salarié a toujours la possibilité de saisir la juridiction prud’homale pour demander l’exécution du contrat de travail, des rappels de salaire, des dommages et intérêts ou encore pour faire juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse lorsque celui-ci est justifié par son refus de la modification de son contrat.
◗ L’employeur peut-il intégrer dans le salaire contractuel une prime prévue par la convention collective ?
L’employeur doit obtenir l’accord du salarié s’il veut intégrer dans le salaire contractuel une prime prévue par un accord collectif ; l’intégration de cette prime modifie en effet la structure du salaire contractuel (c’est-à-dire des éléments qui le composent).
Exemple :
l’employeur ne peut pas prétendre que la prime d’ancienneté est intégrée dans la rémunération contractuelle du salarié dès lors qu’il n’a pas trace d’un accord du salarié en ce sens (Cass. soc., 23 oct. 2001, no 99-43.153).
Si la prime n’est pas mentionnée séparément sur le bulletin de salaire, il est donc essentiel, pour des questions de preuve, d’avoir un écrit constatant qu’elle est incluse dans le salaire de base.
Attention :il n’est pas possible d’opposer au salarié un accord entre l’employeur et les délégués du personnel reconnaissant qu’une prime (en l’espèce une prime d’ancienneté) était comprise dans le salaire ; quel que soit le cas de figure, cette intégration nécessite l’accord exprès du salarié, car il s’agit d’une modification de sa rémunération contractuelle ; peu importe que le salarié n’ait rien réclamé pendant 16 ans (Cass. soc., 2 juill. 2008, no 07-40.702).
Voir aussi le cas de la dénonciation d’un accord collectif ayant prévu le versement d’une prime et le droit pour le salarié en place au moment de cette dénonciation au maintien de la structure de son salaire (salaire de base plus prime) au titre de la garantie de rémunération (no 105-155).
◗ L’entrée en vigueur d’un accord collectif peut-elle avoir pour effet de modifier les salaires contractuels ?
Les dispositions d’un accord collectif ne s’imposent au salarié que si elles sont plus avantageuses et portent sur les mêmes « éléments » (prime, majorations, etc.) que ceux prévus à son contrat (C. trav., art. L. 2254-1 ; Cass. soc., 13 nov. 2001, no 99-42.978). En dehors de ce cas, le montant du salaire contractuel ou sa structure (éléments qui le composent) ne peuvent pas être modifiés par un accord d’entreprise ou une convention collective.
Ainsi, lorsque suite à un accord collectif sur les salaires, l’employeur souhaite modifier la structure de certaines rémunérations dans son entreprise (suppression d’une prime par intégration au salaire de base par exemple), l’accord de l’intéressé est nécessaire, y compris si au final le salaire de base du nouvel accord collectif est identique, voire supérieur au total (salaire plus prime) qu’il percevait auparavant. Autrement dit, dans un tel cas de figure, un salarié dont la rémunération contractuelle est composée d’un salaire de base et d’une prime a droit au nouveau salaire de base de l’accord collectif et à sa prime contractuelle (Cass. soc., 7 nov. 2007, no 06-40.117).
De même, l’application de la Charte du football professionnel (ayant valeur de convention collective) ne peut avoir pour effet de baisser la rémunération des joueurs prévue contractuellement (Cass. soc., 10 fév. 2016, no 14-26.147 ; Cass. soc., 14 sept. 2016, no 15-21.974).
Exemple :
des salariés bénéficiaient d’une prime d’assiduité en application de leur contrat de travail. Ultérieurement, un accord d’entreprise avait été conclu prévoyant une rémunération globale comprenant un salaire garanti, diverses indemnités pour travail les dimanches, les jours fériés et la nuit, des majorations pour ancienneté et une prime annuelle de salissure. À la suite de cet accord, la prime d’assiduité avait cessé de figurer sur les bulletins de paye car elle avait été incluse dans le salaire. À tort, selon la Cour de cassation, il s’agissait en effet d’une modification de la structure du salaire contractuel et l’accord des intéressés était nécessaire (Cass. soc., 7 févr. 2006, no 04-43.196 ; Cass. soc., 7 févr. 2006, no 04-43.197).
Remarque :L’absence de contestation par le salarié de sa classification dans les formes et délais prévus par la convention collective et de saisine de la commission paritaire de conciliation ne peut valoir renonciation du salarié à contester judiciairement sa nouvelle classification professionnelle et le priver du droit de soumettre cette contestation à une juridiction (Cass. soc., 19 mars 2014, no 13-10.021).
◗ Le fait, pour le salarié, de continuer à travailler aux nouvelles conditions vaut-il accord ?
L’accord du salarié à la modification de son contrat doit être exprès lorsque la modification proposée ne repose pas sur un motif économique (voir no 105-125). Il ne peut pas être tacite et résulter de la seule poursuite du contrat de travail aux conditions modifiées. Autrement dit, le silence du salarié, le fait qu’il continue de travailler sans rien réclamer ne vaut pas consentement, y compris si ce silence dure plusieurs mois ou années (Cass. soc., 20 juin 2001, no 99-43.452 ; Cass. soc., 2 juill. 2008, no 07-40.702). De même le seul fait que le salarié, en sa qualité de responsable administratif et financier, établissait lui-même ses bulletins de paie ne permet pas de conclure qu’il a accepté la modification de son salaire (Cass. soc., 25 janv. 2011, no 09-41.643).
Pour produire effet, l’accord du salarié ne doit pas être équivoque ; ainsi, est équivoque la signature d’un avenant par le salarié qui y ajoute la mention « sous réserve de mes droits » (Cass. soc., 4 févr. 2003, no 01-40.066).
Attention :l’accord du salarié peut être oral (Cass. soc., 21 févr. 2007, no 05-45.024) mais, en cas de contestation, l’employeur devra prouver cet accord (attestations, témoignages, courriers, etc.), ce qui peut poser des difficultés. C’est la raison pour laquelle il est recommandé d’établir un avenant au contrat.
Sachez-le :lorsque la rémunération résulte d’un accord collectif, la révision de l’accord s’impose aux salariés (voir no 105-150).
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